À l’école
on n’apprend pas à lire
les visages
leurs broussailles secrètes
à conjuguer
lueurs et vertiges
la peau
gravée
sans qu’on le sache
d’une peine plus grande
que nature
On n’apprend pas
la géographie du silence
plus amère
que la langue du temps
qui passe
sans que les visages
dans leur tanière
puissent respirer
d’avoir été nommés
du nom précis de leur attente
Les questions sont encore des oiseaux
elles rêvent des pays
où le soleil
ne se cache pas
derrière les mots
où la nuit
respire
du souffle des fées
Mes questions se brisent
au mur de l’impatience
à la vérité tavelée
se parent
d’une lassitude contagieuse
que nul mot
ne peut guérir
Il faut tant de temps
de patience
pour survivre
au rêve brisé d’une autre
Des miettes d’amour
sur la peau
je marche
au rythme d’une seule pensée :
À quel moment ma chute
a commencé
À pas comptés, le temps
rumine
écueils et rivages
Quelle est cette langueur
qui m’accompagne
cette chaleur perdue
Mon sang s’écoule
raz-de-marée dans le silence
Trop près des autres
j’écoute l’écho des pas
Mon indifférence est feinte
J’appelle l’amour sans conditions
la nuit escale
où jeter le peu de mon corps
Je suis fidèle
à la loi des mots
qui se greffent à mon corps
comme une sépulture
d’avant le temps
Je me méfie, ô combien
de cette langue triste
brumeuse et inquiétante
des pays
où je n’ai pas dormi
La mémoire existe-t-elle hors de ce chemin…
La mémoire existe-t-elle hors de ce chemin ombré
d’arbres et de murmures ?
Comme lucioles au fond des bois éclairent la folle nuit.
Cette folie a un nom, un seul. Penser à toi est déjà te
perdre.
Te chercher, puisque tu n’existais pas, ailleurs que
dans ce mystère.
Des vagues grondent, je remonte les mers sans te
voir.
Tu dors, petit crabe aux yeux de sable.
N’avoir plus le droit à l’émoi. Le craindre, l’appeler sans voix, l’inventer timidement.
Le pleurer sans relâche. Puisqu’il n’éclaire que lui-même.
Entrer dans le souvenir par la porte dérobée.
La voix viendra-t-elle désenfiler la peur de perdre?
Quelle heure est-il? Ai-je dit un mot de trop?
Quelle est cette inquiétude qui ne tient à rien, qui épouse tous les miroirs?
L’histoire a-t-elle refusé sa fin?
La nuit, seulement, je peux la lire et pleurer d’avance l’agonie qu’elle avance.
Des mots qui plongent dans les remous, qui sont des remous.
Preuve tangible de ton obscur pouvoir. Si obscur qu’il était ignoré, même de moi.
Qui aime consent à la perte du temps. À la tyrannie des mots enroulés comme suaire.
Heure après heure, je compte hallucinée les visages qui ne sont pas le tien.
Ne le seront jamais,
Comme si cela n’avait pas de fin : cette lumière qui fuit, s’éteint et prive l’amour de son chemin.