AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de claudine42


Celle qui fut ma mère à une époque attendait là où elle l'avait dit. Assise à une petite table en fer forgé à la terrasse d'un café fréquenté.
Je l'observais depuis le trottoir d'en face, caché dans l'ombre d'un pas de porte. Je m'exhortais à y aller. Mais mes jambes refusaient encore de bouger. Planté là, je regardais, je sentais quelque chose de pesant et dur grandir dans ma poitrine.
La première fois que j'avais appelé, elle m'avait raccroché au nez.. La deuxième, elle m'avait accusé de lui jouer un tour cruel. Ensuite, elle avait fondu en larmes et ça m'avait bouleversé à tel point que je lui avait raccroché au nez .
La troisième fois, je m'étais mieux contrôlé. Je n'en avais pas fait des tonnes. Je détenais des informations sur son fils disparu. Je voulais la rencontrer. Je pensais pouvoir l'aider.
Je ne sais pas pourquoi j'ai présenté les choses comme ça. Pourquoi je n'ai pas tout simplement dit que j'étais son petit garçon. Que j'avais été enlevé dans mon lit alors que j'étais trop jeune pour me sauver moi-même. Qu'au cours des dix dernières années, j'avais survécu à des atrocités indescriptibles. Mais que j'avais grandi. Que le Burgerman (le pédophile) ne voulait plus de moi. Peut être que je pouvais rentrer à la maison. Peut être que je pouvais redevenir son petit garçon.
J'aurais voulu lui dire ça. J'aurais voulu voir le sourire dont je me souvenais, celui de mon sixième anniversaire, quand elle m'avait conduit au garage où trônait un vélo Huffy tout neuf surmonté d'un gros noeud rouge. J'aurais voulu la regarder rejeter ses longs cheveux bruns en arrière comme elle le faisait quand elle se penchait pour m'aider à faire mes devoirs. J'aurais voulu me blottir contre elle sue le canapé, la tête sur son épaule tandis que nous regardions K2000 à la télé. J'aurais voulu avoir de nouveau neuf ans. Mais ce n'était pas le cas.
J'ai surpris mon reflet dans la vitrine du magasin. Mes yeux enfoncés, mes joues creuses, mes cheveux hirsutes. J'avais l'air d'un voyou, le genre de gamin que les agents de sécurité ne lâchent pas d'une semelle dans les centres commerciaux, le genre avec qui les parents n'aiment pas que leur fils traîne. Je ne voyais pas l'empreinte des traits de ma mère sur les miens ; je voyais le Bugerman.
Sur le trottoir d'en face, ma mère s'agitait sans cesse, tournait et retournait une bague à sa main droite. Elle jetait sans arrêt des coups d'oeil par-dessus son épaule gauche comme pour guetter mon arrivée.
Et soudain, j'ai compris. Ce n'était pas moi qu'elle cherchait. Elle se concertait avec quelqu'un d'autre.
On ne peut jamais rentrer chez soi. Un garçon élévé par les loups n'aura un jour plus que du loup en lui.
Et l'amour d'une mère peut brûler.

J'ai été bouleversée par cette citation, c'est pourquoi j'ai voulu vous la faire partager.
Commenter  J’apprécie          30





Ont apprécié cette citation (3)voir plus




{* *}