Joannie Touchette

Le premier amour est spécial, enivrant, unique. Et dévastateur. Il emporte tout sur son passage : nos certitudes, nos croyances, ainsi qu'une partie de notre cœur.

On sent dans leurs paroles, prononcées avec émotion, et leurs anecdotes concernant l’arrivée d’Ariel, ses premiers pas, sa force de caractère, sa joie de vivre et son amour pour les licornes, qu’elle était indéniablement aimée.
Malgré le peu de temps qu’elle a vécu, elle aura eu la chance d’être entourée d’amour... Mince consolation, je sais.

« Criminel », ce terme extrême que les élèves de mon école n’ont pas hésité à me balancer au visage, ne définit en rien la personne généreuse et honnête qu’a toujours été mon père. Et qu’il est encore, d’ailleurs. Comment ma mère peut-elle l’avoir oublié si facilement ? L’homme de cœur qu’elle a épousé ? Le père modèle qui m’a élevée ? L’excellent concepteur de jeux vidéo ? Mon papa...

Pourquoi les gens sont-ils aussi cruels ? À quoi ça leur sert de s’acharner sur moi et de vandaliser ma case ? Se sentent-ils plus heureux en m’insultant ? Cherchent-ils une certaine forme de justice ? Et c’est le moyen qu’ils ont trouvé pour me faire payer ?
Sauf que, voilà, je ne suis coupable de rien. D’absolument. Rien.
Je soupire. C’est juste une bande de sans-cœur qui n’ont aucun respect pour ce que je vis et ce que ma famille traverse ! Il ne reste plus qu’à espérer que toute cette histoire sera oubliée dès lundi. Qu’un autre scandale éclatera d’ici là. Et il y a de fortes chances que ça se produise. Le secondaire fonctionne ainsi. Un jour, vous êtes la nouvelle cible de l’école et, la semaine suivante, vous n’êtes qu’un vague souvenir...
Je veux devenir un vague souvenir.
Oui, c’est ça. Après le week-end, les autres seront passés à autre chose.

- Une minute, tout est pareil à ce qu'on a toujours connu, chuchote-t-il, l'esprit ailleurs. Et, la minute suivante, tout part à la dérive et les événements s'enchaînent à une vitesse folle. On ne contrôle plus rien... puis notre existence nous glisse entre les mains.

Mon père jure entre ses dents et se traite de tous les noms imaginables. Je cherche les bons mots, ceux qui sauront l’apaiser, sans en trouver un seul. Sans doute parce qu’aucune parole au monde ne saurait alléger sa culpabilité.

Élise n’a pas la même facilité. Disons qu’un rien la déconcentre, notamment la gent masculine. Par chance, elle peut compter sur mon aide pour réviser et rester attentive en classe. Du moins, elle pouvait compter sur moi.

Entre adultes, ils sauront se débrouiller, pas vrai ? Je parie que mon père demandera bientôt pardon et que ma mère passera l’éponge. Surtout, ne pas s’inquiéter.
Dès demain, la vie aura repris son cours normal.

J’ai lu quelque part que ceux qui consomment régulièrement du chocolat sont plus heureux que les autres. Ça augmenterait le taux de sérotonine dans le cerveau ou un truc du genre.

C’est pas une Kit Kat, mais ça reste du chocolat.