Il fallait bien avouer que la jolie blonde attirait les regards avec son short en jean dont l’ourlet lui arrivait à mi-cuisse et ses hauts talons. Serena dévorait Lou-Ann des yeux avec la même étincelle que j’avais perçue dans le regard de James à notre rencontre. Elle poussa un profond soupir.
J’avais vécu l’inquisition, évité les bûchers réservés aux sorcières, fait peu cas de la peste noire et fui le grand incendie qui ravagea la ville en 1463. Parfois à mon plus profond regret, je n’étais pas passée entre les mailles du filet d’Eithne. Pendant une nuit d’avril 1882, leurs agents m’étaient tombés dessus. Je me demande toujours pourquoi ils ne m’avaient pas exécutée dans la minute, compte tenu de la résistance que je leur avais opposée. Et, au vu des contrariétés que j’imposais aujourd’hui encore à mon patron à cause de mon manque de discipline, cela aurait été plus raisonnable.
« Vouloir sauver la presque relation qu’elle entretenait était une chose. Lui révéler l’existence du monde magique en était une autre. À quoi pensait-elle ? De quel droit comptait-elle l’entraîner dans tout cela ? »
Mon besoin de nouer des liens n’était peut-être pas non plus étranger à la rapidité avec laquelle je m’attachais à la jeune femme. C’était un sujet que Gautier évitait d’ailleurs, lorsque je lui demandais pourquoi je n’avais que lui dans ma vie, aucun ami, aucune famille qui tentât de me joindre. Il avait pris le temps de m’expliquer, de longs mois auparavant, que je n’avais plus de parents vivants et que je n’avais jamais été du genre à lier de grandes amitiés, si bien que notre déménagement m’avait laissée sans contacts extérieurs.
J’inspirai son parfum, un mélange à la fois fleuri et délicat de cerisiers et… d’autres plantes que je serais bien incapable de reconnaître. Mon souffle fit voleter la mèche de cheveux qui me cachait son joli sourire de là où je me tenais. Elle tourna la tête vers moi et ses yeux accrochèrent les miens. Ma respiration se bloqua. Ce n’était pas possible d’être si belle et si ingénue. On aurait dit qu’elle n’avait pas conscience de son charme et de l’effet produit sur ceux qui l’entouraient.
"Lorsque mes larmes se tarirent, un apaisement m'envahit. J'avais enfin fait la paix avec moi-même. J'avais trouvé l'équilibre, celui que je cherchais depuis des siècles."
J’avais du mal à identifier les sentiments que j’avais pour lui. De la reconnaissance, oui, après tout, il m’avait épaulée quand je n’avais personne d’autre, suite à cet accident. De là à parler d’amour ? Force était d’admettre que je ne ressentais pas de complicité avec lui. Nous avions fait l’amour deux jours auparavant et je ne pouvais pas nier qu’il m’eût satisfaite, pourtant… Cette partie avait surtout été de son initiative à lui.
Il ne me semblait pas que ce soit cette pitié que peuvent émettre les gens quand ils apprenaient pour mon accident, ni cette compassion mêlée d’un je-ne-savais-quoi que je lisais au quotidien dans les prunelles de Gautier. Et même de Serena, un peu plus tôt. James, lui, ne savait pas. Il voyait probablement en moi une jeune femme un peu timide. Enfin, sans doute... Il faut dire que je me retrouvais dans un environnement totalement inconnu.
Ces pensées obnubilaient tellement mon cerveau que j’avais du mal à réfléchir à ce que je venais de faire. Au souvenir qui m’était revenu. Je me sentais encore plus déstabilisée qu’auparavant avec ces réminiscences. C’était comme avoir des aperçus de la vie d’une autre personne. Je ne parvenais qu’avec difficulté à accrocher ce souvenir à ma propre personne. Des arts martiaux ? Moi ? Je laissai échapper un rire nerveux.
Un grondement de satisfaction lui échappa, mes gémissements s’élevèrent et emplirent le silence de notre maison, allant crescendo. Il me pénétra d’un mouvement ample lorsqu’il me sentit sur le fil, prête à exploser, et ses yeux brillants d’une fièvre contenue se fixèrent dans les miens pendant que nos corps dansaient à l’unisson. Un instant, j’oubliai tout à nouveau pour ne faire plus qu’un avec le plaisir.