Laetitia Lajoinie

Azad tend son bras en guise de preuve. Au niveau de son poignet, deux triangles, un petit et un grand côte à côte, comme deux dunes serrées l'une contre l'autre, sont imprimées au fer rouge dans sa chair. Lou repense aux marques, nombreuses, qu'elle connaît sur les saisonniers : trous aux oreilles, tatouages, cicatrices comme celle-ci. Elle a toujours cru à une sorte de mode étrange, propre aux Subs. Elle réalise avec horreur que la réalité n'a rien d'aussi superficiel.

- Allons-y avec un air décontracté et personne ne fera attention à nous, assura Alban.
- Décontracté ? gémit Nikolas. Je suis aussi décontracté qu'un chêne face à un bûcheron !

Les érables bavards constituaient l’une des plus anciennes prouesses technologiques des alchimistes et leur échec le plus retentissant. Initialement développée pour envoyer des messages d’une ville à une autre, la science des feuilles et de la sève s’était avérée d’une effroyable complexité. La légende populaire racontait qu’un alchimiste, chargé de transmettre un message à l’amant d’une reine, l’avait envoyé à son mari, le roi, suite à un mauvais calcul, provoquant son renvoi immédiat et la chute d’une dynastie. Abandonnés par les alchimistes, les érables s’étaient néanmoins reproduits et, cinq ans auparavant, ils s’étaient remis à chanter des informations. Nul ne savait si les arbres sifflaient les messages de leur propre volonté ou si quelqu’un les manœuvrait dans l’ombre. En tout cas, les informations qu’ils propageaient étaient souvent sulfureuses.

Lou lève les yeux au ciel. De toutes les façons possibles de mourir, il a fallu que la mère se fasse abattre par une Lunaire. Pas étonnant que le potier et son Fils l'aient si mal accueillie,
non qu'elle ait espéré des fleurs, mais tout de même…]

La vengeance, le meurtre, la haine… il n’y a vraiment que ça qui compte pour vous ? N’avez-vous jamais été tentée par l’amour ou la gratitude ?
– Ces émotions-là sont pour les faibles.

Lou a quatorze ans, et elle a refusé de tuer un homme.
Elle n’aurait pas dû.

Les trois amis étaient arrivés au cœur de la caserne.
- Allons-y avec un air décontracté et personne ne fera attention à nous, assura Alban.
- Décontracté ? gémit Nicolas. Je suis aussi décontracté qu'un chêne face à un bûcheron !

Je vais te la faire courte. Je suis une traqueuse. J’ai besoin de cette potion. Aide-moi et le clan Tyréa te sera redevable. Quelle que soit la créature dont tu auras besoin, peu importante quand, nous te l’apporterons. Décline mon offre, vends-moi aux protecteurs et tu es mort. Toi, mais aussi toute ta famille.

Pourtant, la plupart d’entre eux travaillent sans salaire, avec comme seules récompenses le repas insipide qu’on leur servira le soir et les dortoirs collectifs où on leur cédera une paillasse. Malgré tout, Lou les envie : ils sont plus libres qu’elle ne le sera jamais. Après les vendanges, leurs pas les porteront ailleurs, vers d’autres terres à explorer, d’autres travaux à accomplir, d’autres refuges à découvrir. 

C'est le tien maintenant, tu dois t'en occuper pour créer un lien avec lui. La confiance n'est jamais immédiate, elle s'acquiert.

Ynaé voulait sincèrement aimer l'aiglon, mais comment ? Comment lui faire confiance et se refaire elle-même confiance après ce qui était arrivé à Ensio ?

-Je t'ai sauvé la vie face à ce serpent, par Méthéon ! Ca t'écorcherait de me remercier ?
-Tu ne faisais que ton travail Ynaé. je ne compte pas m'aplatir devant toi à chaque fois que tu me sauveras la mise et je n'attendrai aucun remerciement quand l'inverse se produira.

-J'ai compris, je ne suis pas stupide, dit-elle, à court d'arguments. [...]
-Stupide, je n'ai jamais prétendu ça, mais insensible, oui.

Face à la horde d'enfants, Alban le Magnifique peinait à prendre la parole. A chaque fois qu'il tentait d'articuler une réponse, une autre question fusait. Ynaé, elle, peinait à conserver son sérieux : celui qui venait de combattre brillamment un saule pleureur fou s'avérait incapable de faire taire une bande d'orphelins.

-Promets-moi de ne plus t'aventurer sans moi à la poursuite de traqueurs. Je suis ton coéquipier et je tiens à toi, stupide protectrice irresponsable !
Malgré l'insulte qui n'en était pas vraiment une, Ynaé détourna la tête vers la porte pour cacher son embarras. UN Alban aimable était encore plus déroutant qu'un Alban désagréable !

-Je me débrouille très bien sans toi !
-Admirablement bien, effectivement, si l'on oublie que tu étais au bord de l'évanouissement au milieu d'un déluge de pierres quand je t'ai trouvée !

𝑨𝒍𝒐𝒓𝒔 𝒍'𝒆𝒔𝒑𝒂𝒄𝒆 𝒅'𝒖𝒏𝒆 𝒓𝒆𝒔𝒑𝒊𝒓𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒐𝒖 𝒑𝒆𝒖𝒕-𝒆̂𝒕𝒓𝒆 𝒅𝒆 𝒅𝒆𝒖𝒙, 𝒀𝒏𝒂𝒆́ 𝒆𝒕 𝑨𝒊̈𝒏𝒂, 𝑨𝒊̈𝒏𝒂 𝒆𝒕 𝒀𝒏𝒂𝒆́ 𝒂𝒑𝒑𝒓𝒆́𝒉𝒆𝒏𝒅𝒆𝒏𝒕 𝒍𝒆𝒔 𝒄𝒓𝒂𝒊𝒏𝒕𝒆𝒔 𝒅𝒆 𝒍'𝒂𝒖𝒕𝒓𝒆, 𝒔𝒆𝒔 𝒅𝒐𝒖𝒕𝒆𝒔, 𝒔𝒆𝒔 𝒆𝒔𝒑𝒆́𝒓𝒂𝒏𝒄𝒆𝒔. 𝑬𝒍𝒍𝒆𝒔 𝒑𝒂𝒓𝒕𝒂𝒈𝒆̀𝒓𝒆𝒏𝒕 𝒍𝒆𝒖𝒓𝒔 𝒔𝒐𝒖𝒗𝒆𝒏𝒊𝒓𝒔, 𝒍𝒆𝒖𝒓𝒔 𝒋𝒐𝒊𝒆𝒔, 𝒍𝒆𝒖𝒓𝒔 𝒔𝒐𝒖𝒇𝒇𝒓𝒂𝒏𝒄𝒆𝒔. 𝑬𝒕 𝒍'𝒆𝒔𝒑𝒂𝒄𝒆 𝒅'𝒖𝒏𝒆 𝒓𝒆𝒔𝒑𝒊𝒓𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒐𝒖 𝒑𝒆𝒖𝒕-𝒆̂𝒕𝒓𝒆 𝒅𝒆 𝒅𝒆𝒖𝒙, 𝒆𝒍𝒍𝒆𝒔 𝒐𝒖𝒃𝒍𝒊𝒆̀𝒓𝒆𝒏𝒕 𝒍'𝒊𝒎𝒑𝒊𝒕𝒐𝒚𝒂𝒃𝒍𝒆 𝒔𝒐𝒍𝒊𝒕𝒖𝒅𝒆 𝒅𝒆 𝒍𝒆𝒖𝒓 𝒆𝒙𝒊𝒔𝒕𝒆𝒏𝒄𝒆.

Un jour, dit Ynaé, je serai une dresseuse, moi aussi.

Elle choisit le plus petit, le plus fragile. Celui qui lui ressemble le plus.

Certaines personnes ne méritent simplement pas le pardon, fussent-elles de votre famille.