Canticel.
Per una vela en el mar blau
daria un ceptre;
per una vela en el mar blau,
ceptre i palau;
Per l'ala lleu d'une virtut
mon goig daria
i el tros que em resta, mig romput,
de joventut.
Per una flor de romani
l'amor daria;
per una flor de romani
l'amor doni'.
Chanson
Pour une voile sur la mer bleue
Ma couronne je donnerais;
Pour une voile sur la mer bleue
Ma couronne et mon palais.
Pour l'aile légère d'une vertu
Mon plaisir je donnerais,
Et le brin qui reste, mi-rompu
De ma jeunesse.
Pour une fleur de romarin
Mon amour je donnerais;
Pour une fleur de romarin...
Mon amour j'ai donné.
Le mollusque inspiré.
Blessé d'une céleste et fine flèche,
Seul de mon lignage, je suis et ne suis pas
Apeuré dans une permanente prison,
Car outre mollusque, poète je suis.
Lors, quand j’entrebâille un rien ma fenêtre
Que ne m'arrive-t-il pas de vrai ou d'irréel:
Je m'enfuis de l'eau et du coin verdâtre
Et me trouve libéré des heures étroites.
Lors , une joie, au gré d'une paire d'ailes
Escalade et l'aurore et la nuit
Ou s'embusque aux mystères d'un vallon.
Mais si, de mon abri, tout à coup, j'ai regret,
Un tout gélatineux et doux mouvement
Me fait des jambes pour revenir à ma coquille.
C'est dans la solitude que l'âme déborde:
En moi, les appels s'entrecroisent.
Qui m'écouterait,
Ombre dressée sur l'horizon
Pour invoquer ou pour maudire?
Je miaule comme l'oiseau de nuit
De ma voix amincie par les ans,
Je ne suis plus farouche
Mais amoindri par la tristesse.
Qu'au bord de ma fin j'aie loisir
D'être perdu pour tout regard
Qu'enfin je sois comme les autres,
Comme celui qui ne T'entend en nulle rumeur,
Comme celui à qui Tu ne parles pas.
Moi, résonnante bouche envoyée pour abattre
Les peuples et les rois, je voudrais aujourd'hui
M'égarer, sans désir ni savoir,
Au fond d'une île qu'un nuage cacherait.
Dernière nostalgie.
O terre de hasard, indifférent abri,
Et toi, ô lasse et frileuse distance,
Guerre , où se jette, des corbeaux , la confrérie,
Mort aux grands dogues qui jamais n'aboient,
Me rendra-ton au vivre bienheureux,
A la protection de mon coteau pieux,
Face à la mer de tous les jours,
Entre arbousier , romarin et bruyère?
Verrais-je encor, sous fin voile flottant,
La procession des pins sur les collines,
Le blé serré, la vigne en falbalas?
Tiendrais-je encor, fête renouvelée,
L'été dans une gerbe de genêts,
Noël dans une touffe de fragons?
Au temps de mon ancienne renommée,
Celui qui me reconnaissait
A son voisin me désignait tout bas.
Maintenant, à mon pas, on ne s'arrête plus,
Je suis n'importe qui.
Je n'en ai point regret. En songeant à ma fuite,
Volontiers, je m'écarte du passant
Et, de l'humain, mon cœur se vide:
Terrible trace de Dieu.
Nous traversons l'obscurité de nos journées
Comme , à son but secret, la flèche va tout droit.
Per què et planys, i mortifiquez
el docissim infinit,
oh la font, tu que somiques,
i potser d'un mal petit?
Pourquoi te plaindre et agacer
Le très doux infini,
O fontaine qui geins
Peut-être d'une peine de rien?
Point ne veux m'affaiblir dans le deuil de moi-même,
Ou de mes heures mal dévidées;
Car il faut, sur des espaces plus beaux,
Regret, regret, que tu t'étendes.
malgré tout, mon pauvre passé,
d'un r^ve clair fut soutenu
dont la lueur passionne encor
La chute de mes ans.
plaisirs d'antan ont fui de ma pensée;
tandis que hors du temps, une joie vient remplir
De fantômes et de chants, ma solitude.
Catalogne irréelle, en mon coeur honorée,
Plus que jamais première, à jamais souveraine,
Aux ambitieuses nefs, aux tours d'autorité!