«Je suis en mesure de pouvoir affirmer, après deux ans d'enquête, que le physicien italien Ettore Majorana, disparu la nuit du 27 au 28 mars 1938 pendant la traversée de Palerme à Naples, a vécu en Argentine sous un faux nom, entre le 4 avril 1939, date de son arrivée à Puerto Madero, et fin juillet 1976» (Prologue p 9)
Ainsi débute le prologue à l'enquête de
Jordi Bonells intitulée «
La deuxième disparition de Majorana» en référence à la première enquête menée par
Leonardo Sciascia intitulée «
La disparition de Majorana» à l'origine paru en feuilleton dans «La Stampa»
Jordi Bonells n'est pas physicien mais spécialiste des littératures hispaniques et sud-américaines, il vit à Marseille et enseigne à l'université de Corte (son
dictionnaire des Littératures Hispaniques établi avec la collaboration d'une centaine d'universitaires est une somme unique et passionnante).
Il se rend en Argentine pour la première fois en février 1998, il a lu encore adolescent
Cortazar et Sabato dont il dit qu'ils «ont laissé en lui une trace indélébile et ont formé sa sensibilité humaine et urbaine». Il part pour effectuer une étude pour le compte du CNRS sur ce qu'il nomme «La mise en dictature du roman», rencontrer les écrivains argentins qui ont vécu sous la dictature et analyser la place de cette période dans leur roman. Leurs textes traitent tous plus ou moins des «disparus» mais par hasard un autre disparu va s'inviter dans cette quête, «Ettore Majorana» et nous voilà embarquer à la suite de
Jordi Bonells dans une poursuite de l'ombre ou plutôt des ombres qui naissent et disparaissent au fil des rencontres dans la ville de Buenos Aires à la recherche d'un dénommé Ettore Maggiore qui a fait une demande de résidence en mars 1942, nom à peine modifié de Majorana. Ce livre est un livre sur les disparitions, toutes sortes de disparition et se lit comme un roman policier tout en nous faisant croiser les écrivains argentins mais aussi le comte
Gombrowicz et bien d'autres. Il offre également une visite pas du tout touristique de la ville de Buenos-Aires «une ville qui suscite ce qu'
Antonio Tabucchi appelle «la nostalgie du possible». Une ville qui, comme la
Lisbonne de
Fernando Pessoa, se prête à l'hétéronymie et à une pluralité de vies inventées ou à inventer.» Et l'auteur de nous dire lors de son deuxième voyage qui sera suivi de beaucoup d'autres «Je voulais que pendant un mois personne ne sache vraiment où j'étais. Comme si, pour pouvoir trouver un disparu, on était obligé d'en être un soi-même.»