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4.08/5 (sur 13 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Jean de Palacio est professeur à l’Université de Lille puis professeur émérite à l’université Paris IV-Sorbonne ou il a tenu
pendant vingt ans (1979-1999), un séminaire de littérature comparée sur la Décadence en Europe, et réédité de nombreux textes de la littérature finiséculaire.

Agrégé d’anglais, auteur d’une thèse de doctorat sur Mary Shelley, Jean de Palacio se tourne vers la littérature fin de siècle après sa soutenance de thèse en 1970.






Source : wikipédia
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5 questions posées à Jean de Palacio, à l'occasion de la parution de son livre Le portrait (Calleva).


Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
« Cette femme fardée est un tableau vivant, un autoportrait constamment en train de se faire ou de se défaire. » (p. 152)
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« Les langues, comme les êtres, ont donc des maladies, une vieillesse, un déclin. » (p. 41)
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... (Devant sa bibliothèque fouillée et dérangée par un inconnu) ... Un mot s'imposa à son esprit : Babel ! Cette bibliothèque en folie, conjuguant la lacune et le brouillamini, les accouplements insolites, atteignant les textes les plus révérés, inaugurant insolemment des associations contradictoires, c'était Babel, en effet, le nouveau Capharnaüm, l'instauration du désordre des textes après celui des langues. L'ordre semblait irrémédiablement compromis, de même que l'intégralité. Marivaux, jadis allié à Goldoni, s'était acoquiné avec Beckett et Ionesco. Car Maurcie décelait aussi dans ses armoires des livres qu'il n'avait jamais acquis et qui lui étaient étrangers. Forme de souillure, celle-ci, encore plus perverse, car elle atteignait l'être intime, les prédilections, l'âme. Il découvrit avec horreur, au fil des rayons, les noms de Guy des Cars, Maurice Druon, Henri Troyat, Jean Dutourd, Jean d'Ormesson, comme il y avait eu, au siècle précédent, Georges Ohnet, Octave Feuillet, Victor Cherbuliez, Fortuné du Boisgobey, Richard O'Monroy : l'armée des académiciens satisfaits, la mise en coupe réglée des succès commerciaux. Alors que - il le vit en ouvrant au hasard quelques volumes choyés - des pages manquaient à La Princesse de Clèves, à Manon Lescaut, Adolphe, Dominique, les autres, les académiques, les faciles, étaient neufs, complets, respectés, indemnes. Il songea à la bataille des Livres chez Barbin, à Swift, imagina une mêlée sans pareille, une nouvelle querelle des anciens et des modernes, où les volumes combattaient, se heurtaient, s'entrechoquaient pour la déroute finale de l'âme, en faveur des plus piètres écritures mercantiles. Babel de la bibliothèque, autrement pernicieuse que l'autre, où trônaient tout ensembles académisables et académisés, amenant, comme un ânon son faix, leur facilité, leurs conventions, leur amphigouri et leur verbalisme. ...
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.. L'infinitif fut le premier à partir, rendant désormais toute désignation du verbe. Fuite, désertion ou plutôt défection, qui faisait désormais du verbe une entité lacunaire et mutilée. Mode, celui-ci essentiellement hybride, ayant perdu les caractères propres qui font de lui un verbe, et devenu substantivé, forme nominale du verbe, il oscillait constamment entre le procès et l'objet, dans un balancement qui le rendait d'ores et déjà insaisissable. C'était, pour Maurice Guilhon, un enjeu essentiel, une quête de tous les instants, non pour dire : le boire et le manger, mais le parler et l'écrire. Il se heurtait sans cesse au caractère non personnel, non temporel, d'un mode qui semblait déjà dilué dans l'abstrait. Maurice Guilhon avait le sentiment de poursuivre un fantôme.

Elisabeth Wehland aussi était un fantôme. Elle avait, en partant, emporté avec elle le secret de sa langue. Ce départ, pour une destination inconnue, était sans pensée de retour. Maurice n'avait pas d'autre indice que les notes prises le soir des conversations avec elle. Pour le reste, tout se brouillait, y compris les traits du visage. La revoyant, il ne l'eût pas reconnue. Il fallait absolument empêcher que la langue ne se perdît à l'égal du visage. Et de cette langue sans infinitif, où le subjonctif gagnait, à rebours de l'Histoire, il ne savait quasiment rien. Seuls subsistaient quelques dizaines de mots, une syntaxe embryonnaire, un poème un soir récité, hâtivement noté, incomplet. Il y était question de la terre et des arbres, de rameaux qui bougeaient et ployaient sans pluie ni vent. Indices vagues, insuffisants. D'ailleurs, cette langue s'était-elle jamais écrite ? ...
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Les événements se précipitèrent. Tant de langues s'effritaient, menaçaient ruine, que Maurice Guilhon ne pouvait suffire. Appelé ici et là, il arrivait trop tard, manquait le dernier témoin, ne pouvait que constater le décès. La maladie des dictionnaires, - la dictionnairite -, se propageait un peu partout. Les conservateurs, atterrés, prenaient des mesures qui s'avéraient inefficaces. Cuit par la sécheresse, gondolé par l'humidité, marbré par les champignons, travaillé en galerie par les insectes, le papier cédait de partout. Pour un livre restauré, mille tombaient en poussière. Ce n'était plus, comme jadis, la peste noire et le choléra, mais la lèpre et le silence qui s'étendaient partout, gagnaient des pays entiers, bientôt des continents.

Françoise Grandterre avait abandonné ses travaux, quitté Londres, s'était réfugiée auprès d'Arcangelo Grifagni. Tous deux s'efforçaient de sauver, à Rome et à Florence, à la Riccardiana et à la Magliabechiana, ce qui pouvait encore l'être. Au prix d'un labeur intense, travaillant jour et nuit, Maurice avait patiemment reconstitué le cahier perdu, retrouvé les vestiges de la langue disparue, complété et augmenté ce fonds de tout ce qu'il avait pu glaner de la nuit passée avec Elisabeth Wehland. Près de neuf cents mots au total, autorisant une pensée, lui donnant l'espoir fou de poursuivre son roman. Ixion ressuscitait. Il devenait plus qu'un mythe, un symbole, celui de la survie du langage, de sa propagation, peut-être, de sa fructification, promesse de vocables nouveaux nés de son union avec Héra, dans une alliance harmonieuse de l'ancien et du moderne, du néologisme et de l'archaïsme.
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(...)D'où cette importance du langage, qu'il voyait comme un grand cimetière, comportant plus de vocables morts que de vivants.Une sorte de désir de rédemption le poussait à se porter au secours du langage.Chaque mot retrouvé, exhumé, sauvé, était, pour ainsi dire, oeuvre pie.

Le passage d'une langue à l'autre était une arche vers le salut.Toute langue avait droit de cité, droit à être parlée, ou tout au moins comprise. Fût-elle en usage auprès de millions d'hommes, une langue n'était pas plus noble que celle trouvée sur les lèvres d'un aborigène unique dans un pays perdu.
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Lorsque Cladel dit avoir retouché son premier livre sous le regard de Baudelaire, il se plaît à rappeler comment ce "sévère Mentor" lui enseigna "la manière de manger des lexiques". La métaphore est d'importance. Elle dit l'appropriation du langage par ingestion ou par ogrerie, comme on dévore des viandes ou des enfants pour se refaire un sang nouveau. Processus en quelque sorte physiologique et culinaire, l'acte d'écrire se nourrit de mets contre nature, "gros dictionnaires", "poudreux glossaires" ou "effroyable in-folio".
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Les langues, comme les êtres, ont donc des maladies, une vieillesse, un déclin.Elles en montrent les marques et en portent les stigmates. Les dictionnaires, qui les recueillent, se constituent en ossuaire, ponctués, émaillés de formules de mauvais augure: " Terme vieilli", " Cet emploi a vieilli" , " Terme tombé en désuétude. "
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« Maurice mourait successivement avec chaque langue disparue, renaissait avec chaque langue retrouvée. » (p. 98)
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« Le propre de la Décadence étant d’organiser son univers en espaces privilégiés qui constituent comme autant de catégories de l’imaginaire, toute approche critique de ce phénomène devrait, semble-t-il, prendre la forme d’une topologie plutôt que d’une thématique. » (p. 105)
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