Laurence Marti

Cette ouverture naturelle, qui lui a fait être le premier séminariste à demander de pouvoir jouer au football, I'a amené à rencontrer l'Autre, les autres, les protestants, les musulmans, les athées. Il ressort de son récit non seulement son engagement dans et pour le monde ouvrier, mais aussi son action et Son ouverture aux dialogues, interculturels et interconfessionnels, sur le rôle des femmes dans son Église aussi.
Je fais partie de ces athées qui partagent avec les chrétiens engagés la certitude que la vie est autre chose qu'une course aux valeurs matérielles et à la «réussite», telle que mise en avant dans nos sociétés. «Celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas»... ce poème de Louis Aragon (La Rose et le Réséda), dédié à deux résistants fusillés par les Alle mands en France en 1941, un communiste et un officier breton catholique, «croyant» en leurs valeurs et résistants jusqu'à la fin, chacun à leur manière,l''un en ne reniant pas son parti, I'autre en bénissant le peloton d'exécution, m'a toujours parlé fortement.
Merci Guy de cette rencontre avec toi sur le chemin de nos vies, à Renens, et merci à celles et ceux qui m'ont demandé, avec ton accord, de rédiger cette postface à ton beau témoignage de vie.
(postface de Marianne Huguenin, ancienne municipale et syndique de Renens, 1996-2016)

Mon credo

Au moment où l'on se destine à la prêtrise, je ne crois pas que l'on puisse imaginer ce que sera son parcours. Moi je me suis plutôt dit : "On verra !"  Regarder, écouter et donc apprendre, apprendre tout le temps, "aller vers" pour apprendre. A présent, je crois pouvoir le dire, ce qui a marqué mon vécu de prêtre d'un bout à l'autre, c'est très peu, cela se dit en peu de mots, c'est "aller vers." Vers celui-ci, celui-là. Aller voir cet événement, y compris manifester, aller avec. Allez vers, allez avec... C'est la clé que je donnerais pour lire ce livre. Il y a d'autres choses qui vont venir s'ajouter à cet "être avec", "être avec les gens", mais pour moi c'est presque l'essentiel. J'ai vécu ma mission de prêtre tout simplement, sans faire de grandes choses, mais en "faisant avec."C'est peut-être aussi l'essentiel de Jésus de Nazareth. Quand il se manifeste, il est avec les gens sur le chemin, il n'est pas cantonné dans une institution. D'ailleurs, s'il va au temple, c'est pour le changer, parce que cela ne va pas au temple. C'est vrai, il a raison, il y a des voleurs qui profitent des gens. Lui, il est sur les chemins avec les gens et il s'arrête auprès d'eux. Et ce qui me frappe le plus, c'est que quand il s'arrête auprès de quiconque, une femme malade, un lépreux, un aveugle, que fait-il ?  Il ne dit pas : "Je vais faire quelque chose." La première chose qu'il dit, c'est : "Que veux-tu que je fasse pour toi ?" C'est la personne qui décide, il ne décide pas pour les gens. Quand il voit un aveugle ou un sourd- muet, il mesure bien à qui il a affaire mais  il pose toujours la question : "Que veux-tu que je fasse ?" Il ne prend pas la décision.
Je pense que la plus grande faiblesse, une erreur de l'Église, c'est de "faire avant." "Vous devez faire ça, comme ça, c'est comme ça !" Pour moi, la question c'est  "Que veux-tu que je fasse pour toi ?" Il ne s'agit pas de dire aux gens : "Tu dois faire cela" mais : "Qu'est-ce qu'il faut faire? C'est à toi de le dire." Peut-être que Jésus sait très bien ce qu'il va faire, mais il faut que tu me le dises, j'ai besoin de t'entendre.
Sans doute que je l'ai appris moi aussi avec les gens que j'ai côtoyés, des gens d'Eglise, mais qui avaient une autre vision que celle d'une Église qui s'impose, qui dirige, qui commande, qui ne commence pas par laisser vivre les gens pour les rejoindre ensuite dans ce qu'ils vivent, là où ils sont. Finalement, les gens viendront vers vous, parce que vous allez vers eux. Ce n'est pas : "Venez à l'église !", c'est : "Nous sommes là, je suis là pour vous." Pour moi, ceci est capital, c'est ce qui m'a guidé.

Et c'est là (en étant aumônier d'une place d'armes) que j'ai vu le tournant. A travers ces jeunes. Quand il y a eu la crise du pétrole, j'ai vu des jeunes qui n'agissaient plus du tout pour changer quelque chose, mais qui commençaient à se dire : "Je sauve ma peau. Je dois sauver ma place". Ce n'était plus le collectif, c'était chacun pour soi. Je pense que ces années de crise ont été déterminantes, la société s'est éloignée de ces idéaux de construction d'un monde solidaire, de l'importance de construire quelque chose collectivement. C'était "Chacun pour soi, moi je regarde ce que je dois sauver. Débrouille-toi !" II n'y avait plus cette cohésion, cet ensemble. C'est alors que je me suis dit: «Voila un monde qui devient égoïste ou, plutôt, qui a peur. Qui a peur de l'avenir. Il faut se prémunir, il faut assurer son avenir et ce n'est pas facile. » Le repli sur soi, c'est dans les écoles de recrues que je l'ai observé en premier.

Fidele à son credo d'aller rejoindre les femmes et les hommes là où elles et ils sont, nous retrouvons l'abbé Guy Oberson sur ces chemins de montagne, loin des églises, où se manifeste aujourd'hui une nouvelle forme de spiritualité. Lors d'une interview à ce sujet en 2015, il a ces mots : "La montagne est l'endroit que Dieu choisit pour parler à I'homme, car c'est là qu'il est le plus réceptif. Pa mi les plus connus, il ya le sermon sur la montagne ou la remise des Tables de la Loi à Moise. " Associant son amour pour les sommets et sa lutte pour le respect de l'être humain, il avait conçu son message autour d'une louange à la montagne, cette "terre de liberté, loin de toutes les formes modernes d'esclavage." (La Gruyère, 21 juillet 2015 )

Derrière tant de 'faits de vie", il y a le don de soi d'un vrai "ministre de l'Evangile."
Celui qui fréquente Jésus de Nazareth et sa parole.
Celui qui aime les gens et les respecte tous, tels qu'ils sont.
Celui qui, en Eglise, fait grande confiance aux laïcs, hommes et femmes.
Celui qui pratique, mais sans exclusive, la préférence des plus pauvres, les oubliés de l'Histoire.
Celui qui trouve sa joie dans son service de bon ouvrier de l'Esprit. En toute humilité.
Et, dans ce livre, celui qui partage la "révision de sa vie", en toute sincérité.
(dans la préface de Claude Ducarroz)