Un amour infini .comme l'imagination, qui devait grandir avec la possession, auquel la vie n'a pu suffire ; qui, si la pensée humaine ne s'éteint pas avec la lumière du jour, possède sa grande âme au sein des mondes, avait répandu sur son adolescence tous les charmes d'un empire idéal.
Ni l'un ni l'autre, ce combattant de l'art pour l'humanité, un de ceux-là de qui Schiller a dit : « Il a vécu en citoyen des âges futurs, » et qui, dans l'orgueil nécessaire à son oeuvre, ne daigna -pas plus être le courtisan des rois que l'idole des papes. A cette oeuvre à part lui-même avait assigné une place à part dans la mémoire des hommes. Lorsqu'il passait inconnu dans les rues d'Anvers, alors déjà il voulait faire porter par la gloire le nom d'un misérable ouvrier dinantais. Il voulait être lui et savait déjà que, si les dieux lui prêtaient vie, il serait Antoine Wiertz.
Voici, en quelques traits, ce que la tradition rapportait, dès l'année 1828, dans la ville natale de l'artiste. Tout enfant, il avait dit à sa mère qu'il voudrait être roi. Et la bonne femme, assise à son rouet, lui demandant avec surprise pourquoi un tel voeu, et si c'était pour faire la guerre : « Pour devenir un grand peintre, » avait-il répliqué vivement. Un jour, lorsqu'on lui demandera pourquoi il refuse une médaille d'honneur accordée par le roi à Patrocle, il répondra : « Parce que le roi n'est pas Michel-Ange. »