K. L. Slater

Parfois, dans les moments de calme, elle se demandait ce que lui réservait l’avenir. Quand sa mère aurait disparu et qu’elle se retrouverait seule dans cette immense et vieille baraque.
Elle aspirait à un nouveau départ. Une famille à elle. Surtout un enfant, pour lui offrir l’amour et l’affection qu’elle n’avait jamais connus elle-même, mais qu’elle avait vu d’autres gens témoigner à leur progéniture.
Certaines personnes semblaient incapables d’apprécier ce qu’elles avaient. À ses yeux, elles méritaient qu’on leur prenne ces choses précieuses pour les donner à quelqu’un qui en prendrait soin et les aimerait.

À certains moments, j’avais l’impression de tuer le temps en attendant que mon mari revienne. Dans notre ancien appartement, j’agissais souvent comme s’il était simplement parti à son travail et franchirait de nouveau notre porte d’ici quelques jours.

Dès les petites classes, le système éducatif était essentiellement axé sur les examens. Les inspecteurs de l’Ofsted ne se préoccupaient que des notes obtenues par les enfants, pas de leurs vies. Les quatre fois où elle avait eu affaire à eux, personne ne s’était penché, fût-ce superficiellement, sur la façon dont elle affectait personnellement la vie de ses élèves.
Il n’y en avait que pour les enseignants diplômés. C’était révoltant.

Il s'agit juste de poser les bonnes questions aux bonnes personnes. Qui, quand et pourquoi, c'est tout ce que j'ai besoin de savoir.

Je lui serre la main, captivée par la couche de poudre sur son visage et son rouge à lèvres violet. Quand ses yeux gris croisent les miens, j'éprouve la curieuse impression que ce n'est pas moi, mais en moi qu'elle regarde.

Maintenant qu'elle a cessé de parler, il n'y a plus que le tic-tac de la pendule, le souffle rauque du respirateur et l' air épais, écoeurant, qui se dépose à la surface de ma peau, tel un vernis toxique.

Mais ses questions l'avait fait se sentir toute drôle à l'intérieur, comme si on lui avait aplati au fer à repasser son joli petit cœur rose et gonflé. Maintenant, elle avait l'impression qu'une crêpe grise pendait dans sa poitrine.

J’ai été si happée par mes problèmes – il me semblait parfois que mes pensées négatives allaient m’engloutir – que je devais déployer de gros efforts pour assurer le minimum au quotidien.

Il est si réconfortant que quelqu’un soit aux petits soins pour moi. J’ai eu l’impression pendant si longtemps de me battre seule contre le monde entier que je dois me faire violence pour ne pas lui répondre que nous pouvons tout à fait rentrer par nos propres moyens.

Je n’arrive pas à me défaire de l’impression que je n’appartiens pas à ce monde-là. À un moment ou un autre, je vais finir par me trahir, et il n’aura alors pas d’autre choix que de reconsidérer mon aptitude à m’intégrer à un environnement aussi cultivé et sophistiqué que le sien. Combien de temps lui faudra-t-il pour déceler l’imposture ?

Est-il désespérément naïf de croire que, pour une fois, le destin nous a souri et qu’enfin nous avons trouvé un endroit où nous pourrons recommencer à vivre ?
Il est parfaitement normal que Skye se sente un peu inquiète à la perspective de quitter la seule maison qu’elle ait réellement connue.

Je vous conseille de chasser ces pensées de votre esprit et d’admettre que vous avez l’occasion de prendre un nouveau départ. Cela ne dépend que de vous.
Je veux le croire, de toutes mes forces. Hélas, je sais trop bien ce que c’est, de ne se sentir à sa place nulle part, de se sentir étrangère où qu’on soit.

Son expression incrédule, devant tant de splendeur, déclenche un signal d’alarme chez moi : quelle idiote je suis ! J’ai pourtant bien tenté d’expliquer au docteur Marsden, lors de notre rencontre au café, quelle était ma situation, mais, visiblement, il a complètement surestimé ma position sur l’échelle sociale…
Franchement, qu’est-ce que nous faisons ici, ma fille et moi ? Des gens comme nous n’habitent tout simplement pas dans des endroits comme ça.

J’ai lu des quantités d’articles en ligne qui donnent des conseils sur la manière d’aborder des sujets difficiles avec de jeunes enfants, et pourtant j’en suis toujours au même point. Mais, comme je suis la personne qui connaît le mieux ma fille, je dois trouver la meilleure façon de lui dire la vérité, le plus délicatement possible.

Il est difficile d’expliquer à une enfant de cinq ans à qui on doit épargner certains détails la terrible vérité liée à la mort de son père. La psychologue scolaire a bien dit que ce qui compte avant tout à cet âge, c’est que Skye comprenne et accepte le fait que son père n’est plus là.

Il voit tout de suite qu’elle n’est pas d’humeur à discuter, mais quelle importance ? Elles ne le sont en général jamais.

Amber était toujours stupéfaite qu'il ne vienne jamais à l'idée de ceux qui emmerdaient le monde qu'on puisse les emmerder en retour. À malin, malin et demi.

Le loup déguisé en agneau.

Amber garda un visage impassible, se retenant de sourire. Les gens étaient si crédules : quand on était une jolie femme, il n’était pas difficile de retourner une situation à votre avantage.

— C’est juste que j’ai… Enfin, j’ai rencontré quelqu’un, voilà.

— Tu as rencontré quelqu’un ? m’entends-je répéter comme en écho.

— Oui, maman.

Ben me prend la main et poursuit :

— J’ai rencontré une femme qui me plaît. Elle s’appelle Amber.