Enfant singulier et solitaire, élevé par une mère maladroite, étouffante, malmené par ses camarades de classe, Lulu trouve refuge sur le littoral. Tour à tour naturaliste, collectionneur, chercheur de bouteilles, ramasseur de déchets, il fera l'expérience de la nature jusqu'à faire corps avec elle.
Conte initiatique et poétique, Lulu, premier roman de Léna Paul-Le Garrec, interroge notre rapport à la liberté et à la nature.
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Je me suis construit sur un vide, mes fondations sont creuses, suspendues dans un néant. Nous ne sommes pas seulement nos mémoires, nous sommes aussi nos oublis, les trous de notre mémoire, nos absences, nos comblements, la fiction de ces comblements.
La vérité, avons-nous envie d'elle, besoin d'elle. Je ne crois pas. Il n'y a qu'une vérité, celle que l'on s'invente, chaque jour.
Oui, je sais qu'il ne s'agit pas d'animaux marins, mais l'océan est le réceptacle de la vie et j'ai l'espoir insensé d'un miracle. Je ferme fort les yeux et présage qu'ils se retrouvent tous dans un abyssal éden festoyant ensemble. La sardine trinque avec l'hippocampe, l'abeille danse aux bras du poulpe, la mouette rit avec l’étrille.
Surtout, je n'aime pas parler pour ne rien dire, d'ailleurs cela me fascine et me fascinera toujours, tous ces gens qui parviennent à alimenter des conversations creuses qui remplissent l'atmosphère de leurs bruits. Est-ce pour se rassurer qu'ils peuplent l'espace? Leurs vies sont-elles aussi vides que leurs discussions? Est-ce moi qui ne maîtrise pas les codes de la bienséance à toute épreuve?
Avec la nature, communiquer est tellement plus simple qu'avec les hommes.
Une langue ancestrale sans paroles.
Maman me protège de tout, même de son amour.
Lucien aura peut-être envie de savoir. Il ne vous interroge pas verbalement, mais il se demande, ou se demandera, qui il est. On ne naît pas nu, on hérite d’une mémoire souterraine, on s’emmaillote d’une mythologie. p. 165
On ne se souvient pas toujours de ses premières fois, elles ne marquent pas toutes. Les premières fois ne sont pas toujours les meilleures, elles peuvent aussi être les pires, les plus fades, les plus médiocres. Ce dont on se souvient, c'est de la première intensité, de la première fois où submerge l'émoi. Nos sens envahissent notre mémoire, la travestissent.
Silence. Un silence profond, un silence qui ensevelit en un claquement de mots la pitié et le dégoût. Un silence de honte.
( p 73)
Comme pour detourner leur attention, la maitresse suggère d'installer un aquarium. L'exaltation de la classe est aussi grande que ma consternation. Enfermer la nature vivante dans un espace aussi exigu. L'hérésie se poursuit jusqu'au choix du contenu. Rouge, j'ai entendu rouge. Un poisson rouge, l'océan réduit à un objet de kermesse. Ridicule.
On ne se souvient pas toujours de ses premières fois, elles ne marquent pas toutes. Les premières fois ne sont pas toujours les meilleures, elles peuvent aussi être les pires, les plus fades, les plus médiocres. Ce dont on se souvient, c’est de la première intensité, de la première fois où submerge l’émoi. Nos sens envahissent notre mémoire, la travestissent.
Cette première fois là n’est pas la meilleure. La plage va me réserver bien d’autres moments de joie.
Ce qui compte ce n’est pas la première fois. Ce sont les suivantes, bien plus tard, après, lorsque arrive l’habitude. C’est l’émotion qui surgit alors qui est la plus belle, la plus pure, la plus réelle. En dehors des artifices de la passion.
Ça commence comme ça. L’hiver, sur la plage.
Ça ne peut pas commencer autrement.
La jeunesse du regard voit la beauté partout, même là où la norme nous dit qu’elle n’est pas.