Elle est morte quand j'avais douze ans. Je ne savais pas que les mères pouvaient mourir. Bien sûr, j'avais lu comme tout le monde des histoires peuplé d'orphelins malheureux et de marâtres vindicatives, quelque part j'avais bien conscience que la mort existait et que c'était une fin inévitable. Mais c'était la mort pour de faux. Ou la mort pour les autres, celle qui ne me concernait pas.
J'entends rugir les mots depuis les profondeurs de ma rage, et c'est par des hurlements qu'ils quittent ce corps trop petit pour de si grandes émotions.
Elle était belle, mon illusion. Elle avait la verdure chatoyante de la Mata atlântica, la saveur d’une mangue juteuse. Et les yeux de Daniel.
...La plupart d'entre eux ont un visage buriné,tanné par l'air marin,à la peau épaisse comme du vieux cuir desséché.Des rides profondes figent leurs traits dans l'expression qu'ils affichent le plus,les yeux plissés, le nez froncé, la bouche ouverte pour gueuler une consigne aussi bien qu'une blague,et il semble impossible de leur arracher cette grimace permanente sous peine de voir l'ensemble craquer comme un masque usé auquel on essaierait de faire prendre de nouveaux plis...
(...) j'étais celle que l'on sommait de parler et de se taire, celle qui devait couvrir le responsable mais qui, complice, devenait plus fautive que le coupable lui-même.
...Ses mots sont pour moi dénués de sens mais la musique de sa voix enrouée me porte,moi si légère face à ce chant qui dit le poids des ans...
...Car comme les gitans, les pêcheurs du village vivent dans une liberté magnifique que, de l’extérieur,on qualifie de repli. Mais quel repli peut-il y avoir pour ceux qui voient le monde affranchi de ses limites géographiques et de ses barrières humaines?...
...Elle ne bouge pas.Elle est là,ne somnole ni ne rêve;en retrait,les yeux ouverts,elle regarde la vie en mouvement.Rien ne semble la surprendre,rien ne la sort de sa contemplation.Elle ne participe plus.Simplement, elle constate...
...Soudain, c'est tout son être qui vibre,c'est son corps qui plie,qui ploie,blessé comme si ses entrailles venaient de lui être arrachées pour nourrir la musique et l'apaiser par une offrande sanglante...
...Ce village, c'est comme une île qui se laisse accoster mais qui demeure impénétrable.Il a ses codes qu'il ne livre pas...