Philippe Chauveau reçoit
Joseph Denize pour une interview-portrait.
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Dans le Paris de 1917, tandis que la Grande Guerre s'éternise, démons et sorciers se livrent une lutte sans merci pour s'emparer d'un tableau aux pouvoirs terrifiants. Embarqué malgré lui dans cette bataille, le jeune Aimé Grandin n'a que son ingéniosité et sa bravoure pour contrer un déchaînement de forces maléfiques.
Fantasmagorie historique au suspense envoûtant,
Quand on parle du diable est un roman d'aventures traversé par des personnages réels (Mata Hari, Méliès, Modigliani ou Crowley, célèbre occultiste britannique), qui tourne en dérision l'effroyable attirance de l'humanité pour la barbarie. Une relecture saisissante de ce tournant du XXe siècle, marqué par la découverte de la plus dévastatrice des armes : le pouvoir de l'image.
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Car la plupart des monstres que nous croisions avaient quelque chose d'humain, comme si une divinité sénile les avait créés à partir de corps démembrés, recomposés selon sa fantaisie, ou comme si le Créateur avait choisi cet endroit pour y jeter ses brouillons et ses essais ratés avant d'aboutir au façonnement du premier homme.
Brault m'apprit à cette occasion qu'il était de coutume dans cette partie du pays, à la mort d'un chef particulièrement respecté, de sacrifier ses épouses et ses esclaves pour qu'ils continuent de le servir dans l'au-delà, car pour les autochtones le trépas n'était rien d'autre qu'une migration.
Je savais, plus que je ne le comprenais, que nous étions tous issus de la grande forêt, et, surtout, que nous n'en étions jamais vraiment sortis. Je renouais le pacte primordial qui unissait notre espèce au monde qui l'avait enfantée, et, jour après jour, je découvrais que mes liens avec la communauté des indigènes étaient plus forts et plus vrais que ceux qui me rattachaient aux Belges ou aux Européens. Je devenais païen et je ne m'étais jamais senti plus humain.
Ecris, c’est là que tu trouveras une réponse à tes questions : au bout des mots.
Deux fous ne peuvent-ils pas voir la même chose?
Toutes les espèces composant le règne des vivants étaient en lutte pour la défense et l'accroissement de leur espace vital, et cela valait aussi pour chaque individu au sein de chacune de ces espèces. La vie était donc affaire de survie, et la survie une question de peur et de faim : la peur d'être mangé, la faim qui pousse à tuer.
« Pourquoi ne pas accepter l’existence de mondes spirituels ou infernaux ? La belle affaire ! Géo Grandin y croyait bien, lui, à l’instar d’une majorité d’êtres humains sur la planète. En revanche, ceux qui avaient une expérience directe de ces choses devaient nécessairement être peu nombreux. Autrement, la sorcellerie serait aussi répandue que les moteurs à explosion ou l’électricité – or, ce n’était pas le cas. Comme Parks l’avait laissé entendre, ce type de connaissance devait demeurer l’apanage d’une poignée de privilégiés, cachée au commun des mortels, qui faute de quoi disposeraient d’un moyen par trop efficace pour s’affranchir du joug de leur condition misérable, si essentielle aux desseins des puissants. »
Dans les années 1860, à l'époque où les travaux pharaoniques du baron Haussmann transformaient à grand frais le visage de Paris, Séraphin Charmier, architecte, historien, professeur à l'université de la Sorbonne, membre honoraire de plusieurs sociétés philanthropiques et scientifiques parisiennes et farouche détracteur du baron, s'était mis en devoir d'arpenter certains quartiers de la ville pour répertorier et documenter les dieux destinés à être rayés de la carte. Les résultats de ses recherches minutieuses devaient être intégrés dans son - Atlas du menu Paris-, oeuvre encyclopédique commencée vingt-ans plus tôt, visant à mettre au jour les sédiments historiques des quartiers populaires, avec à l'appui sa thèse maîtresse selon laquelle "un vieux pavé, un lavoir en granit ou un mur lézardé peuvent contenir plus d'histoire que tous nos arcs de triomphe" (p. 167)
Dans cette phase du Symposion, il suffisait que les idées et les projets formulés par les hôtes arrivent aux oreilles du Maître pour que les bulles de probabilités historiques des décennies à venir s'en trouvent modifiées.
L'esprit, voyez-vous, nous joue constamment des tours. Il n'est jamais à court de doubles fonds. En réalité, quand il semble se dévoiler, il se dérobe et nous abuse avec autant d'habileté qu'un prestidigitateur.