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Critiques de Jordi Bonells (8)
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La deuxième disparition de Majorana

«Je suis en mesure de pouvoir affirmer, après deux ans d’enquête, que le physicien italien Ettore Majorana, disparu la nuit du 27 au 28 mars 1938 pendant la traversée de Palerme à Naples, a vécu en Argentine sous un faux nom, entre le 4 avril 1939, date de son arrivée à Puerto Madero, et fin juillet 1976» (Prologue p 9)

Ainsi débute le prologue à l’enquête de Jordi Bonells intitulée «La deuxième disparition de Majorana» en référence à la première enquête menée par Leonardo Sciascia intitulée «La disparition de Majorana» à l’origine paru en feuilleton dans «La Stampa»

Jordi Bonells n’est pas physicien mais spécialiste des littératures hispaniques et sud-américaines, il vit à Marseille et enseigne à l’université de Corte (son dictionnaire des Littératures Hispaniques établi avec la collaboration d’une centaine d’universitaires est une somme unique et passionnante). 
Il se rend en Argentine pour la première fois en février 1998, il a lu encore adolescent Cortazar et Sabato dont il dit qu’ils «ont laissé en lui une trace indélébile et ont formé sa sensibilité humaine et urbaine». Il part pour effectuer une étude pour le compte du CNRS sur ce qu'il nomme «La mise en dictature du roman», rencontrer les écrivains argentins qui ont vécu sous la dictature et analyser la place de cette période dans leur roman. Leurs textes traitent tous plus ou moins des «disparus» mais par hasard un autre disparu va s’inviter dans cette quête, «Ettore Majorana» et nous voilà embarquer à la suite de Jordi Bonells dans une poursuite de l’ombre ou plutôt des ombres qui naissent et disparaissent au fil des rencontres dans la ville de Buenos Aires à la recherche d’un dénommé Ettore Maggiore qui a fait une demande de résidence en mars 1942, nom à peine modifié de Majorana. Ce livre est un livre sur les disparitions, toutes sortes de disparition et se lit comme un roman policier tout en nous faisant croiser les écrivains argentins mais aussi le comte Gombrowicz et bien d’autres. Il offre également une visite pas du tout touristique de la ville de Buenos-Aires «une ville qui suscite ce qu’Antonio Tabucchi appelle «la nostalgie du possible». Une ville qui, comme la Lisbonne de Fernando Pessoa, se prête à l’hétéronymie et à une pluralité de vies inventées ou à inventer.» Et l’auteur de nous dire lors de son deuxième voyage qui sera suivi de beaucoup d’autres «Je voulais que pendant un mois personne ne sache vraiment où j’étais. Comme si, pour pouvoir trouver un disparu, on était obligé d’en être un soi-même.»

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Triptyque argentin

Un écrivain catalan émigré en France, qui écrit en français, nous livre sur 350 pages trois histoires complètement différentes dont le seul point commun est de se passer en Argentine où il a séjourné, et où se sont réfugiés de nombreux nazis et anciens collaborateurs français. 350 pages où l’auteur se livre à du remplissage dont on ne voit pas l’intérêt, un peu comme les écrivains qui étaient autrefois payés à la ligne.

Exemples de ces chapelets de détails inutiles: un personnage a séjourné à «La Falda et Salsipuedes dans la Sierra de Córdoba, à Mendoza au pied des Andes, Morón dans le Grand Buenos Aires, Gova dans le Paraná, Mar del Plata et Necochea sur la côte atlantique, Tandil dans le Sud-Est, Santiago del Estero, sur la route nationale 9... ». Ce personnage a emprunté 24 livres dans une bibliothèque, et nous avons droit sur 2 pages à chaque titre des 24 livres emprunté, chaque l’éditeur, chaque date de consultation, chaque lieu et date d’édition (pp. 22-23), sans aucun intérêt pour le «récit».

Les pages 150 et 151 nous livrent sur plus d’une page les adresses précises de tous les cercles d’échec de la ville, et aux pp. 159 et 213 quelques coups du jeu d’échec, comme «l’ouverture du pion de la dame dont l’ordre des coups est le suivant : 1.d4 d5 2.c4 e6 3. Cc3 Cf6 4. Cf3 c5 5. cxd5 Cxd5», la variante Scheveningue de la Sicilienne, le gambit de Budapest, la variante Sämich dans l’Est-Indienne, etc. Les pages 170-171 nous livrent en vrac la liste de 10 syndicalistes juifs qui n’ont rien à voir avec le récit et les pages 211-212, les noms et qualités d’une dizaine de convives attablés dans une brasserie, tout aussi inutiles au récit.

Dernier exemple: Le Turco «allume une cigarette... Morales en profite pour allumer lui aussi une cigarette, et Pereya et l’un des conducteurs allument eux aussi une cigarette. En revanche, le Negro Gonzáles se retrousse les manches, tout comme le Gordo Gómez, mais ils n’allument pas de cigarette. Quant aux deux frères Tucán, après avoir attaché le prisonnier à la chaise, il y en a un qui allume une cigarette» mais pas l’autre. Non, ce n’est pas du Prévert !

I. La première histoire est une sorte d’enquête minutieuse sur tous les endroits où a vagabondé un certain Coquillard, médiocre collabo de 3ème sous-catégorie, sans intérêt, réfugié en Argentine. Quelques allusions nécessaires à Pétain et Maurras alternent avec la vie sexuelle de ce «héros» qui n’a pas caché à sa femme «son goût des putes. Il ne comptait pas y renoncer, l’avertit-il lors de ce que l’on peut appeler fiançailles... Il tirait son coup dans la semi pénombre contre un parapet de fortune ou dans les toilettes de la gare, remontait rapidement son pantalon... et sans un mot pour la fille qui l’avait soulagé, s’en allait». Cela vaut bien d’avoir une biographie de 115 pages, non ?

II. Le deuxième volet du triptyque est une chronique de réfugiés jouant aux échecs, avec quelques expéditions punitives «On lui ouvrit le ventre d’une main ferme, presque jusqu’au cartilage xiphoïdien qui annonce la présence du sternum... on découvrit le cadavre au petit matin... ».

III. La troisième histoire est l’apothéose du triptyque. Elle tourne autour de deux personnages dénommés «fils de pute n°1» et «fils de pute n°2». Le premier est un ancien tortionnaire qui se cache et se fait passer pour mort. C’est un cercueil rempli de sable qui a été enterré, mais il faut liquider quelqu’un qui risque de parler. Le Turco, c’est le chef «S’il avait envie de roter, il rotait, et s’il avait envie de péter, il pétait». On apprend ce qu’un «vrai Argentin» fait aux traitres «Je vais te couper les couilles... il se penche, lui déchire le pantalon, lui déchire le caleçon, lui attrape les testicules fermement avec la main gauche, les lui coupe d’un coup sec... maintenant, je vais les lui faire manger à ce fils de pute. Il va bouffer ses propres couilles, hurle-t-il en les lui enfonçant dans la bouche», et ça continue sur ce ton. Le volet «érotique» n’est pas oublié: «dans les morgues, tout le monde se tape les mortes – Oui, c’est connu». C’est différent de celles qu’on drogue au Rohypnol «Tu leur défonce le cul et elles poussent de petits cris... tu ne sais pas si elles aiment ou si elles n’aiment pas... le Rohypnol ça leur dilate le cul – Et elles oublient tout ? – Presque tout... Moi ça me plairait, pour essayer».

À offrir pour la Journée de la Femme !

Bonne lecture à ceux qui apprécient !

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Triptyque argentin

« Triptyque argentin » est à l'orée d'un essai. Ce roman historique, dense est précieux tant son mémoriel est capital. Pas de tabou, de fausse routes, les faits sont exacts. L'ampleur est à la fois glaçante de par son réalisme et nécessaire.

Trois faits, triangle affûté de par les recherches perfectionnistes de Jordi Bonells.

Le narrateur, l'auteur lui-même va déambuler dans les évènements implacables. Sur fond de l'Argentine, du nazisme, des faux-semblants.

Les hommes (pas de femmes dans les fragments) portent sur eux les drames incommensurables des hypocrisies, des lâchetés, des atrocités exacerbées et surtout leurs idéologie cachée sous des mouvances prêtes à réagir de nouveau. Rien n'est acquis dans la vie.

Jordi Bonells est à Santiago de Estero dans les prémices d'un XXI ème siècle. Il enquête sur Witold Gombrawicz. Ce qu'il trouve sur ce dernier forge le premier récit. De fil en aiguille, il découvre un certain Roger Coquillard. Un anti-héros en fuite que l'on se prend à détester. C'est tout le pari de de ce livre, celui d'arriver à retenir l'attention du lecteur sur un évènementiel aride et des hommes troubles, fuyants, et bêtes de sang.

L'Argentine est le terreau de criminels, de tortionnaires cachés sous des pseudonymes et des complicités des hautes sphères politiciennes. La propre Histoire de vie de l'Argentine avec Videla (1976-1983) au pouvoir en dit long sur les refuges alloués à ces vils extrémistes et tutti quanti.

Le deuxième fragment est plus intuitif. Il met en lumière combien les disparités politiques et les convictions contraires s'oublient lorsque des joueurs d'échec s'affrontent dans un jeu qui s'élève en bataille rangée intérieure malgré tout.

Le troisième fragment est percutant. Il est si près de notre contemporanéité. Ne dit-on pas que l'homme est un loup pour l'homme ? Rude mais ce qui fut ne doit pas être voilé ni caché par les non-dits. Les tortures étaient réelles. Le voisin : un militaire prêt à assassiner. Je suis allée plusieurs fois en Argentine. Je peux vous dire encore en ce jour que la dictature a laissé des traces. D'aucuns avouent avoir été torturés. Ils veulent oublier. Le silence est pesant. Sauf celui des Grands-Mères de la place de Mai qui se réunissent chaque jeudi à Buenos Aires en quête de leurs disparus.

« Triptyque argentin » est un ouvrage de référence pour les étudiants et tous ceux qui veulent comprendre les psychologies humaines et d'où peut provenir les sources du mal. Ce roman est une gageure, nombre de livres cités, d'auteurs en font un livre aussi pour cela à estimer. Dans la collection « Bouquins » ( je retiendrai le sérieux de cette collection et son courage éditorial) les Éditions Robert Laffont viennent de mettre au monde un ouvrage des plus réussis.

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Triptyque argentin

Ayant reçu ce livre en avant-première, sous forme d’épreuves non corrigées, il avait une couverture blanche et pas de quatrième de couverture ; de plus, je ne connaissais pas l’auteur, même de nom. J’étais donc prête pour l’inconnu, la découverte.

Malheureusement, la rencontre ne s’est pas faite ; je n’ai pas du tout compris ce texte, classé comme roman par la collection "Bouquins" chez Robert Laffont et je n’ai pas du tout saisi le message de l’auteur.

Comme le titre l’indique, le roman se découpe en trois parties qui auraient pu être trois nouvelles indépendantes car chacune met en scène des personnages différents, une époque différente, le point commun étant l’Argentine.

Dans la première partie, intitulée, « Volet du ressentiment », l’auteur est en Argentine, à Santiago de Estero, en 2009 ; il fait des recherches sur Witold Gombrowicz (1904-1969), écrivain polonais, quand au cours de ses recherches, le nom d’un français, Roger Coquillard (1901-1976), qui y a aussi vécu, attire son attention. C’est un acteur de troisième plan, profondément antisémite, pour lequel les juifs sont responsables de tous les malheurs, dans la mouvance de Céline, admirateur du fascisme. Sentant le vent tourner en 1944, alors que les collaborationnistes et les fascistes français sont arrêtés et pour certains exécutés, il quitte la France pour l’Espagne puis l’Argentine, plein de ressentiment. Il vivote de différents métiers, se marie et s’intéresse sur la fin de sa vie au spiritisme, à la prédiction de l’avenir.

Dans la deuxième partie, intitulée « Volet de la rédemption », on suit Viktor W., un allemand, excellent joueur d’échec qui a fui Berlin, pour Tel-Aviv, puis l’Argentine, pour finir par s’installer à Nice où l’auteur le rencontre en 1977. Et brusquement, comme dans le volet précédent, on passe aux mémoires d’Evaristo Manuel Urricelqui, policier argentin. Il enquête sur les meurtres de membres de la communauté allemande réfugiée en Argentine ; il est le seul à croire que c’est une vengeance mais n’arrivera pas à le prouver. Et nous, nous n’en saurons pas plus.

La troisième partie, « Volet de la haine », très dur à lire de par les descriptions abominables de torture, met en scène deux policiers, le père et le fils, en 2009. L’auteur les appelle respectivement « fils de pute n°1 » et « fils de pute n°2 » ; le père a fait croire qu’il était mort pour échapper aux poursuites car il a activement participé aux attentats contre la communauté juive de Buenos Aires ; son fils, également soupçonné a fait de la prison. On entre dans le milieu des policiers corrompus, qui torturaient et tuaient les opposants, ceux qu’ils jugeaient traîtres, en toute impunité, couverts par les hautes sphères du pouvoir. Entre 1976 et 1983, environ 30 000 personnes ont disparu dont une bonne partie serait imputable à la police.

L’Argentine et son histoire, avec ses paradoxes, sont au cœur du roman ; pendant la deuxième guerre mondiale, elle a déclaré sa neutralité et a accueilli les Juifs qui fuyaient l’Europe et une mort certaine. Mais à la fin de la guerre, elle a ouvert ses portes aux nazis qui fuyaient les représailles. L’ironie de l’histoire a réuni les victimes et leurs bourreaux. On découvre, également, en filigrane l’histoire agitée de ce pays après 1945.

Ce roman aurait pu être passionnant s’il n’avait pas croulé sous des monceaux de détails inutiles ; je ne citerai que quelques exemples ; dans le premier volet, l’auteur nous inflige la liste des 25 livres empruntés par Witold Gombrowitz à la bibliothèque ; dans le deuxième volet, il nous assomme avec les différentes équipes qui ont participé au Tournoi des Nations d’échec, en détaillant quel pays a joué contre quel autre pays, les scores, le mouvement des pièces. Dans tout le roman, on est assailli de listes de noms qui nous sont totalement inconnus et qui n’apportent rien au récit (bizarrement le nom de Viktor, le personnage du second volet, n’est identifié que par un W. mystérieux) et surtout des adresses précises (rue, numéro) de tous les lieux où se rend l’auteur. Enfin, chaque volet, commence avec un personnage, qui brusquement disparaît pour laisser place à un autre, sans réelle explication.

Je pense avoir compris que l’auteur était dans une démarche de dénonciation du fascisme, de l’antisémitisme, de la dictature violente de Videla (1976-1983) en Argentine mais le message est complètement oblitéré par ce foisonnement de détails insignifiants.

J’ai lu ce livre jusqu’au bout, par pur respect pour le travail de l’auteur mais j’ai dû me faire violence.

Dommage.



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Triptyque argentin

Comme son titre l’indique, le livre nous propose trois histoires successives enchâssées dans une même trame narrative. « Le dernier tournant » nous fait suivre le parcours d’un ancien acteur de seconde zone et ancien collaborationniste qui tente de reconstruire sa vie en exil en Argentine à la fin de la seconde guerre mondiale. « Gambit argentin » nous emmène à la même époque dans l’univers des échecs, où les réfugiés juifs ayant fui l’Europe se retrouvent à devoir côtoyer leurs anciens tortionnaires. Enfin, « La visite », nous met aux prises avec un ancien tortionnaire tenu pour mort à la chute de la junte militaire, mais traqué pour les exactions qu’il a pu commettre.



Malgré la juxtaposition de ces trois intrigues successives, le roman constitue un ensemble très cohérent et bien construit qui parvient à entraîner avec lui le lecteur. Il aborde de manière très fine l’exil et les difficultés qu’il provoque pour reconstruire sa vie. Même si dans la plupart des cas évoqués dans ce triptyque, il répond à une exigence de survie, il est vécu comme un véritable déracinement et ne laisse jamais complètement indemnes ceux qui y sont contraints. Jordi Bonells nous fait découvrir un Argentine terre d’accueil au sein de laquelle ont pu trouver refuge sans trop de distinction victimes et bourreaux. Cette situation chaotique s’explique notamment par la situation politique argentine, marquée par coups d’Etats, répression et instabilité, qui ont conduit au besoin de « recycler » certains des bourreaux qui pourraient bien rendre des services. Cela aboutit à une société où les personnalités s’estompent et où on l’on ne retrouve plus, comme sur un échiquier, les noirs d’un côté et les blancs de l’autre. Les pions se confondent au gré des vengeances et des changements politiques dans une teinte de niveaux de gris. Certains recherchent l’oubli, la distance ou même la disparation, les autres la vengeance et une certaine forme de justice.



Un livre très profond qui nous questionne sur le devenir des hommes et leur faculté de se (re)construire pour faire face aux hasards et aux caprices du destin.
Lien : https://mangeurdelivres.word..
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La Folie des autres

Attention ! Chef-d’œuvre à l’humour ravageur et désopilant, chose franchement rare dans la littérature française d’aujourd’hui, dominée par les schématismes houellebecquiens. Merci à mon ami libraire du Divan de me l’avoir conseillé avec quelques mois de retard, car le roman de Bonells, auteur d’un déjà ancien Deuxième disparition de Majorana (2004) que je ne vais pas tarder à lire, a paru début 2018. Pour une fois, le titre, La folie des autres, ne trompe pas son monde : la folie n’est pas ici métaphorique, allégorique ou allusive, mais bien réelle qui traverse le récit, et les personnages du récit, de part en part, tout en traversant une bonne partie du XXe siècle pris dans des folies non moins réelles. Roman historique ? Nullement, bien que l’histoire soit présente comme cadre d’une aventure quichottesque qui a pour héros un psychiatre uruguayo-argentin, fils d’une Juive uruguayenne et d’un nazi attaché culturel à l’ambassade allemande de Montevideo, débarqué à Paris juste après mai 68 pour y revendiquer, dans un asile de banlieue où il trouve refuge, un « proustisme » psychiatrique qui aspire à faire de la disparition permanente l’arme même de la révolution, donc de la rédemption. Le lecteur, envoûté dès les premières pages par une écriture qui oscille entre la phrase infinie, pleine de circonvolutions et incises, et la phrase courte, à la manière d’une mitrailleuse qui crache ses coups à la vitesse grand V, suit son héros, et les nombreux peronnages qui l'entourent, tous aussi disjonctés les uns que les autres, d’un passé à un autre, d’un continent à un autre, d’une folie à une autre, sans jamais se lasser, pris dans le piège d’une construction romanesque qui doit beaucoup, bien entendu, à Cervantes, mais aussi à Bolaño, Enard, Gombrowicz, Forster Wallace ou Kundera. Un monde fou, avait besoin d’un roman fou pour le dire.
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Triptyque argentin

Triptyque argentin est composé de trois récits .

Tout d'abord dans "Le dernier tournant" le narrateur suit les traces de Witold Gombrowicz en Argentine. Depuis l'arrivée de ce dernier en 1958, cinémas, bars, restaurants tout a disparu. Ne reste que la bibliothèque où il retrouve la carte de lecteur de Gombrowicz.C'est alors qu'il remarque qu'un certain Roger Coquillard a emprunté les mêmes livres. L'enquête change alors de direction et l'on va suivre les tribulations de cet acteur de second plan. On le voit évoluer dans les milieux collaborationnistes français puis prendre la tangente à la fin de la guerre et trouver un refuge bienveillant en Argentine. Il n'arrivera jamais à remonter sur les planches, s'essaiera à divers métiers et finira anonyme dans un coin perdu d'Argentine.



Dans la seconde partie "Gambit Argentin", le narrateur rencontre à Nice un certain Viktor W., allemand émigré à Tel Aviv puis parti pour un tournoi d'échecs en Argentine, ensuite enfuit à Nice. Toujours sous une forme d'enquête on assiste à la cohabition improbable , autour de la passion des échecs, d'anciens nazis et de juifs. Là, on abandonne à nouveau le personnage d'origine , Viktor W., pour Evaristo Manuel Urricelqui, policier argentin. Il mène une enquête sur une série de meurtres d'anciens nazis réfugiés en Argentine. Il soupçonne une vengeance mais on en restera là.



Le troisième et dernier volet "La visite" met en scène le fils de pute n°1 et le fils de pute n°2. N°1 est le père présumé mort de N°2. Il a organisé sa disparition en 1983 à la chute de la junte militaire pour ne pas avoir à répondre des exactions auxquelles il a pris part. N°2 ,lui, n'a pas échappé à une peine de prison de 15 ans. Et l'on assiste à une série de règlement de comptes qui mêlent policiers corrompus, mafieux fachistes, disparus de la dictature. A un certain point , j'avoue, j'ai un peu décroché.



Le fil est rouge de ces trois récits est l'Argentine cosmopolite, terre d'accueil des juifs mais également de leurs bourreaux fachistes recyclés par les diverses dictatures.Ce livre parle de la disparition volontaire, de l'exil et de l'ironie de nos misérables destinées humaines.



La quatrième de couverture était séduisante mais le récit est totalement encombré par des détails, des listes de livres, des noms de rues, de lieux. Nous ne savons plus s'il s'agit d'une fiction ou d'un essai . J'ai dû me faire violence pour terminer cet ouvrage, je n'ai jamais pu rentrer dans ces histoires.
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Dictionnaire des Littératures Hispaniques

Critique de Claude Michel Cluny pour le Magazine Littéraire



Il ne fallait pas moins que ce volume considérable et ses judicieuses annexes pour explorer le vaste, divers, étonnant terreau hispanique, des origines européennes à la période coloniale, puis aux talents récents. La langue espagnole règne sur une vingtaine d'États d'Amérique dite latine. Des centaines de millions de « locuteurs » potentiels, oui ; mais beaucoup moins de « lecteurs »... Analphabétisme et pauvreté empêchent des dizaines de millions de personnes, dans chaque région, d'accéder à la culture. L'édition peu soutenue, les censures politiques qui ont succédé à celles de l'Église, ou s'y sont associées, en Espagne hier comme trop souvent encore aujourd'hui outre-Atlantique, obèrent la liberté d'expression. Aussi l'étonnement viendra-t-il, pour qui n'est pas autrement familier de l'évolution des anciennes colonies de Madrid, de la richesse de la culture hispanique des Amériques. Le siècle dernier fut riche en talents (pardon pour les consacrés), là où personne ne les attendait : Rubén Darío (Nicaragua), Elvio Romero (Paraguay), Roberto Sosa (Honduras), Dulce María Loynaz (Cuba), les prosateurs Jorge Ibargüengoitia (Mexique), Carlos Gorostiza (Argentine), Juan Carlos Onetti (Uruguay)... Les auteurs plus contemporains ne sont pas moins nombreux, originaux, issus d'horizons tout aussi contrastés. Les élire était essentiel dans ce premier ouvrage couvrant l'histoire et la diversité fondamentale des littératures hispaniques, liant la redécouverte du passé et l'histoire récente, au plus près, sans perdre de vue la rigueur des choix.

La littérature espagnole de souche, que nous pensions mieux connaître, s'est abreuvée à bien des sources. Le premier article de l'ouvrage, « L'Abencérage », a trait à la naissance du roman « moresque » au xvie siècle. Le fureteur sera comblé de découvrir Paravicino, religieux lettré dont le Greco signa le portrait enfiévré ; le philosophe, de retrouver María Zambrano, décédée en 1991... Entrées dédiées aux oeuvres marquantes, aux liens thématiques : la poésie espagnole de siècle en siècle ; la « Génération 37 », les littératures « nationales », l'érasmisme en Espagne, la zarzuela , l'oralité, les cultures hébraïques ou le « boom » latino-américain, c'est-à-dire la découverte enthousiaste par les critiques du foisonnement de leurs nouveaux écrivains et de leur extrême originalité à partir des années 1960. Des influences séculaires ont nourri les hautes figures espagnoles. Lesquelles éclairèrent les premiers écrivains du champ colonial. Héritage imposé, diffusé avec son pesant bagage catholique sensuellement détourné par la religieuse Inés de la Cruz, ou parfois rejeté sans appel dans le sillage de la métropole. Les temps modernes y développent vite les écoles européennes, du symbolisme au surréalisme. Les liens avec la culture castellana , même distendus, demeurent. Comme une détestation entre inséparables. L'Espagne, il est vrai, s'endormait un peu, laminée économiquement et politiquement en 1898. Le réveil des années 1930 accompagne les grands mouvements culturels dont, en parallèle, de Mexico à Buenos Aires, aucun n'est ignoré. Cela était vrai, déjà, au xixe siècle, mais ne touchait alors qu'une élite privilégiée. D'où l'habitude qui va perdurer : faire des écrivains reconnus, lorsqu'ils ne sont pas en butte aux poursuites du pouvoir et contraints à l'exil, des ambassadeurs (Miguel Ángel Asturias, Jorge Carrera Andrade, Pablo Neruda...). Nous avions besoin de ce monument. Pour y frotter nos insuffisances, vérifier ce que nous croyions savoir, comprendre des littératures en devenir et - ce n'est pas le moindre bonheur dispensé par cette entreprise - s'y perdre pour y revenir sans fin. Preuve qu'un tel travail répond à notre attente. Il n'est pas de vraie culture sans plaisir.
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