Lauren Smith

Les hommes et les femmes qui l’entouraient étaient bruyants. L’écho de leur gaieté rebondissait sur les murs, créant un tel vacarme qu’il pouvait à peine s’entendre penser.

C’était quelque peu stupide, elle le savait, mais elle espérait tomber follement amoureuse d’un homme comme celui que Leticia avait rencontré. Sa mère l’avait prévenue que la plupart des mariages en Angleterre n’étaient pas des mariages d’amour. C’était dans l’ordre des choses.
Pourtant, j’aimerais en faire un.

Il y avait quelque chose de charmant dans le fait qu’un homme à la beauté ténébreuse joue le rôle d’un héros réticent et qu’une jeune femme se batte courageusement pour se sauver d’un méchant. Sa vie n’était pas aussi intéressante que le roman qu’elle tenait.

Elle était perdue dans les pages d’un roman gothique à sensations, Lady Leticia et le Duc sombre de L. R. Gloucester.

Les hommes désespérés, comme le garçon qu’il avait autrefois été, ne jouaient jamais bien. Quand un homme avait quelque chose à perdre, il était nerveux et moins concentré.

On jouait à la mourre, au faro, au whist, et même au rouge et noir. Hartwell se tenait près de la table de rouge et noir.

Il avait fait le serment de ne jamais aimer personne, mais Helen était la seule exception à cette règle. Elle était sa jumelle, quelqu’un avec qui il avait partagé l’utérus maternel. C’était un lien indéfectible. Il avait des amis, comme Rodney, et des connaissances.

Il serait bon d’avoir une nouvelle maîtresse, quelqu’un pour réchauffer son lit et lui tenir compagnie le soir autour d’un verre de sherry. Cela lui manquait vraiment. Martin grimpa les escaliers menant au premier étage et entra dans ses appartements. Son valet, Will Byrd, s’occupait de la collection de tabatières dans une vitrine.

Dans quelques heures, il serait à l’Argyll Rooms, et il aurait probablement l’occasion de faire la connaissance de quelques jolies dames cherchant à s’assurer un protecteur et un bienfaiteur. C’était un rôle qu’il serait heureux de remplir pour une jeune beauté entreprenante qui pourrait attirer son attention.

Il n’avait pas besoin d’une femme, mais il n’aurait pas dit non à une nouvelle maîtresse. Sa demeure était parfois un peu solitaire. Il savait que la plupart des hommes n’installaient pas leurs maîtresses sous leur toit et leur rendaient simplement visite. Martin avait toujours préféré la proximité de ses compagnes aux règles de la société.

Un homme qui n’aime rien ne peut rien perdre.

À vingt-huit ans, ses années d’insouciance étaient derrière lui, mais il n’était pas encore assez vieux pour y repenser avec tendresse. Les hommes de son âge célébraient les fêtes de fin d’année avec leurs épouses ou leurs enfants en bas âge. Mais pas Martin. Il s’était efforcé d’éviter le mariage au début de la vingtaine.

Sa mère gisait comme un ange déchu dans l’étreinte de son père, ses cils battant comme les ailes frénétiques d’un papillon essayant de rester en l’air au milieu d’une tempête. Son visage cendré, ses lèvres pâles et ses yeux troubles avertissaient Martin d’une vérité qu’il n’avait jamais voulu voir, à savoir que les parents n’étaient pas immortels.