La torche de résine
portée à bras d’homme
ouvrant la marche
dans la nuit du marronnage
n’a jamais cessé
à dire
vrai
d’être
ce flambeau
transmis d’âge en âge
et que chacun
se fit fort de rallumer
en souvenir de tant et tant de souvenirs.
Si souvent mon sentiment de race m’effraie
autant qu’un chien aboyant la nuit
une mort prochaine
quelconque
je me sens prêt à écumer toujours de rage
contre ce qui m’entoure
contre ce qui m’empêche
à jamais d’être
un homme
Et rien
rien ne saurait autant calmer ma haine
qu’une belle mare
de sang
faite
de ces coutelas tranchants
qui mettent à nu
les mornes à rhum
— TU ÉTAlS AU BAR
et moi
— parmi d'autres —
à même la piste enduite
et patinée de steps
de stomps
de Slows
de songs
de sons
de blues
Et de la table où un Blanc à lunettes
s'ennuyait à lire un journal son joumal
je Le regardais boire un Canadian Club
Fasciné peut-être
soudain ton regard
affronta le mien mais de toi ou de moi qui déjà n’étions
qu‘un seul beau désir insatisfait
je ne sais plus lequel
vint alu-devant de l’Autre
alors que l‘orchestre scandait
Esclavo soy
Je ne sais plus lequel
Et ce fut le vertige
Accrochée à tes pas
accrochée à tes yeux
accrochée à ton âme
je me laissais aller
au rythme de ton âme
Trêve de blues
de martèlements de piano
de trompette bouchée
de folie claquant des pieds
à la satisfaction du rythme
Trêve de séances à tant le swing
autour de rings
qu‘énervent
des cris de fauves
Trêve de lâchage
de léchage
de lèche
et
d’une attitude
d'hyperassimilés
Trêve d‘un instant
d’une vie de bon enfant
et de désirs
et de besoins
et d‘égoïsmes
Particuliers
Les jours eux-mêmes
ont pris la forme
des masques africains
indifférents
à toute profanation
de chaux vive
qu’encense
un piano
répétant la rengaine
d’un clair de lune à soupirs
tout format
dans les halliers
gondoles
et cætera
Quand sur le tard
quand sur le tard mes yeux
mes yeux se brideront
Quand sur le tard
quand sur le tard j’aurai
de faux yeux de Chinois
Quand sur le tard
quand sur le tard
tout m’aura laissé
tout m’aura laissé jusqu’à la théorie
jusqu’à la théorie choir
Quand sur le tard
quand sur le tard
suivra la pente
suivra la pente le bâton
qui soutient les vieux corps
M’achèterez-vous
m’achèterez—vous dites
des fleurs
que sais-je
pour qu’au bistrot de l’angle
pour qu’au bistrot de l’angle
j’aille
ranimer l’âtre
d’un grand verre de bordeaux
Retenez bien ceci
je n'étais pas né
que déjà les fauves de tout poil donnant la chasse à l'homme
emplissaient de leurs cris
le néant de mes nuits au néon à naître
Mort au Maître de l’École
et vivent
vivent les rebelles
les réfractaires
les culs-terreux
les insoumis
les vagabonds
les bons absents
les propres à rien
Et vive
vivent la racaille
la canaille
la valetaille
la négraille
Et vivent
vivent les fous
vivent les poux
vivent les cancres
Vivent les chancres