Ce que j’aime dans les romans de Julie Wasselin, c’est qu’elle y parle souvent du monde équestre et que je me retrouve régulièrement dans les états d’esprit où les postures qu’elle décrit.
Les Chevaux n’oublient jamais rien… Une bien jolie phrase-titre !
Que savons-nous de la mémoire des chevaux ? Sachez qu’un cheval retient tout mais de manière linéaire ; en effet, il vit dans le présent, ne fait pas la différence entre hier et aujourd'hui. C’est pour cela qu’il vaut mieux utiliser le renforcement positif plutôt que la violence pour travailler avec lui.
Julie Wasselin illustre ici comment, grâce à son excellente mémoire et à son instinct naturel, le cheval retient très bien les situations qu’il a vécues.
Un hameau perdu au fin fond de la Brenne, un endroit où l’on trouve des étangs immobiles, des landes et des bois obscurs… La quatrième de couverture parle d’un huis clos en « open space ».
En effet, il est des rancœurs tenaces, des jalousies exacerbées, des rumeurs pernicieuses, des réputations malmenées dans ce monde rural impitoyable sur fond de mystère datant de la dernière guerre, de souvenirs de résistance ou de marché noir…
Deux magnifiques portraits de femmes finement ciselés…
La Gise, une paysanne veuve et isolée, une taiseuse, se lie d’amitié avec Mag, une nouvelle venue dans la région, une femme seule et déterminée qui élève des chevaux…
Une mort inexpliquée… Un suicide apparent, entériné par la gendarmerie.
Des situations criantes de vérité…
J’ai reconnu les postures et les jugements… Ne pas être du coin, avoir des chevaux, se promener en selle ou en attelage, avoir des poules pondeuses qui meurent de vieillesse, des chats maîtres du logis et des chiens dont on ne se sépare jamais, ne pas se sentir acceptés malgré tous nos efforts et notre bonne volonté par une communauté prompte à se faire une opinion et à s’en tenir là… Je connais et j’en souffre parfois.
Je sais aussi que l’on jalouse souvent celles et ceux qui possèdent des chevaux, les montent ou les attellent, que l’on considère qu’ils sont aisés et snobs alors que, dans la réalité, cela représente un coût, un budget à assumer, qu’il faut « manier le fumier, les bottes de foin, la paille, les sacs de grain, l’étrille, la fourche, la pelle, le balai, les seaux d’eau et la brouette par n’importe quel temps », trouver des solutions quand on s’absente, etc…
Bref, tout cela sent le vécu !
Encore une fois, j’ai apprécié l’écriture sensible, travaillée et superbement documentée de Julie Wasselin.
Il est ici question de vieillesse, de solitude, de difficulté à aller de l’avant. La Gise et Mag sont deux femmes âgées, qui ont beaucoup vécu, deux personnes qui n'auraient pas dû se rencontrer et qui sont en butte à des haines incoercibles datant de la seconde guerre mondiale. Leurs destins sont liés ; ensemble, elles nous entraînent à leur suite sur des chemins de traverse qui vont leur redonner goût à la vie.
Le personnage de Mag ressemble beaucoup à l’autrice, semble inspiré de son passé équestre. Il faut savoir que Julie Wasselin est une ancienne juge élite de la Fédération Française d’Équitation et qu’elle a beaucoup écrit sur les chevaux ; Mag a été juge, mais dans les milieux musicaux, et connaît bien également le monde équestre ; comme Julie, elle pratique la photo, s’intéresse à l’art, à la culture… Elle a aussi son franc-parler, une forte personnalité… De même, Mag écrit et revendique son indépendance littéraire et sa patte personnelle.
Le récit est ancré dans une région que Julie Wasselin connaît bien et qu’elle nous fait visiter au gré des promenades et excursions de Gise et Mag ; des notes de bas de page donnent, ici ou là, les précisions qui permettent d’en savoir plus et de contextualiser le propos (faits historiques, termes techniques, coutumes locales…).
J’ai beaucoup apprécié ce court roman, son mystère en filigrane, son côté tragique.
Le dénouement est inattendu tout en restant ouvert.
Julie Wasselin n’a pas fini de me surprendre…
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