Tant de choses me font mal à ce jour. Vivre dans l’excès n’a que des mauvais côtés. Trop fumer, trop boire, trop aimer, trop rire, trop dormir, trop souffrir. On laisse des petits bouts de nous à vivre si fort. On s’en sort toujours, mais sans être vraiment les mêmes. Abîmés,
Écorchés. Jusqu’à ce que l’on se retrouve en lambeaux.
Marion, j’espère vraiment pour toi que tu es en train de t’éclater au pieu avec Grangé et que ne t’es pas morte dans un caniveau. Parce que si t’es morte, je te bute ! »
Elles s’embrassèrent longuement, jusqu’à ce que Vivianne en perde la notion du temps, noyée entre les effluves du parfum de la jeune fille et le déluge d’amour qui venait de s’abattre sur elle. Elle glissait vers un profond bien-être lorsqu’elle sentit une larme couler le long de sa joue. Elle se recula et prit la tête de Marion entre ses mains, apposant avec délicatesse son front brûlant sur le sien.
Sa Vivianne.
Marion la désirait avec force et ardeur depuis déjà plusieurs mois. Elle voulait sentir sa peau contre la sienne. Elle voulait parcourir lentement chaque centimètre de son corps et passer des heures entières à la découvrir. Elle voulait lui appartenir, qu’elles ne fassent plus qu’une seule et même personne. Elle voulait se donner à elle, soupirer de plaisir sous ses doigts, devenir une femme dans ses draps, et la voir se réveiller le matin, les yeux gonflés par une nuit sans sommeil. Pour la toute première fois, Marion ressentait l’envie charnelle et brûlante que rien ne pouvait éteindre. Jamais elle ne s’était sentie à ce point dévorée par ce sentiment.
Marion n’avait pas détaché ses yeux de cette femme depuis l’instant où elle avait pénétré son champ de vision. Son cœur s’était emballé en voyant la porte du couloir s’ouvrir au loin et, comme chaque matin, elle avait savouré ce moment, cette petite minute où elle pouvait la contempler en toute impunité.
Elle essayait de graver chaque image dans sa tête. Le balancement de ses hanches, son sourire, son regard affectueux qui l’enveloppait comme une couverture, son odeur de cigarette…
« Être sérieux sans se prendre au sérieux ».
Voilà ce qu’elle répétait sans relâche aux stagiaires et aux jeunes titulaires qui lui demandaient quel était son secret. Tout résidait dans l’art de savoir conjuguer travail et détente, autorité et complicité, rigueur et rires. Vivianne adorait ses élèves, mais jamais elle ne pourrait les laisser lui manquer de respect ni n’aurait une seule hésitation à entrer en conflit avec eux, le cas échéant.
Écrire l’apaisait et l’aidait à se débarrasser simultanément de ses angoisses et de ses rêves futiles. En les confiant à un personnage, ses peurs et espoirs semblaient loin, presque irréels. Ils ne lui appartenaient plus vraiment et, penchée sur sa feuille de papier, la main crispée sur son stylo, la jeune fille pouvait enfin lâcher prise.
Marion savait que rien ne serait jamais possible entre elles et pourtant, elle rêvait souvent de se retrouver seule avec Vivianne, de lui avouer qu’elle brûlait d’envie de posséder chaque coin et recoin de son corps, de lui dire que le creux de ses reins était un paradis sur Terre et qu’elle donnerait père et mère pour goûter à sa bouche.
Comment peut-on prétendre connaître quelqu’un simplement en sachant qui il ou elle préfère avoir dans son lit ? Ne vous arrêtez pas là, les gens sont surprenants ! Ils regorgent de secrets, de faces cachées qui ne demandent qu’à être exposées. Voyez plus loin que la sexualité !
Elle imaginait ce moment chaque nuit sans relâche et passait ses journées à choisir les mots parfaits, les mots qu’elle lui dirait ce jour-là. Ceux qui sauraient la convaincre. Après tout, elle était dotée d’une jolie prose, autant s’en servir.