Après un détour par la littérature blanche avec Le Syndrome du Varan aux éditions Seuil, voici que Justine Niogret revient dans le monde de l’imaginaire avec une nouvelle parution jeunesse aux éditions 404 : Bayuk.
Derrière la tête de crocodile de la couverture se cache l’histoire croisée de trois jeunes gens en quête d’eux-mêmes à l’époque de la flibusterie et des trésors enfouis.
Pirates du Bayou
Dans Bayuk, on rencontre trois personnages : Roi-Crocodile d’abord, une prêtresse vaudou orpheline au passé énigmatique (et qui le restera en grande partie), Boone, un jeune homme torturé qui aime lire le courrier des autres et qui parle à un palétuvier, et Toma, une jeune fille attendant le retour d’une mère pirate dont elle ne sait en vérité pas grand chose.
De ces trois chemins, Justine Niogret va faire une histoire en y ajoutant une quête surnaturelle avec l’arrivée d’une vieille femme qui recherche désespérément la dépouille de ses garçons. Avant de rendre son dernier souffle, celle-ci jette maladroitement un sort à Toma qui apprend dans le même temps que les jumeaux étaient à bord du Mermaid’s Plague, le navire de sa mère, une pirate de légende nommée L’Écarlate.
Commence une course contre la montre pour sauver Toma des esprits vengeurs et lever la malédiction qui pèse sur ses épaules.
Pour cela, elle va devoir quitter le village d’excentriques et de rebuts qu’est Coq Fondu pour explorer le bayou avant d’embarquer sur l’océan afin de confronter sa mère.
Immédiatement, on est emporté par le pouvoir de conteuse de Justine Niogret qui sait agencer ses histoires, les imbriquer et les lier avec une facilité presque déconcertante. Surtout, on se délecte de cette ambiance de bayou, entre vaudou et piraterie, qui convoque les légendes et superstitions de l’époque. Lancé à tout allure, le récit va pourtant souffrir de quelques problèmes de rythme, la française étirant parfois artificiellement son intrigue (le faux-mystère de la carte localisant l’épave) avant de faire une ellipse commode pour précipiter l’histoire (et la redécouverte soudaine du capitaine Écarlate). Fort heureusement, cela ne gâche pas les personnages qu’elle met sur pied, entre les rôles principaux aux histoires complexes et torturées jusqu’aux second couteaux haut en couleur dont une simili-Jack Sparrow prête à se jeter dans la gueule d’un Kraken et un scribe-traducteur qui ne s’en laisse pas compter. Mais, outre son versant aventuresque assumé et revendiqué, de quoi parle, au fond, Bayuk ?
Ces histoires qui nous hantent
C’est dans le passé des personnages principaux que l’on trouve ce qui intéresse véritablement Justine Niogret, à savoir les traumatismes qui nous forgent, les sentiments secrets qui nous viennent de l’enfance et nous hantent tels des spectres évanescents. Si l’on pourrait citer Boone et son passé entre regrets et rédemption, c’est surtout Toma qui fera l’essentiel de ce message. Fille d’une mère-pirate impitoyable qui ne l’a jamais aimé, adoptée par un homme devenu père-mère de substitution et qui l’a sauvé sans dire un mot, élevée par tout un village de marginaux pour combler l’affection et le manque, Toma est une âme blessée qui va devoir affronter la réalité de ses origines, devoir confronter le plus grand croquemitaine de son histoire : sa mère. Bayuk est un récit où l’on apprend à regarder le passé, aussi moche soit-il, et à s’en servir pour en tirer des leçons, pour avancer et grandir. C’est non seulement un livre où l’on croise des fantômes et des monstres, des esprits de fumée et des egunguns, mais c’est surtout un livre où l’on affronte les démons bien réels ressurgit de sa propre enfance.
Et qui a-t-il de plus signifiants dans l’enfance que le parent ?
En forme de jugement mais aussi d’acceptation, Bayuk permet à ses personnages de se libérer du poids de leur secret intime, de nous dévoiler leurs actes passés ou le vide qui les bouffe…et d’avancer !
Justine Niogret excelle dans ce genre d’exercice, elle l’avait déjà magistralement prouvé dans Mordred ou Chien du Heaume et Bayuk ne fait pas exception. C’est certainement cela, bien davantage qu’un parcours bizarrement rythmé et une malédiction un peu simpliste, qui achève de recommander vivement ce récit aux (jeunes) lecteurs !
Roman d’aventures haut en couleur qui ravira les amateurs de vaudou et de piraterie, Bayuk fouille dans l’âme de ses personnages pour y déceler les traumatismes de l’enfance et les blessures mal cicatrisées.
Le roman de Justine Niogret nous apprend à nous servir de nos pires épreuves passées pour en faire une force nouvelle et forger l’adulte que nous serons en définitive.
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