Joël Mansa

C’est la force de la poésie et de la musique de créer cette illusion d’un temps présent qui se suffit à lui-même.
Les yeux tristes d’Achoura se sont posés sur moi quand je me suis approchée d’elle. Et nous nous sommes enlacées. Le parfum de sa peau s’est mêlé à ses larmes. Et aux miennes.
La douleur est aussi un langage.
Et le plaisir qui la partage est plus profond.
Jamais, jamais son corps que j’aime tant ne m’avait fait trembler comme cette nuit. Jamais la joie de lui donner du plaisir ne m’a été plus douce. J’aurais voulu me fondre en elle. Chacun de ses soupirs, mes doigts les ont cueillis comme une offrande et ses baisers ont ouvert mon cœur comme un fruit.
Faut-il que le chagrin soit si puissant en nous pour que nos chairs en soient à ce point déchirées ? Faut-il que le plaisir creuse en nous des chemins si profonds qu’il parle mieux que les mots les plus précis ? Je voudrais que ses bras m’enlacent toujours, jour et nuit. Je voudrais ne jamais quitter ses bras. Si
j’en avais eu le pouvoir, j’aurais voulu que nos caresses remplissent la nuit tout entière de frissons sans fin. J’aurais voulu que nos caresses nous consolent pour toujours. Jusqu’au sommeil. Jusqu’à l’oubli. Jusqu’à la mort.

𝑳’𝒐𝒖𝒃𝒍𝒊, 𝒄’𝒆𝒔𝒕 𝒍𝒂 𝒍𝒊𝒃𝒆𝒓𝒕𝒆́. 𝑶𝒏 𝒆𝒏 𝒓𝒆̂𝒗𝒆, 𝒒𝒖𝒆𝒍𝒒𝒖𝒆𝒇𝒐𝒊𝒔. 𝑴𝒂𝒊𝒔 𝒆𝒏 𝒗𝒂𝒊𝒏. 𝑳’𝒐𝒖𝒃𝒍𝒊, 𝒄𝒆 𝒏’𝒆𝒔𝒕 𝒑𝒂𝒔 𝒑𝒐𝒖𝒓 𝒏𝒐𝒖𝒔, 𝒍𝒆𝒔 𝒊𝒏𝒗𝒂𝒍𝒊𝒅𝒆𝒔 𝒅𝒆 𝒍𝒂 𝒎𝒂𝒍𝒕𝒓𝒂𝒊𝒕𝒂𝒏𝒄𝒆.

C’est cela aussi la maltraitance. La perversion de la chose qui fait que la victime finit par se moquer d'elle-même, complaisante avec sa souffrance, consentante presque à la violence subie, la jugeant normale, attendue, évidente.

Entre les morts et les vivants, il faut choisir. C’est comme ça. C’est sûr, j’aurais été soulagé en choisissant la mort, moi aussi, mais je n’avais aucun courage, après tout ça.