En regardant Casey, j'eus le sentiment qu'elle connaissait la réponse, mais qu'elle attendait que je la trouve tout seul.
" C'est très personnel ", dit-elle.
Je la dévisageai.
" Vous me donneriez un indice ?
- Peut-être qu'un exemple pourrait vous aider, répondit-elle. Supposons que vous souhaitiez utiliser votre temps libre pour devenir artiste, quelles sortes d'œuvres aimeriez-vous créer ?
Je réfléchis.
" Je n'en sais rien. Je crois que ça dépendrait du genre d'artiste que je voudrais devenir. Je créerais juste ce que j'ai envie de créer, je suppose. "
Je restai silencieux dans l'attente de ses commentaires. Comme elle ne disait rien, je repensai à ce que je venais de dire.
" C'est si simple que ça ? ai-je demandé. Une fois qu'on sait pourquoi on est là, il suffit de faire ce qu'on a envie de faire pour accomplir sa raison d'âtre ? "
En prononçant ces paroles, je sentis une vague d'excitation parcourir mon corps. Comme si j'avais fait une découverte unique et importante et que mon corps me le confirmait. Cela semblait si simple que c'était presque trop beau pour être vrai. Faites ce que vous voulez pour accomplir votre raison d'être.
" Mais, alors, si ma raison d'être est d'aider les autres, je dois faire quelque chose qui me plaise et qui selon moi permet d'aider les gens ? demandai-je en pensant qu'il commençait à me plaire, ce concept.
Je commençais à réaliser que le Pourquoi êtes-vous ici ? du menu avait un sens bien plus profond que ce que j'avais imaginé à première vue. A entendre Casey, il était clair qu'il ne s'agissait pas simplement de savoir pourquoi quelqu'un entrait dans ce café.
" C'est exact, dit Casey, interrompant ma réflexion. Il ne s'agit pas du café. Il s'agit de trouver la raison même de notre existence."
Je me redressai sur ma banquette et je regardai autour de moi, un peu ahuri. Je me demandais vraiment où j'étais.
J'essayai de rassembler mes esprits.
" Ecoutez, Casey, je suis juste venu pour manger. Toutes ces histoires de porte me semblent de bien mauvais augure. Et si cela doit me traverser l'esprit toute la journée, comme vous dites, je ne vois pas l'utilité de se poser cette question. Je ne me la suis jamais posée et je vais bien, merci. "
Casey remit le menu sur la table : " Vraiment ? demanda-t-elle. Vous allez bien ? " Elle prononçait ce bien d'un ton gentiment moqueur, comme pour me taquiner, et pour m'encourager à en préciser le sens.
N'y a t il rien d'autre dans la vie que de passer dix à douze heures par jour à travailler dans un open space ? A part obtenir une éventuelle promotion, grâce à laquelle vous travaillerez douze à quatorze heures par jour dans un bureau ?
-"Mais du coup, cela peut aussi rendre les choses plus difficiles, lui ai-je fait remarquer. Comme je vous le disais tout à l'heure, mieux vaut peut-être ne jamais se poser la question, et reprendre le cours de sa vie sans laisser le génie s'échapper de la lampe, pour ainsi dire."
"Comme je vous le disais, John, se poser la question ouvre une porte, un passage.
Ça aide, parfois, de voir les choses d'un autre point de vue.