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Citations de Kevin Chen (26)


Elle avait toujours aimé les bananiers, ces feuilles à la grande nervure bien dessinée, à la belle couleur vert émeraude et à la surface large et souple qui vous protégeait de la pluie et du soleil. Leur mère, autrefois, se servait de feuilles de bananier pour envelopper ses gâteaux de riz gluant, elle les faisait d'abord bouillir avant d'en fabriquer ses papillotes qu'elle fixait avec de la ficelle, puis les faisait cuire à la vapeur et les feuilles de bananier donnaient leur saveur particulière aux gâteaux. C'était un parfum suave et généreux, qu'il suffisait de respirer pour qu'il vous débarrasse de vos soucis et pour que tous les organes de votre corps se mettent à bâiller d'aise et à s'étirer. Et quand vous aviez mangé les gâteaux, vous vous sentiez enveloppé d'une douce torpeur, vous vous allongiez n'importe où et vous endormiez d'un sommeil aussi délicieux qu'une banane mûre.
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Elle avait peur du noir à l'époque et, quand elle avait un petit besoin, elle n'osait pas aller aux cabinets à l'extérieur, préférant se retenir jusqu'au lendemain matin. Tous les enfants du coin disaient qu'il y avait une revenante dans les toilettes et elle en mourait d'épouvante. Désormais, elle n'avait plus peur du noir : elle allait aux toilettes à tâtons dans le noir, téléphonait dans le noir et ne redoutait pas les fantômes. Elle le savait, ce qu'il faut crainte le plus dans les lieux obscurs, ce ne sont pas les fantômes, mais soi-même.
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Quand il était enfant, leur vieux chien était mort, alors -"chat mort se pend aux rameaux, chien mort se jette à l'eau"- sa mère avait enfourché le scooter pour qu'ils aillent jeter le chien dans un fossé et lui, assis sur le siège arrière, portait le vieux chien dans ses bras. Les fossés et leurs fantômes lui faisaient peur, il avait pleuré tout le long du chemin, sa mère l'avait pressé de jeter le chien. C'était de l'eau stagnante, le canal était bouché par des porcelets morts, des cadavres de chiens, des pastèques pourries, de vieilles motos et même un étal entier de vente de noix d'arec, et tout cela répandant son infection sous le soleil brûlant, des myriades de mouches y faisaient un vrai ballet, trouvant là un festin propre à combler leur appétit. Il avait reconnu le corps en décomposition de Jaunet, le chien de leurs voisins, et refusait, toujours pleurant, de jeter leur vieux chien dans cette eau, il voulait l'enterrer, lui dresser une pierre tombale. Sa mère avait attrapé la bête et plouf, l'avait jetée dans ces eaux mortes d'où les mouches, qui s'étaient dispersées pour revenir aussitôt, les avaient remerciés de leurs bourdonnements assourdissants : avant même qu'elles aient fini leur repas de viande pourrie, voilà qu'on leur en apportait de la fraîche.
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Aussi, faire du commerce, c'est inspirer à chacun la pensée qu'il faut absolument qu'il achète "çà". Et "ça", c'est quoi ? Tout dépend du talent du commerçant, selon le besoin qu'il sera assez fort pour créer chez le client.
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La vie de ses trois soeurs lui faisait penser à du bacon qu'on jette dans un wok : c'est rose et tendre, mais ça crépite et envoie de la graisse bouillante de tous les côtés dès qu'on le jette dans l'huile.
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La vie de ses trois sœurs lui faisait penser à du bacon qu'on jette dans un wok : c'est rose et tendre, mais ça crépite et envoie de la graisse bouillante de tous les côtés dès qu'on le jette dans l'huile.
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Un être plein de trous, c'est ce qu'il était, sa bouche se refusait à dire ces choses du passé couchées sans ordre dans ses carnets, il faisait mine de les avoir oubliées mais elles s'étaient logées dans tous ces trous qu'il portait en lui. Si une brèche venait à s'ouvrir, il s'en déverserait des histoires en quantité.
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Elle se souvenait de la naissance de Sujie, une quatrième fille : les frères de son père avaient déjà tous des fils premiers-nés, et il fallait que chez eux ne naissent que des bouches inutiles.
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Un éclat solaire se cachait dans les rides de son front, un éclat de lune dans le sillon le long des ailes de son nez, l'éclat des étoiles au coin de ses yeux, une pluie bienfaisante sur son nez en sueur, et quand il parlait et riait, il y avait l'éclat du soleil, celui de la lune et celui des étoiles, il y avait la bruine et son visage tout entier ressemblait à une terre en friche au sol fertile, couverte d'une végétation foisonnante, au sol ameubli par les lombrics et où circulaient librement le vent et la pluie.
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Les fantômes n'ont rien d'effrayant, ce sont les humains qui sont cruels.
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Ta mère ne savait ni lire ni écrire, mais elle savait comment faire lever la rumeur, le vent des mots. Déposer çà et là quelque rumeur et attendre que le vent se lève pour la semer un peu partout, l'introduire dans les bouches, les oreilles, afin qu'elle se propage des unes aux autres et se répande au loin.
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Dans les romans de son petit frère, les personnages masculins et féminins étaient des forêts tropicales humides, aux cours d'eau tumultueux et aux arbres sublimes, où se lovaient des serpents boas, où résonnaient des rugissements de fauves et des chants d'oiseaux. Son corps à elle était un four de séchage, la forêt humide, une fois entrée dans son corps par la lecture, devenait un désert.
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La voix de la Cigale résonna de nouveau, te traita de « sale engeance ». Tu es parti enfin. Si je voulais que tant que tu t’en ailles, c’est parce que j’avais peur. En restant une seconde de plus, tu risquais de découvrir le vrai fond de l’affaire. L’histoire du château d’eau. Mon vrai visage. Le vrai visage de ta mère. Tout ce que nous avions fait te concernant, sans jamais, jamais te protéger. Le plus cruel, dans l’histoire, ce ne sont pas les policiers, ni la préfète des études de ton collège. Mais nous-mêmes.
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On use ses forces à se débarrasser de son enfance, mais dès que la nuit tombe et qu'on ferme les yeux, la maison à cour et le pavillon familial brillent de tous leurs feux, rien n'a disparu.
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Pourquoi n'avait elle fréquenté l'école que deux jours ? Pour répondre à la question elle faisait chaque fois un récit différent. Tantôt elle disait que sa famille trouvait ça trop cher, à quoi bon mettre des filles à l'école, il suffit de les marier et puis voilà.
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Quand avec sa sœur aînée elles parvenaient à réunir l'argent pour acheter un livre, tout le monde à la maison le lisait consciencieusement à tour de rôle ; un livre, c'était de l'or, à l'époque.
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C'est bien d'être un fantôme ? Moi je dis que oui, vraiment.
Quelle sécheresse, quand je vivais. Une peau de désert, des ongles de roche, des cheveux de liane. Maintenant je peux me lover dans la mousse, dormir dans les murs imbibés d'humidité de la maison familiale, m'ébattre dans la terre mouillée, c'est en été quand il a plu que la boue est la plus confortable, la terre et l'eau qui se fondent : je ne sais pas s'il y a un paradis après la mort, mais la boue est un paradis.
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Elle le savait, ce qu'il faut craindre le plus dans les lieux obscurs, ce ne sont pas les fantômes, mais soi-même.
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la mémoire est infidèle
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Se frotter les yeux. T. La sœur aînée. Les gants. Les biscuits. Le fourneau. Le petit banc. Les fissures. Le papier-monnaie doré. Les cendres. Les cheveux blonds. La nuit. Le clair de lune. Les cygnes. Les vermicelles qu'on n'arrive pas à terminer. Les cils blonds. Le sang. Le brouillard.
Humer. Les pieds de porc. Les comprimés. L'air humide. Le savon sur la peau. Le poisson fumé. L'odeur marine. Les cheveux trempés d'eau de mer. Le miel. Les bonbons. Le texte de Shakespeare.
Tous les indices sont comme de minces fils qui s'entortillent et s'emmêlent, forment des nœuds bien serrés dans son cerveau.
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Le chenapan dans son accoutrement, un vaurien, un gredin ou un coquin, jamais un banquier

Le champ mort et désert, où les frelons autrefois bourdonnaient seuls autour des fleurs grasses, dans le silence écrasant du soleil, est ainsi devenu un lieu retentissant, qu’emplissent de bruit les querelles des bohémiens et les cris aigus des jeunes vauriens du faubourg. Une scierie, qui débite dans un coin les poutres du chantier, grince, servant de basse sourde et continue aux voix aigres.

Émile Zola
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