Jena Rose

Elle pointe une enveloppe marquée d'un six rouge. Un frisson d'appréhension me parcoure l'échine. A vrai dire, je ne sais absolument pas comment me comporter. Paul est la seule expérience que j'ai eue, et je n'ai même pas eu à le séduire, du moins directement.

Kate,

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C'est plus fort que moi, je lève les yeux au ciel.

Gentilcrapaud : Bonsoir princesse, veux-tu faire connaissance ?

Mon Dieu !! Mais quel âge a-t-il ? Au moins quinze ans de plus que moi, même si sa fiche prétend le contraire. Et quelle idée d'appeler une inconnue princesse ! Je veux bien croire que ce soit un clin d'œil à son pseudonyme, mais tout de même ! Il me fait plutôt l'effet d'un vieux pervers désespéré !

Albator : Slt. T vraiment belle.

Au secours !!! En voilà un qui n'est même pas capable de rédiger une phrase complète ! Poubelle !

Homme : Bonsoir, je pense que nous pourrions nous entendre... Tu es si aguicheuse... ma femme et moi souhaiterions te faire une proposition délicieusement indécente...

Blanche comme un linge, je relis à plusieurs reprises le message. Est-ce que... Non ! Pas possible ! Avec sa femme ?! J'aperçois Lucy qui se lèche les babines... Vite je supprime ! Elle râle !

Je m’accroche à sa nuque comme à une bouée lorsqu’il me soulève dans ses bras. J’aime la sensation que cela me procure. Ses muscles puissants qui m’encerclent, m’adorent, me protègent, c’est tout ce dont je pouvais espérer. Sa dévotion m’assiège tandis qu’il m’emporte jusqu’à notre chambre. Mon cœur cogne, j’ai besoin de lui, tout de suite. Je voudrais qu’il me prenne là, contre ce mur, sans concession. Ce désir fait surgir en moi une autre personne que je peine à maîtriser.

Il est bientôt minuit, et Paul est allongé dans le lit, juste affublé d’un bas de pyjama bleu, un dossier sur ses genoux pliés. Je le contemple en silence quelques instants. Comme s’il avait senti ma présence, il jette un œil attentif dans ma direction.
— Tu ne viens pas te coucher ?
— Il faudrait que je me penche sur ma nouvelle rubrique.
Il m’étudie longuement, pose ensuite sa paperasse sur les draps et s’approche de moi avec détermination.
— Ainsi tu comptes réellement t’inscrire sur l’un de ces sites ?
L’air sérieux qu’il arbore m’impressionne. C’est vrai que nous n’en avons toujours pas discuté.
— Oui… Elyane commande, ses sbires s’exécutent.
Il hoche la tête en me scrutant d’un regard sans faille. Sans prévenir, je me retrouve dans ses bras, il me pousse jusqu’à ce que je bute contre le mur, sa main gauche posée à plat dessus, juste à côté de mon visage. Je ne sais plus comment réagir, partagée entre l’excitation et la surprise. De son pouce, il frôle ma bouche légèrement entrouverte puis en lisse la pulpe.
— Ceci m’appartient.

Lucy : - En clair, ta vie est une immense toile d'araignée. Oh purée, je déteste ces bêtes avec tous leurs yeux et leurs petites pattes velues. Rien que d'y penser, ça me dégoute. Bon OK, c'est efficace, ça bouffe tous les insectes qui passent, mais mince, c'est moche et con ! Ça se fait des rave parties dans ta baraque sans te demander la permission, genre tu vas dans ta douche, limite elles sont en train de prendre le thé, en plus ça ne sait pas mourir dès la première fois. Elles vont jusqu'à te narguer et te faire perdre la tête avec leur petite danse de la victoire "genre j'ai la patte folle mais tu ne m'as pas eu" ! Oh, et le "je t'aurai un jour" ne fonctionne pas toujours. En bref, c'est coriace et nuisible même si tu as l'impression que ça t'apporte quelque chose. Ça ne te rappelle pas Paul? Ouvre les yeux, t'as pas tiré le bon numéro ! Alors choisis le paresseux, tu sais celui qui met huit ans à se réveiller !

Je reporte mon attention sur un magnifique cadre affichant une photo de nous, les émotions qui s’en dégagent expriment pleinement les sentiments que l’on éprouve l’un pour l’autre. Je souris paisiblement à Paul pendant qu’il me couve d’un regard profond et protecteur.
Soudain, ses mains glissent sur mon ventre, je me tends sous l’effet de surprise, sa bouche m’apaise en embrassant doucement ma nuque tandis que je croise, dans le reflet du miroir, ses yeux bleus froids et attentifs à chacune de mes réactions. Durant quelques infimes secondes, il m’épie silencieusement, enregistre, absorbe les mouvements de mon pouls qui palpite pour lui, à ma peau qui frémit. Sa part de retenue, de mystère m’a toujours fascinée, poussée à en désirer plus.

Six mois ! Cette nana n’est pas humaine. J’ai l’impression d’être tombé sur mon moi féminin. Déterminée, séductrice dans l’âme et consommatrice. Elle fait plus de remise en rayon qu’elle n’achète. Tous les styles y passent : le black, le massif, l’asiat, même le gominé. Des semaines qu’elle se pointe à mon bar, me chauffe avec ses rétines brasero, avant de se barrer avec son nouveau doggy bag. Le seul qu’elle ne veut pas goûter c’est moi. Faut que je me fasse une raison, je dois coûter trop cher ! Ou alors je suis carrément nase et elle se paye ma tête ! Ouais, ça doit être ça. Sourire de bienheureux en train de se faire avoir comme un novice.

Repenser à ces moments passées ranime cette déchirure au fond de mon âme. La souffrance creuse mon abdomen. Au point qu’une seule pensée m’habite à cet instant : Gabriel, sors de ta cachette ! Je me sens piégée dans un puits sans fond… c’est alors qu’un faisceau lumineux oblique dans ma direction, m’attire, me brûle inexorablement… Et un mince sourire s’invite sur mon visage.