On vit dans le chaos, 900 ! Tu t'attends à quoi ? À vivre une histoire sans encombre ? Tu ne peux pas ! C'est impossible ! Si tu attends que tout rentre dans l'ordre pour profiter de sa présence, tu feras la même erreur que moi ! Tu le perdras en réalisant tout ce que tu as manqué ! Tous les moments que tu as laissé filer ! Tout ce que tu as perdu ! Tout ça pour quoi ? Pour attendre le bon moment ? Ce ne sera jamais le bon moment !
Nous ne vivons qu'entre femmes, nous n'avons jamais vu d'hommes. Nous savons qu'ils existent et qu'ils sont les cinq cents survivants qui nous précèdent, mais il a toujours été défendu d'entrer en contact avec eux.
J'admire les lâches, tu sais. C'est la preuve de l'égoïsme le plus assumé. Il n'y a pas plus honnête qu'un lâche.
Je mémorise tout, encore une fois. Car je prends conscience que la fin est peut-être proche. Pas la mort cette fois, mais la fin de cette vie. La fin de cette vie avec lui, avec eux. De cette réinsertion, cette imposture qui n'aura finalement jamais été aussi réelle que n'importe quelle vérité. Car même si cette vie n'est pas la nôtre, même si elle est basée sur un horrible mensonge, tout ce qui est sorti de chacun de nous n'est que pure vérité. Une sincérité brutale, une profondeur violente. Car tout ce que nous avons ressenti venait du plus profond de nous, de ce que nous avions de plus authentique. La vérité de la mort, la vérité de la survie, la vérité de la haine, la vérité de l'amour. Mon amour pour Ugo, plus réel, plus tangible, plus véridique, plus profond que n'importe quel amour.
Car c'est un amour né du pire, un amour qui a survécu à tout.
- Il y a au moins une chose positive dans cette réinsertion.
Camélia nous regarde tous, une lueur tendre dans les yeux.
- C’est que j’ai trouvé une famille
À ces mots, chacun de nous esquisse un sourire.
- Moi aussi, souffle Simon. Vous êtes ma famille.
La ponctualité est une des règles de savoir-vivre qu'il ne faut jamais négliger.
Il est parfois difficile de concevoir la beauté dans l'étrange. Bien des hommes trouvent son austérité sublime. Moi le premier.
Et tu sais, Shaï, lors d'une guerre ne meurent que les héros et ne survivent que les lâches.
Mon coeur loupe un battement, alors que je prononce ces mots qui sonnent tellement faux, alors qu'ils sont sincères :
- Je vous déteste
Noone reste un long moment silencieux, avant de soupirer, fort, et de murmurer :
"Moi aussi... Shaï. Moi aussi."
Le Conseil m'a contactée il y a quelques jours. La réinsertion a été un échec. Bien entendu, nous y mettrons un terme d'ici un mois environ. Les membres des générations n'ont pas trouvé d'entente, il faudra les éliminer un par un.