Citations de Keyvan Sayar (16)
Parfois la mort boit de la vodka.
Parfois la mort s'assied à l'ombre et nous observe.
Et nous savons tous
Que les poumons du plaisir sont remplis de son oxygène.
Sohrab Sepehri
À défaut de pèze je pose des cartes
À jouer poliment sur la table
Il semble que le serveur a vu
Je réalise qu’il fait de la muscu
Plusieurs mètres de haut
Et assez peur
À toute trombe il revient par ici
La rue est le seul paradis
La course l’unique issue
Je pense donc je fuis
Quand à 88 ans ou 19 ou 160
Le destin choisira de me passer à la broche
Qu'on me remplisse les poches de bombecs à la menthe
De gros chewing gums qui bullent
De tickets de métro demi-tarif
Je veux que Lucifer ne trouve ça pas réglo
Qu'il suinte, qu'il crise, qu'il doute
Qu'il se frise la frisette
Et d'un coup de cornette
Fasse un trou dans le mur
Dans le monde une fissure
Où je pourrais me cacher
Parce que l'enfer c'est trop chaud
Ça doit faire somnoler
Ça doit t'filer des thromboses
Moi en plus les grillades
J'ai toujours trouvé ça triste
Ça donne à toutes les viandes
À toutes les âmes
Un goût d'vieille frite qui goutte
Et même si j'suis pas très gentil
J'aimerais une fin pas trop cuite.
Parfois le sentiment de ne plus avoir d'espace
De temps
De chips
Que l'élastique de ce slip
Extraordinaire qu'est le cosmos
Se resserre sans cesse
Sans comment ni pourquoi
Que les téléphones qui me poussent
dans chaque main
sur chaque nez
et chaque doigt
Ne sonnent que les mauvaises nouvelles
Les il faut que
Les tu fous quoi
La vérité est ailleurs
Ici il y a surtout des pastèques
Vertes dehors, rouges dedans
Gorgées de graines et d’eau
Complexes
Autant que ma gueule
Distraites
Et c’est mieux comme ça
On les coupe en quat’
Qu’elles s’en rendent même pas compte
La vérité est d’ailleurs
Quelque chose de surfait
Savoir le quoi du comment
N’a jamais refermé une braguette
Cuit un œuf
Posé une brique
Authentique
On ne l’est qu’à moitié
Et pas toujours la bonne
Rita Rippenblatt portait un rouge à lèvres extra-brillant mais n'était pas une femme extra-brillante pour autant. Ce genre de constat l'avait toujours énervée. Quand on fait tout pour que ça marche, ça doit marcher un point c'est tout.
- Alors donnez-moi un nom, qu'attendez-vous ?
- Tout le monde a un nom.
- Pourquoi pas moi ?
- Parce que vous n'êtes personne, Docteur, vous êtes une ombre, une idée.
- Mais...
- Un ventre, des habitudes et des préjugés ça n'a jamais fait un homme.
- Alors comment devient-on un homme ?
- C'est simple Docteur, il faut aimer.
Parfois souvent
j'fais des montagnes
avec des taupinières
c'est idiot c'est vrai
c'est imbécile
mais vivre
c’est un peu habiter
et beaucoup hébéter.
Pendant ce temps, Rita, cette femme avec qui il avait sans l'aimer fait un petit bout d'homme, cette femme avec qui il avait pris un crédit sur vingt ans, cette femme qui ne se trouvait pas chez eux cette nuit, cette femme avait changé de vie. Le changement de vie est une chose difficile à comprendre pour les gens qui n'ont pas de vie à proprement parler. Ceux qui se sont toujours contentés de subir, ceux qui se sont dit "c'est comme ça" plutôt que "je voudrais que ça soit comme ça"; ceux-là ne comprennent et n'acceptent jamais le comportement de gens comme Rita. Le vénérable docteur Rippenblatt et tous ses gargouillis gastriques ne pourraient pas commencer à apercevoir le début du bout du pourquoi de son départ. Ce sont les mêmes gens qui ne comprennent pas qu'on puisse tout donner ou tout reprendre, juste par amour. Ce sont les mêmes gens qui ne voient pas que les chansons, les poèmes et toutes les histoires ne sont que des prétextes. Le vrai texte il fait l'écrire soi-même.
Même la contre-utopie, c'est-à-dire la critique qui est censée être la plus radicale à l'égard de l'utopie, ne s'oppose pas diamétralement au concept d'utopie. Le sens que le terme utopie a acquis dans le langage courant ne se justifie donc pas au niveau conceptuel. Ceux qui ont stigmatisé les idéologies qui prétendaient amener "le meilleur des mondes" ne dénonçaient pas l'aspiration à un monde meilleur, ils dénonçaient juste des façons de faire, des dérives, des mensonges. Le propos des contre-utopistes était moins de dire que l'utopie était impossible, que de révéler des injustices masquées derrière une soi-disant aspiration à un monde meilleur.
Une journée épuisée qui couchait son soleil
Les wagons du métro comptaient leurs matricules
Dans les profondeurs grises d'un infini sommeil
Le ciel qui défilait comme une pellicule
(Keyvan Sayar ne correspond à rien, Ed. Maelström)
Si l'utopisme n'a pas réussi à proposer de solution, à apporter le meilleur gouvernement, les idées utopistes ne sont pas pure abstraction et, comme le souligne Jacqueline Russ, elles ont fait leur chemin en politique : l'administration des choses chère à St. Simon, l'organisation de la vie en fonction de l'attraction passionnée chère à Fourier ou encore la justice, le respect de la dignité des personnes telle que l'explicita Proudhon ne sont pas restées enfermées dans les pages jaunes de livres poussiéreux.
Tu passais devant moi
comme si je rien n’étais
Si on existe peu, puis qu’on n’existe plus, à quoi bon participer ?
Si le jeu est truqué dès le début, quelles chances a-t-on de gagner ?
L'existence n'est qu'un instant, la mort une pose.
Il n'y a pas autre chose.
Ni début, ni fin, seul un milieu qui glose.
La mort est une pose
Lettre d'amour d'un bougnoul
(À lire en cas de naufrage collectif dans l'amer)
Si j'avais un pays
ou qu'un pays m'avait
si je venais de quelque part
de quelque chose
Si j'étais quelqu'un
Si ce bout du monde soudain
ou souvent
ou ce soir
allait si mal qu'il donne
le sentiment
de saigner
Que pourrais-je faire
pour l'aider ?