Citations de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (129)
Ce n’est ni la beauté, ni l’esprit d’un mari qui rendent une femme contente : c’est la bonté du caractère, la vertu, la complaisance ; et la Bête a toutes ces bonnes qualités. Je n’ai point d’amour pour elle, mais j’ai de l’estime, de l’amitié, de la reconnaissance.
Quand je pleurerais, mes larmes ne me rendront pas mon bien; il faut tâcher d'être heureuse sans fortune.
- Il y a bien des hommes qui sont plus monstres que vous, dit la Belle, et je vous aime mieux avec votre figure, que ceux qui, avec la figure d'homme, cachent un coeur faux, corrompu et ingrat.
- ... Outre que je suis laid, je n'ai point d'esprit : je sais bien que je ne suis qu'une bête.
- on n'est pas bête, reprit la Belle, quand on croit n'avoir point d'esprit : un sot n'a jamais su cela.
Elles allaient tous les jours au bal, à la comédie, à la promenade, et se
moquaient de leur cadette, qui employait la plus grande partie de son
temps à lire de bons livres.
On n'est pas bête, reprit la Belle, quand on croit n'avoir point d'esprit : un sot n'a jamais su cela.
Pour vous, mesdemoiselles, dit la fée aux deux sœurs de la Belle, je connais votre cœur, et toute la malice qu’il renferme ; devenez deux statues, mais conservez toute votre raison sous la pierre qui vous enveloppera. Vous demeurerez à la porte du palais de votre sœur, et je ne vous impose point d’autre peine que d’être témoins de son bonheur. Vous ne pourrez revenir dans votre premier état qu’au moment où vous reconnaîtrez vos fautes : mais j’ai bien peur que vous ne restiez toujours statues. On se corrige de l’orgueil, de la colère, de la gourmandise et de la paresse ; mais c’est une espèce de miracle que la conversion d’un cœur méchant et envieux.
La Belle, lui dit cette dame, qui était une grande fée, venez recevoir la récompense de votre bon choix : vous avez préféré la vertu à la beauté et à l’esprit, vous méritez de trouver toutes ces qualités réunies en une même personne. Vous allez devenir une grande reine ; j’espère que le trône ne détruira pas vos vertus.
La Belle se réveilla en sursaut, et versa des larmes. « Ne suis-je pas bien méchante, disait-elle, de donner du chagrin à une Bête qui a pour moi tant de complaisance ? Estce sa faute si elle est si laide et si elle a peu d’esprit ? Elle est bonne, cela vaut mieux que tout le reste. Pourquoi n’ai-je pas voulu l’épouser ? Je serais plus heureuse avec elle que mes sœurs avec leurs maris. Ce n’est ni la beauté ni l’esprit d’un mari qui rendent une femme contente, c’est la bonté du caractère, la vertu, la complaisance, et la Bête a toutes ces bonnes qualités ; je n’ai point d’amour pour elle, mais j’ai de l’estime, de l’amitié, de la reconnaissance. Allons, il ne faut pas la rendre malheureuse ; je me reprocherais toute ma vie mon ingratitude. »
La Belle s’habilla, et pendant ce temps on fit avertir ses sœurs qui accoururent avec leurs maris. Elles étaient toutes deux fort malheureuses. L’aînée avait épousé un gentilhomme, beau comme l’Amour ; mais il était si amoureux de sa propre figure qu’il n’était occupé que de cela depuis le matin jusqu’au soir, et méprisait la beauté de sa femme. La seconde avait épousé un homme qui avait beaucoup d’esprit ; mais il ne s’en servait que pour faire enrager tout le monde, et sa femme toute la première.
Elle dit un jour : « Vous me chagrinez, la Bête ; je voudrais pouvoir vous épouser, mais je suis trop sincère pour vous faire croire que cela arrivera jamais. Je serai toujours votre amie ; tâchez de vous contenter de cela. – Il le faut bien, reprit la Bête ; je me rends justice, je sais que je suis bien horrible, mais je vous aime beaucoup ; cependant je suis trop heureux de ce que vous voulez bien rester ici ; promettez-moi que vous ne me quitterez jamais. »
Chaque jour la Belle découvrait de nouvelles bontés dans ce monstre. L’habitude de le voir l’avait accoutumée à sa laideur ; loin de craindre le moment de sa visite, elle regardait à sa montre pour voir s’il était bientôt neuf heures, car la Bête ne manquait jamais de venir à cette heure-là. Il n’y avait qu’une chose qui faisait de la peine à la Belle, c’est que le monstre, avant de se coucher, lui demandait toujours si elle voulait être sa femme, et paraissait pénétré de douleur lorsqu’elle lui disait que non.
Elle n’avait presque plus peur du monstre ; mais elle manqua mourir de frayeur, lorsqu’il lui dit : « La Belle, voulez-vous être ma femme ? » Elle fut quelque temps sans répondre : elle avait peur d’exciter la colère du monstre en le refusant ; elle lui dit pourtant en tremblant : « Non, la Bête.
(...) quand j’y pense, vous ne me paraissez plus si laid.
– Oh ! dame oui, répondit la Bête, j’ai le cœur bon, mais je suis un monstre.
– Il y a bien des hommes qui sont plus monstres que vous, dit la Belle, et je vous aime mieux avec votre figure que ceux qui, avec la figure d’hommes, cachent un cœur faux, corrompu, ingrat.
Mangez donc, la Belle, lui dit le monstre, et tâchez de ne vous point ennuyer dans votre maison ; car tout ceci est à vous, et j’aurais du chagrin si vous n’étiez pas contente. – Vous avez bien de la bonté, lui dit la Belle. Je vous avoue que je suis bien contente de votre cœur ; quand j’y pense, vous ne me paraissez plus si laid.
Dites-moi, n’est-ce pas que vous me trouvez bien laid ?
– Cela est vrai, dit la Belle, car je ne sais pas mentir ; mais je crois que vous êtes fort bon.
– Vous avez raison, dit le monstre ; mais outre que je suis laid, je n’ai point d’esprit : je sais bien que je ne suis qu’une bête.
– On n’est pas bête, reprit la Belle, quand on croit n’avoir point d’esprit : un sot n’a jamais su cela.
La Belle, lui dit ce monstre, voulez-vous bien que je vous voie souper ?
– Vous êtes le maître, répondit la Belle en tremblant.
– Non, répondit la Bête, il n’y a ici de maîtresse que vous ; vous n’avez qu’à me dire de m’en aller si je vous ennuie, je sortirai tout de suite. Dites-moi, n’est-ce pas que vous me trouvez bien laid ?
– Cela est vrai, dit la Belle, car je ne sais pas mentir ; mais je crois que vous êtes fort bon.
Elle ouvrit la bibliothèque, et vit un livre où il y avait écrit en lettres d’or : SOUHAITEZ, COMMANDEZ ; VOUS ÊTES ICI LA REINE ET LA MAÎTRESSE.
Mais elle fut bien surprise de trouver une porte sur laquelle il y avait écrit : APPARTEMENT DE LA BELLE. Elle ouvrit cette porte avec précipitation, et elle fut éblouie de la magnificence qui y régnait ; mais ce qui frappa le plus sa vue fut une grande bibliothèque, un clavecin, et plusieurs livres de musique. « On ne veut pas que je m’ennuie », dit-elle tout bas. Elle pensa ensuite : « Si je n’avais qu’un jour à demeurer ici, on ne m’aurait pas fait une telle provision. »
Pendant son sommeil, la Belle vit une dame qui lui dit : « Je suis contente de votre bon cœur, la Belle : la bonne action que vous faites en donnant votre vie pour sauver celle de votre père ne demeurera point sans récompense. »