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Critiques de Magali Collet (649)
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Les yeux d'Iris

On dit souvent à ses amis qu'ils peuvent tout nous demander. Et si l'un d'eux le faisait, jusqu'où irais-tu pour respecter ta promesse ? Ce dilemme est le point de départ de cet énergique thriller, réunissant trois amis, deux femmes et un homme, liés par un pacte qu'un seul n'a pas oublié, obsédé par lui, ne vivant que pour mettre en oeuvre sa vengeance.



Magali Collet a un réel talent pour immerger le lecteur dans un récit addictif. Dès les premières lignes, on sent poindre la tragédie à venir se mettre en place sur les cendres des tragédies du passé, habilement révélées par des flashbacks bien dosés. On sent à quel point les traumatismes hantent, rongent, que les personnages aient cherché à enfouir leurs souvenirs les plus terribles pour ne pas être submergé par la culpabilité, ou qu'ils aient au contraire appris à vivre avec au quotidien, quitte à gratter les plaies pour qu'elles continuent à suppurer afin de ne jamais oublier ni pardonner.



Les thématiques abordées sont dures ( viol, suicide, dépression ). L'auteure s'en empare sans filtre. Certaines scènes sont très crues dans la violence décrite, elles ne conviendront pas à tous les lecteurs. Mais elle le fait avec une honnêteté louable et en laissant une large place à la psychologie des personnages, victimes comme bourreaux, tous englués dans un climat malsain qui se tend de plus en plus.



Forcément, dans ce genre de thriller qui cherche à remuer des émotions aussi intenses, le lecteur se pose énormément de questions sur ce qu'il aurait fait, lui, dans une telle situation. Je n'ai absolument pas réussi à trouver une réponse en moi. Sans doute parce que j'ai manqué d'empathie pour les personnages, même les victimes, tant Magali Collet réussit à les décrire dans toute leur complexité, avec leurs failles. Je les ai accompagnés mais en surplomb.



J'ai beau savoir à quel point la psyché d'un être dévasté par un traumatisme peut s'exprimer de façon totalement extrême. J'ai été heurtée, dérangée même, par les comportements de deux personnages, notamment un. Non parce leurs actes étaient dérangeants et hors des cadres habituels de la ligne Bien / Mal, non parce qu'ils sont invraisemblables en tant que tels, mais parce que je les ai trouvés inconcevables : je n'ai pas réussi à me dire qu'ayant vécu tel traumatisme, on pouvait concevoir un plan de vengeance aussi machiavélique et s'infliger une telle violence juste pour l'assouvir.



Reste un très beau titre à laquelle le récit fait très subtilement référence à plusieurs reprises. Là, j'ai compris et à chaque fois qu'on parlait des yeux d'Iris, quelque chose se nouait dans mon ventre.
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L’auteure s’intéresse ici aux répercussions des drames et traumas sur un enfant. Elle explique dans « Notes de l’auteur » « qu’on ne peut parler de sociopathie ou de psychopathie avant 18 ans. »

Alors comment comprendre son livre où il y est question de la monstruosité d’une gamine de 10 ans ?



Lalie vit de plein fouet la séparation brutale de ses parents. Son père a délaissé sa mère pour sa jeune maîtresse enceinte de lui. Sa mère ne s’en remet pas et voue une colère sans fond à cette jeune femme, Ségolène.

Les parents sont tous deux défaillants en ne communiquant pas avec leur fille, en ne la préservant pas de leurs griefs. La petite qui semble avoir une intelligence hors pair, en voyant son univers partir en fumée va se muer petit à petit en véritable monstre sans pitié aucune.



Vous avez la belle-mère prénommée la pute (mot qui revient à tout bout de champ). Je vous livre ce passage exquis et si raffiné : «Mon père, il est à nous ! Pas à la pute ni au demi-pute. Le demi-pute, c’est Malo.  C’est simple : comme sa mère est une pute, lui, il l’est à moitié. C’est un demi-pute parce que c’est un garçon. »

Magnifique n’est ce pas ! Si ce passage vous parle, vous allez raffoler de ce livre.



Après la belle-mère, vous avez le camarade de classe bouc émissaire, des nouveaux-nés qui pleurent beaucoup, des petits chatons tous mignons et un chiot qu’on va offrir comme cadeau de noël à la Lalie. Tous les clichés y sont il me semble, inutile de vous faire un dessin, cette peste de Lalie ne surclasse pas les codes de la banalité ras des pâquerettes.



Vous rajoutez des parents aveugles et obnubilés par leur petit ego, vous obtenez un thriller qui se lit d’une traite car, pas bien épais, mais qui fera hausser les sourcils aux amateurs du genre qui s’attendraient à une histoire qui sort du lot.



Rien de neuf par ici, ça sent le roussi, la série B et Chucky la poupée qui tue, je ne sais pas vous mais moi je trouve que c’est passé de mode. À bon entendeur.
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J’ai toujours trouvé que les petites filles modèles du genre parfaites, polies, serviables, tirées à quatre épingles étaient super flippantes ! Tout ça est trop lisse pour être vrai, quand on se montre aussi parfait c’est qu’on a un énorme truc à cacher ! D’ailleurs souvent ces mioches sont des amours avec les adultes et des pestes avec les autres enfants. C’est comme les petites mamies gâteaux ! Toujours s’en méfier.



J’étais donc sur mes gardes quand j’ai croisé cette fameuse Eulalie que tout le monde appelle Lalie. Rassurez vous je ne divulgue rien dès les premières lignes on sent bien que quelque chose cloche avec cette gamine dont on n’a vraiment, vraiment, pas envie de s’approcher !



Mais voilà c’est un peu le problème. Le rejet envers cette gamine par le lecteur est immédiat et très fort. Quel dommage ! J’aurais préféré que l’autrice nous la fasse aimer cette mioche avant de retourner le lecteur comme une crêpe en dévoilant son vrai visage. Parce que là et bien je n’ai pas compris comment les adultes pouvaient se faire avoir si facilement. Elle commet quand même quelques erreurs qui auraient dû lui causer de sérieux ennuis et la mettre bien plus en difficulté. Ce qui aurait d’ailleurs accru la tension. Autrement dit si la gamine est crédible et le personnage bien construit les adultes eux laissent à désirer et sont un peu fades. Moi qui aime les personnages qui déménagent et qui ont du caractère je dois avouer que je n’ai pas eu ma dose. Les adultes se posent tous en victime !



J’en fini avec les bémols en disant que le tout est assez classique ce qui fait que le lecteur un peu habitué du genre devine facilement ce qui va se passer. La catastrophe arrive et c’est sans surprise. Ou alors moi aussi je suis une psychopathe et tout ça me semble donc d’une évidence limpide ; à vous de voir.



Toutefois ceux qui n’ont pas l’habitude du genre pourraient bien y trouver leur compte. D’autant que le livre se lit vite et la plume n’est pas désagréable. Nous sommes la plupart du temps dans la tête de Lalie et c’est plutôt bien fait. Il n’y a pas de longueur ni d’ennui juste un manque de piment, d’angoisse, de tension, pour les lecteurs dans mon genre. La copine qui me l’a prêté a adoré. Erreur de casting donc en ce qui me concerne.



Pas pour les amateurs de montagnes russes mais peut convenir aux amateurs de trains fantômes.

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Elle est très jolie, extrêmement intelligente, et facile à vivre, ne pose aucun problème à ses parents Carmen et Julien. Bien sûr sa maîtresse de CM2 l'adore, et comme elle est si brillante, elle lui a confié le soin de "tutorer" Andy, qui est un peu à la traîne, le pauvre. Entre "tutorer" et "torturer", il n'y a qu'un "r" de plus...mais laissons cela pour l'instant.

Dans la vie idyllique de la petite Lalie, un grain de sable nommé Ségolène va bientôt se glisser et mettre en branle des mécanismes insoupçonnés. Parce que Ségolène, c'est une jeune collègue de Julien et de Carmen (tout ce petit monde est prof dans le même établissement), qui va devenir la maîtresse du papa de Lalie. Et le hasard (ou pas ?), va faire que la fillette va bientôt avoir la joie (ou pas ?) de se retrouver doublement grande soeur, d'un côté Charles, le "vrai" petit frère, de l'autre Malo, affectueusement surnommé le "demi-pute", fils de Ségolène et Julien. Ces deux derniers vivent désormais ensemble à Bois-Colombes, où Lalie, comme tout enfant de parents séparés, passe des week-end et la moitié de ses vacances.

Bien évidemment, pour Lalie la pilule est un peu dure à avaler. Non seulement ses parents ne vivent plus ensemble, mais d'un côté comme de l'autre, elle n'est plus l'unique centre d'intérêt, ce qui à ses yeux est absolument inconcevable. Il va donc falloir trouver des solutions pour reconquérir son statut d'enfant exceptionnel et préféré. Et comme elle est très inventive, nous autres lecteurs allons nous régaler !



Comme j'aime beaucoup les histoires d'enfants un peu (ou beaucoup) tordus, j'ai été servie avec cette mini-psychopathe en herbe, mais qui fait le maximum comme mini-mir (référence spéciale pour plus de 50 ans !). Le récit est court, dense, et impossible de décrocher avant la fin. Tantôt c'est Lalie qui s'exprime, prenant soin de corriger ses erreurs de vocabulaire afin de paraître toujours sous son meilleur jour même en commettant les pires forfaits, tantôt l'histoire est raconté sur le mode impersonnel mais du point de vue des adultes, parents, enseignants, compagne de Julien. Les passages narrés par Lalie sont ceux que j'ai préférés, ils sont confondants de froideur et de "naturel", quand elle évoque sa façon de résoudre les problèmes dès lors que quelque chose vient se mettre en travers de sa volonté.

Bien que l'auteur explique en post-face que, selon les spécialistes, on ne parle pas de psychopathies avant l'âge de 18 ans, ceux qui en ont fréquenté beaucoup savent bien que certains enfants sont capables d'une cruauté tout à fait consciente bien avant, et que ce sont souvent des gamin(e)s très intelligents comme la jeune Lalie. Personnellement j'en ai rencontré deux, qui m'ont laissé un souvenir glaçant, surtout que l'un d'entre eux a tenté de se venger d'une sanction que je lui avais infligée (parce qu'il maltraitait un autre enfant, trisomique scolarisé en Ulis), en me faisant perdre mon boulot. J'étais animatrice à l'époque, fort heureusement j'ai réussi à démonter son entreprise de manipulation. Il avait 11 ans...



Bien sûr, quand on lit beaucoup de thrillers psychologiques, on reconnaîtra certaines ficelles, et on anticipera certaines actions. Je sais que cela a été rédhibitoire pour certain(e)s ami(e)s babéliotes, mais moi cela ne m'a pas gênée, je ne m'attendais pas à la lecture du siècle, mais simplement à un bon moment de divertissement. Et ce roman a parfaitement rempli son office, je vais donc continuer à découvrir cette auteure dont j'ai déjà deux ou trois autres livres dans le pense-pas-bête.
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La Cave aux poupées

Premier livre de l’auteure Magali Collet, il a eu le « malheur » de sortir en plein confinement. Comme je vous l’ai annoncé dans un précédent article, je souhaiterais mettre en lumière, à ma petite échelle, ces livres qui ont fait preuve d’une énorme malchance. Car oui il était toujours possible de le commander en ebook mais il faut garder à l’esprit que tout le monde ne dispose pas de liseuse et que certains lecteurs conservent leur préférence pour la version papier.



Vu l’amélioration de la situation, je me suis dit que c’était enfin la bonne période pour m’y plonger et vous en parler.



Manon est une jeune fille de 22 ans qui n’a pas eu une enfance rêvée. Ayant perdu sa mère dès son plus jeune âge, c’est son père qui l’a élevée. Vous me direz que c’est le cas de milliers d’enfants et que cela se passe bien. Effectivement cela peut être le cas, sauf quand votre père est un dangereux tueur et violeur en série de jeunes filles. Manon a toujours grandi éloignée de la civilisation, ne s’évadant que par son poste de télévision. Mais alors qu’elle se lie d’amitié avec une des captives de son père, les choses pourraient peut-être changer.



Si je n’avais pas lu sur la quatrième de couverture qu’il s’agissait du premier livre de Magali Collet, je ne m’en serais pas doutée. En effet, son style d’écriture est très plaisant, fluide et déjà bien travaillé. Elle manie parfaitement les codes du suspens, le dosant savamment au fil des pages et faisant que le lecteur ne peut se détacher du bouquin.



Écrit à la première du singulier, cela nous plonge plus fortement dans le récit de cette Manon, personnage désoeuvré qui ne tombe pas dans le cliché non plus. Cette sobriété qu’a Magali Collet de traiter son huit-clos est bien pensée. Malgré l’horreur de la situation, on s’attache à cette « gamine » asservie et pourtant si forte.



Magali Collet est donc un nom que nous, amateurs de thrillers, devons retenir car sa plume fera partie intégrante de la scène du la littérature noire française dans le futur. C’est indéniable.



Je remercie les éditions Taurnada pour leur confiance.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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La Cave aux poupées



Le Père, il avait vingt-neuf ans quand il a rencontré maman, qui en avait treize.

Elle s'est enfui avec lui dans sa maison, loin de tout.

Il n'y a pas d'âge pour tomber amoureux, j'ai vu ça à la télévision.

Tu peux aimer des personnes qui ont vingt ans de plus que toi, ou vingt ans de moins.

C'est comme ça que ça marche les sentiments.

Moins de deux ans plus tard maman était enceinte et je suis arrivée.

Je m'appelle Manon.



J'ai grandi dans cette demeure isolée. Le Père partait travailler pendant que maman faisait la cuisine, et toutes les autres tâches ménagères.

C'est le rôle des femmes de prendre soin de leur mari et de s'occuper des corvées.

Maman a essayé de m'apprendre à lire et à écrire mais je n'y suis jamais arrivé. Peut-être que je suis trop bête. Elle me racontait des histoires aussi. Elle m'aimait fort.

Parfois le Père la frappait mais elle m'expliquait que c'était normal, son travail était stressant et il fallait bien qu'il se défoule sur quelqu'un.

Je savais que ma famille était un peu différente mais c'était tout ce que je connaissais.

Quand j'ai grandi, le Père a commencé à me regarder autrement. A vouloir me toucher. Ca n'a pas plu du tout à Maman.

Je devais avoir neuf ans quand il m'a monté pour la première fois. Maman s'en est rendu compte et elle lui a hurlé dessus.

Pour la faire taire et lui apprendre la politesse, il l'a encore frappé, quarante-sept fois.

Je ne sais pas lire mais j'aime compter.

Je crois qu'à vingt-deux ans maman était devenue trop vieille pour plaire encore au père.

Cette nuit-là j'ai dormi avec elle pour essayer de réchauffer son corps froid.

Le Père, il l'a enterrée le lendemain.

C'est moi qui suis devenu la femme de la maison à partir de ce moment là. J'ai fait les corvées, je me suis faite monter à chaque fois que le Père il en avait envie. Et quand je faisais quelque chose de mal ou que j'oubliais les règles de la maison je prenais de sacrées raclées.

Mais il me reste quand même quelques dents bien accrochées.



A quatorze ans j'ai accouché d'un petit garçon. Mais pour le Père pas question de le garder alors il a du s'en débarrasser. Ca m'a rendu très triste.

"Il avait tué le bébé parce que dans la vraie vie , on doit pas faire des gosses avec son père. C'est pas humain."

De toute façon je commençais à être un peu trop grande pour le Père, qui préférais monter des pré-adolescentes. Des gamines de douze ans qui de préférence font un peu moins que leur âge, et n'ont pas encore atteint la puberté.

Jamais des garçons par contre.

"Le Père, il n'aimait pas les garçons, même les jeunes. C'était contre nature, qu'il disait."

Il a aménagé deux chambres pour elles dans la cave.

Et quand l'une d'elle se laisse mourir de désespoir, il l'enterre sous le Tilleul et revient peu de temps après avec une nouvelle fille.

C'est moi qui doit leur donner à manger et aussi les laver au début. Avant qu'elles comprennent que c'est dans leur intérêt.

Le père aime qu'elles soient propres, épilées, coiffées et qu'elles sentent bons.

"Est-ce que j'étais un monstre comme ceux dont on parlait des fois à la télé ?"

Et j'avais interdiction de nouer un dialogue avec elles, sinon le Père il se mettait en colère.

Ces filles, c'étaient que des objets de toute façon.

"T'es rien de plus qu'une merde sous ma chaussure."

"Le Père, il disait toujours que j'étais moche et bonne à rien."

J'avais donc plutôt intérêt à obéir si je ne voulais pas prendre de nouveaux coups.



Aujourd'hui j'ai vingt-deux ans. le Père me laisse tranquille puisqu'il a souvent deux filles à sa disposition au sous-sol, qui se laissent faire.

Il aime beaucoup quand même quand elles crient parce qu'elles ont mal.

Maintenant il ne me monte plus que quand elles saignent et sont en âge d'avoir un bébé.

A l'instant où commence mon histoire, il n'y a plus qu'une prisonnière.

La seconde a justement accouché. le Père il a pas encore eu le temps de reboucher les trous près du Tilleul. Alors ça attire les mouches.



* * *



Vous l'aurez compris, La cave aux poupées est un court roman qui n'a rien de très sain, avec lequel on n'a pas le visage qui se fend d'un large sourire à chaque page à moins d'être particulièrement sadique.

Ce n'est pourtant pas non plus un roman glauque qui prend aux tripes et qui cherche à nous écoeurer.

Pas de longues descriptions de torture, pas de détails inutiles.

Ce qu'on ressent avant tout, c'est la peine et la douleur.



Tout est histoire de perspective.

Dans une enquête policière ou avec un narrateur omniscient, beaucoup de lecteurs auraient peut être pensé que Magali Collet allait beaucoup trop loin dans l'horreur et la turpitude, ne cherchant qu'à repousser les limites d'un scénario très similaire avec celui de Cicatrices de Claire Favan, dans lequel un violeur surnommé Twice retient toujours deux victimes à la fois dans sa ferme.

Mais racontée par Manon, la fille de ce "Père" monstrueux dont le prénom ne sera cité qu'une fois comme pour mieux lui enlever toute humanité, le macabre récit de la cave aux poupées prend une toute autre envergure.



Manon est un monstre complice des atrocités commises par un père violeur, pédophile, incestueux et tueur en série.

Mais elle est aussi une victime et cette ambiguïté rend le personnage particulièrement fascinant.

Torturée aussi bien physiquement que psychologiquement depuis son plus jeune âge.

Et malgré ses actes il est impossible de la juger avec sévérité, uniquement avec énormément d'empathie.

C'est encore une enfant mentalement, qui aimerait probablement mieux jouer aux poupées, mais une gamine coincée dans un corps de femme qui n'a jamais eu la possibilité de grandir.

D'apprendre les notions de bien et de mal.

Elle connaît la souffrance, elle se souvient encore de l'amour maternel, mais elle a été privée toute sa vie de repères.

"Le rire, c'est indécent ici."

Elle doit respecter l'autorité et les règles du Père.

Elle ne sait pas que le rôle des femmes dans la société ne consiste pas uniquement à coucher, se faire cogner et faire à manger.

"La bonniche de la maison c'est toi à ce qu'il paraît."



L'auteure a visiblement énormément travaillé sur le vocabulaire avec lequel s'exprime Manon.

Elle n'a certes pas une maîtrise absolue du Bescherelle, elle qui n'a jamais pu être scolarisée.

"Je suis peut-être jamais sortie d'ici mais je connais la vraie vie à la télé."

Mais par les mots qu'elle emploie, par les raisonnements curieux qu'elle peut avoir, Magali Collet nous permet de nous mettre dans sa peau et de penser comme elle.

De la comprendre.

Par exemple le Père ne baise pas, ne viole pas, il monte toujours ses victimes. A l'image d'un étalon montant une jument pour une saillie.

Ce qui minimise le crime tout en donnant au boucher autant d'humanité que les morceaux de viande sur son étal.

Dans chacune de ses paroles on constate qu'elle est formatée, qu'elle fonctionne à l'instinct, à la peur des coups.

Que son sort est scellé. Qu'il n'y a aucun moyen et surtout aucune raison de chercher à fuir.

"Quand on vit dans la merde on finit par lui ressembler quoi qu'on fasse."

Et elle a des failles malgré tout derrière cette carapace quasi bestiale.

Comme son besoin d'amitié, son envie de dialoguer, son désir de maternité.



La cave aux poupées avait tout pour être un livre malsain et dérangeant de plus.

Et il l'est. A ne pas mettre en toutes les mains et âmes sensibles s'abstenir, tout ça tout ça.

Mais je vais aussi en retenir toute la douceur, toute la chaleur.

Ce portrait de Manon qui est conditionnée depuis sa naissance à n'être qu'une victime et un monstre, nous révèle progressivement d'attendrissants vestiges d'humanité.

Qui ont échappé au massacre de sa personnalité.

Et je pense avoir rarement lu un roman aussi noir qui arrive pourtant à emmener tout au long de ses pages un véritable rayon d'espoir.



Mon seul bémol serait lié à mon regard de lecteur policier.

Aussi isolée que soit la maison, il y a forcément une enquête suite aux disparitions répétées de très jeunes adolescentes dans la région, aux profils similaires.

S'il y en a une, le livre ne l'évoque pas. Ca n'est pas son sujet.

Malgré tout, le lecteur sait que le Père part travailler tous les jours de la semaine. C'est donc qu'il a probablement un emploi stable et une adresse connue.

Et de nos jours il peut paraître surprenant qu'un endroit avec de l'électricité soit assez anonyme pour passer entre les mailles des filets du facteur, de l'administration, ou de l'employé d'Enedis qui veut vous forcer à poser un compteur Linky.

Et qui aurait alors aperçu une jeune femme pas tout à fait comme les autres et entendu des hurlements et des appels à l'aide en provenance de la cave.



Ce qui aurait écourté bien trop vite ce roman aussi ignoble que lumineux.



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In vino veritas

Une jolie couverture en rouge et noir, le syndrôme de Stendhal, Le rouge et le noir, In vino veritas, ça m’a donné soif…de lire !



Après cette accroche, ne comptez pas sur moi pour divulgâcher. Le quatrième de couverture suffit amplement sans en dire trop : “Lors d’un vernissage, une galeriste est assassinée. Secrets, mensonges et trahisons vont secouer la quiétude d’une petite commune en plein coeur du vignoble bordelais. Et lorsque deux frères se retrouvent après des années de séparation, la liberté de l’un va dépendre de la détermination de l’autre.”



Un petit polar dans le style des téléfilms policiers français, pas désagréable, écrit à quatre mains.



Des va-et-vient temporels, des sauts de puce d’un personnage à l’autre, du droit au but : des ingrédients qui donnent un vin de table honnête qui descend à fond les ballons, qui égaye le repas sans prétendre être un grand cru, car l’histoire pêche par concision, ellipses, volte-face manquant de crédibilité.



Un bon p’tit rouge manquant un peu de caractère mais qui détend, et…que j’ai bu…hic…lu…d’une traite.



Sur ce, je vais me jeter un dernier coup de soif derrière la cravate !



Et avant d’aller cuver mon vin, je n’oublie pas de dire merci-hic à Babelio pour cet envoi en Masse critique « mauvais genre » et aux Éditions Taurnada.



Santé !
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In vino veritas



In vino Veritas.

Un titre on ne peut mieux choisi pour ce roman co-écrit par Isabelle Villain et Magali Collet.

Quand on boit, on a tendance à parler plus facilement, à se confier. On est désinhibé, la parole est libérée. On avoue des secrets, des bêtises.

On appelle ses amis pour qu'ils viennent nous aider à déplacer le corps d'une adolescente trop longtemps enfermée dans notre cave.



Les gendarmes de Cestas, dans l'agglomération bordelaise, l'ont d'ailleurs bien compris. Lors de chaque interrogatoire, le major Fanny Cipriani et le lieutenant Francis Dupuis organisent de gigantesques apéritifs afin d'inciter les suspects à avouer leurs crimes sans détour. Dans l'euphorie générale, forces de l'ordre, complices, avocats et criminels reconstituent les mobiles, les emplois du temps et les morceaux éparpillés de cadavres autour d'un grand banquet.



Hélas, au cas présent, ça n'est pas aussi simple. Le capitaine Mathias Clavery refuse d'avouer qu'il a tué son épouse Aurélie, et en plus il prétend avoir un gros trou de mémoire au moment du meurtre. Comme c'est pratique ! Ses collègues sont un peu énervés après lui, il boit à l'œil et refuse de jouer le jeu. En plus en buvant un grand cru de château d'Yquem, le plus grand Sauternes, le meilleur vin liquoreux de France et peut-être du monde. 1000 € la bouteille pour s'entendre dire que non, non, je ne me souviens plus, c'est à cause de mon syndrome de Stendahl ( à ne pas confondre avec le syndrome de Stockholm ), je suis atteint d'hypersensibilité à l'art, les plus belles peintures et sculptures provoquent des vertiges et des nausées, de la paranoïa, des absences, des hallucinations et ouin, ouin, ouin.



Ce meurtre a en effet été commis lors de l'inauguration d'une galerie d'art aborigène. Et non, celui-ci n'a rien à voir avec les grottes de Lascaux ou avec des travaux manuels de maternelles. Je vous invite, si comme moi vous n'y connaissez rien, à scanner d'entrée de jeu les QR codes en fin d'ouvrage. Moi qui n'ait pas une fibre artistique très développée, ces tableaux australiens hypnotiques, symétriques, en trompe-l'œil, ont pourtant réussi à me fasciner. Les filets de pêche un peu moins. Ca pourrait vous permettre de mieux vous représenter cette soirée, le coupable se trouvant forcément parmi les 284 notables invités.



Beaucoup de personnes auraient pu en vouloir à Aurélie Clavery. Le nombre de suspects potentiels ne cessera d'augmenter au fil des pages. Les victimes ne sont pas toujours irréprochables même si ici, le châtiment paraît relativement inadapté. Alors pourquoi les gendarmes ne s'acharnent-ils que sur leur propre capitaine ? Parce que de toute façon, c'est toujours le mari. Que son alibi ne vaut rien. Que sa réaction le jour de l'enterrement était plus que suspecte.

Une seule personne reste de son côté envers et contre tout, il s'agit de son frère Augustin. Il est le seul à pouvoir sortir Mathias de là. Et puis, après l'accident, il le lui doit bien.

"Je ferai tout ce que je peux pour le disculper."

Appelé en urgence par sa mère, c'est aussi l'occasion pour lui d'enterrer la hache de guerre avec son imbuvable père pour qui ne compte que la notoriété et la respectabilité du nom, de renouer avec les siens après avoir longtemps vécu en Argentine.

"La réputation de la famille est mise à mal en ce moment. Nous n'avons pas besoin d'un autre scandale."

Comme si chez les Clavery, pour retrouver un fils il fallait toujours perdre l'autre.



Le début de ma lecture a été laborieux. Les premiers chapitres du roman ne m'ont pas subjugué. Trop de personnages, aspect trop policier dont je ne suis plus très friand, et puis pas de grand intérêt non plus pour l'art aborigène ou les vignobles bordelais. Un détail chronologique, peut-être incohérent, me tracassait également. Rien de rédhibitoire non plus, j'ai poursuivi ma lecture et je ne le regrette pas. Le thriller psychologique prend peu à peu le pas sur l'énigme policière, on finit par très bien retenir qui est qui, tant les personnalités que les liens de chaque protagoniste. Beaucoup de rebondissements bien sûr qui offrent toujours de nouvelles perspectives, et les deux derniers tiers du roman m'ont bien davantage captivé. Et tout se tient. Je le précise parce que si comme moi vous avez une impression un peu mitigée au départ ça vaut vraiment le coup de continuer.

Bien sûr c'est un thriller policier, il y a quelques exagérations, mais tous les mystères, toutes nos interrogations trouveront bien des réponses cohérentes.



Habitué des écrits de Magali Collet depuis l'obscure Cave aux poupées, auteure de romans noirs et psychologiques plus que de policiers, j'ai reconnu sa plume mais pas son genre d'histoires, même si on a bien pour mon plus grand bonheur un peu d'amoralité, de folie et de messages forts dans In Vino Veritas. Ayant eu l'occasion de la rencontrer hier à l'acte 3 des forges obscures de Trith-Saint-Léger, toujours aussi accueillante et souriante, je lui ai fait part avec honnêteté de mes impressions autour de cette collaboration littéraire avec Isabelle Villain ( avec laquelle elle avait co-écrit auparavant trois nouvelles parmi lesquelles No limit ou Des cendres en héritage ). Comme pas mal de lecteurs, j'étais curieux de connaître la façon dont s'était déroulée cette complicité littéraire, puisque je la retrouvais partout et nulle part à la fois comparé à ce que je connaissais d'elle. Eh bien rien d'étonnant à cela puisque à partir d'un plan commun elles ont écrit, réécrit, et réécrit encore et encore chacune à leur tour leurs phrases, leurs chapitres, corrigeant, enlevant, ajoutant. L'histoire s'étoffait quant à elle progressivement, jusqu'à ce que leur style se confonde véritablement.



J'ai bu plus que de raison avant de me lancer dans la rédaction de cette petite chronique que je voulais la plus sincère possible. Mais par contre je ne suis pas encore prêt à vous dire où j'étais le 08 mars 2022, le soir du meurtre d'Aurélie.

In vino Veritas

In aqua sanitas

In latrina vomitas



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La Cave aux poupées

« Comme à chaque fois qu’il dépassait les bornes, il s’occupa de moi. Sans tendresse, sans amour, comme on soigne un animal qui nous est utile. »



Non, Manon n’est vraiment pas une fille comme les autres.



Depuis toujours, elle vit coupée du monde, dans une maison isolée, seule avec son père, « Le Père ». Seule ? Pas tout à fait…



Son unique lien avec le monde extérieur lui vient de la télévision. Mais la vie des gens qui la fait rêver dans le poste n’a pas grand-chose à voir avec sa propre existence. De plus, dans la cave de la maison, dans une cellule comparable à celles d’une prison, une adolescente est retenue prisonnière, séquestrée, violentée et régulièrement violée par « Le Père ».



Manon n’a jamais connu autre chose que ce semblant de vie-là, dans l’antre d’un monstre. Un monstre engendre-t-il forcément un monstre ?...





Waow ! Juste Waow. Voilà ce que je me suis dit en refermant ce livre. Sans courses poursuites ni rebondissements à chaque page, Magali Collet construit un redoutable thriller psychologique impossible à lâcher, un thriller d’une brillante noirceur !



Une histoire terrible qui fait froid dans le dos, servie par des personnages crédibles et surtout par une langue qui sonne juste, un ton qui sent le parler vrai. En immersion avec les personnages, on est abasourdi par l’abjection du « Père » qui nous laisse sur le carreau presque sonné par une telle inhumanité.



Magali Collet vous invite à faire un aller-retour en enfer dans La Cave aux poupées, il serait vraiment dommage de passer votre tour…




Lien : https://bouquins-de-poches-e..
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Les yeux d'Iris

Voici mon retour de lecture sur Les yeux d'Iris de Magali Collet.

Un meurtre et un suicide.

Trois hommes. Trois femmes.

Des retrouvailles.

Un pacte.

Tout se paye, même l'amitié.

Les yeux d'Iris est un excellent roman, très noir, comme Magali Collet sait si bien nous écrire.

Nous avons ici des personnages très très forts. Ils ont une personnalité très fouillée, leur comportement fait parfois froid dans le dos et ils sont tous très complexe. Impossible de s'ennuyer avec eux.

Iris et ses yeux sont là, qui veillent, comme un fil rouge..

Car, sans elle, rien ne se déroulerait ainsi..

Parfois, un évènement tragique peut changer le cours de plusieurs vies, comme c'est le cas ici.

Mais impossible de vous en dévoiler plus.

Je me suis souvent demandé où l'autrice allait nous embarquer et à aucun moment je n'ai été déçue.

Il y a de nombreux rebondissements, avec un final qui m'a surprise. Je vous avoue que je ne m'attendait pas une seule seconde à un tel dénouement.

Il faut parfois avoir le cœur bien accroché mais cela ne m'a pas dérangé et j'ai adoré ma lecture.

Les yeux d'Iris est un excellent roman que je vous invite à découvrir si vous apprécier ce genre.

Ma note : un énorme cinq étoiles.
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Les yeux d'Iris

Chronique courte pour ce livre lu dans le cadre d’un jury de prix du polar. Courte, comme souvent quand je n’ai pas aimé…



Les yeux d’Iris a l’apparence d’un thriller, le goût d’un thriller et, a priori, les ingrédients d’un thriller. Mais rien n’a fonctionné pour moi.



Ce retour d’exil irlandais et ces retrouvailles d’un improbable trio des années après ; cette victime de viol choisissant délibérément de vivre avec son bourreau et de continuer à subir ses perversions sexuelles ; ce pacte destiné à venger sur le tard un suicide culpabilisant… La coupe est bien trop pleine !



L’improbabilité des situations, la faible profondeur des personnages et la pauvreté des dialogues ont eu raison de ma lecture (néanmoins poursuivie jusqu’à la fin, comme toujours). Dommage, le thème méritait mieux.

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Comme une image

Comme une image ||246 pages écrit par Magali Collet|Taurnada Éditions (06/10/2022)| Conseillé par @CalouRmn.

Vu du point de vue de la fillette de 10ans ; Lalie qui trouve ses « collègues de travail » beaucoup trop enfantin (j’ai vécu cela aussi !!) . Enfant à haut potentiel intellectuel, premiers amours et premiers drames, les chats font des petits, au secours, on ne peut pas tous les garder !| Charles et Lalie ont une mère, « Carmen » qui se sacrifie pour eux… Même si Lalie demande bien plus d’attention que Charles ! On nous parle d’une école que Lalie réussit les doigts dans le nez..|C’est tout simplement les déboires d’une enfant surdouée.|Mme Ferrat, Andy… Elle se « moque un peu » de lui ses parents pourraient porter plainte, tout cela déduit d’un sentiment de supériorité de sa part…|Lalie a tendance à dire c’est pas parce qu’on a le même sang qu’on s’entend… Elle traite (à 10 ans !) sa nouvelle belle-mère de « pute », car on lui a dit d’employer ce mot. Au final, ça reste une enfant immature, qui a tellement à apprendre… La vrai intelligence, émotionnelle, est de traiter les autres comme on aimerait être traité…|Certains personnages trouvent la mort…|Ce n’est pas tout Rose|Les enfants sont si cruels parfois !!| Lalie questionne la raison d’être de certaines personnes à un enterrement|Comme tout jeune enfant, elle ne connait pas les choses du mensonge et de l’hyprocrisie.|Au finale ce que je pensais être une histoire grandement nombriliste et superficielle, paraît avoir une approche du deuil intéressante et aborder des sujets plus profonds, tels que l’exclusion, le harcèlement, la place des enfants handicapés|Des phrases fortes dans la bouche d’un enfant « Je n’aime pas ma vie »… |Perro le chien a lui aussi un rôle important à jouer ; -)…| Une fin dithyrambique !
Lien : https://linktr.ee/phoenixtcg
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In vino veritas

In vino veritas... Voici une location latine mystérieuse et intrigante... Et si la vérité se cachait effectivement dans le vin comme le suggère le titre de ce roman écrit à quatre mains par Magali Collet et Isabelle Villain publié par Taurnada Editions😉



Fan des romans où il est question d'art et attirée par ce mystérieux titre, j'ai été contente de lire, en ce mois consacré aux louves du polar, un thriller où est évoqué le syndrome de Stendhal, syndrome très particulier provoquant un trouble intense proche du black-out lorsqu'un sujet admire une œuvre d'un artiste ou une toile en particulier. Comme vous pouvez vous en douter, je me suis régalée avec ce thème qui m'a permis d'en apprendre plus sur ce symptôme qui touche généralement des artistes ou des personnes sensibles à l'art. En débutant cette histoire, nous nous retrouvons face à une disparition qui a ébranlé toute une famille. Lors d'un vernissage, une galeriste est retrouvée morte dans son bureau le crâne défoncé. Qui donc pouvait en vouloir à cette femme semblant pétillante et bien sous tous rapports ? Est-ce que ce meurtre a un lien avec les œuvres qu'elle exposait ?



J'ai trouvé que l'écriture à quatre mains de Magali Collet et Isabelle Villain a été très réussie. Sachant que l'exercice peut se révéler difficile, je n'ai ici pas eu l'impression ici de lire un ouvrage écrit à deux plumes. L'écriture s'est révélée très fluide. J'ai apprécié cette impression de mille-feuilles où l'on avance doucement avec à la clef une nouvelle couche où un voile sera levé. Néanmoins, j'ai été contente d'avoir vu juste (pour une fois 😉) sans pour autant avoir eu l'impression que la résolution de l'affaire soit trop simple et évidente.



À plusieurs reprises, le récit m'a soulevé des questions concernant sa crédibilité. J'ai pu en discuter avec Isabelle Villain avec qui j'ai pu avoir un échange très agréable et qui a levé mes doutes. Je tiens à l'en remercier :-)



Si vous souhaitez passer un moment agréable de lecture avec un ouvrage que vous n'arriverez pas à lâcher, je vous conseille de découvrir ce roman.
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Les yeux d'Iris



J'espère n'avoir à convaincre personne ici que la dépression est une vraie maladie, et non un vague mal être qui ne se passe que dans la tête.

Parce que l'esprit en vient à transmettre son malaise à tout le corps.

Je ne parle pas en tant que médecin, je serai bien incapable d'expliquer le procédé chimique qui transmet une tristesse, une déception, un choc émotionnel à tout l'organisme. Comme s'il ajoutait une auto-scarification à une profonde douleur morale.

Je parle comme patient qui, à deux reprises, a eu l'impression de se noyer un peu plus jour après jour. La première fois en raison d'une rupture très difficile et la seconde, je n'en suis même pas sûr, mais je crois que c'est la perte de mon père. J'avais pourtant cru absorber à peu près la violence de la nouvelle et c'est presqu'un an plus tard que la dépression est venue s'installer de façon sournoise, un peu plus présente chaque jour.

Nous ne sommes pas tous égaux face à cette forme de détresse, pas plus qu'aux autres maladies. Selon moi certaines personnes sont bien mieux armées psychologiquement pour pouvoir rebondir sans pour autant être insensibles aux tragédies que la vie leur fait affronter. Ce qui va être traumatisant pour l'un ne le sera pas toujours pour l'autre. Et bien sûr il y a différents degrés et différentes formes dans la maladie.

J'évoquais le côté insidieux parce que dans mon cas, c'était toujours presque imperceptible au début.

Une angoisse qui jour après jour se démultiplie et me paralyse.

Impossible de me concentrer sur quoi que ce soit, de prendre du plaisir, mon esprit est à la dérive. Je peux relire dix fois une même page sans en retenir un mot.

Impossible de me lever : le sommeil représente les seuls moments où je peux m'arrêter de penser.

Aucun appétit, nausées, malaises, migraines, larmes. le corps réellement victime d'un carcan d'anxiété et de détresse.



J'ai toujours fait attention à n'embêter personne avec mes soucis, mais si on me le proposait, je sautais sur l'occasion pour en parler, souvent pendant des heures, souvent avec un coup dans le nez. de rares moments où la gentillesse et la bienveillance de mes interlocuteurs ou le simple fait de vider mon sac me libérait d'un poids. Une brève illusion puisque le lendemain la cruauté du présent reprenait ses droits.Des heures d'impolitesse également, mais ça on ne s'en rend compte qu'avec le recul, où on ne parle égoïstement que de soi.

Lors d'un décès, beaucoup marquent leur soutien en venant à l'église, en envoyant une carte ou un mot de condoléances, une gerbe de fleurs.

Mais chacun a sa vie et son propre lot de problèmes à surmonter, et ne peuvent pas faire beaucoup plus que cette marque de sympathie.

Ce qui est déjà beaucoup.

Mais se distinguent toujours les amis véritables, qui ne sont pas toujours ceux auxquels on aurait pensé en premier lieu.

Ce rôle, j'ai également été amené à l'incarner, étant présent des mois durants pour écouter mes ami(e)s relater leurs souffrances.

Et l'amitié devient viciée. Notre rôle est limité à celui de bouée de sauvetage qui doit toujours être disponible et qui n'a pas voie au chapitre quand il s'agit d'exprimer ses propres préoccupations. Et pour ma part je n'ai jamais tenu la distance. Je voulais bien agir mais je ne devais pas pour autant m'asphyxier avec les souffrances d'une tierce personne, ne pas en être réduit au réceptacle des malheurs d'autrui. Il en allait de mon équilibre déjà vacillant.

Et j'ai fini par disparaître faute de solutions. Pour me protéger.



Morgane et son frère Frédéric vont abandonner leur soeur aînée à son sort un soir de 1990.

Dépressive, elle ne cesse de quémander leur aide.

"Ca ne va pas du tout, j'ai l'impression de ne servir à rien."

Mais ils ne sont pas à sa disposition non plus, particulièrement ce jour là. Le lendemain ils passent tous deux des examens, c'est leur avenir qui se joue. Ils doivent réviser une dernière fois et être en forme le lendemain. En plus ils ignorent ce qui la met dans un tel état. Fred coupera sèchement la communication.

"Prends-toi un médoc, regarde la télé ou va dormir, nous, on a du boulot !"

Le lendemain, Iris, qui avait tant besoin d'une main tendue, se suicidera.

Les yeux d'Iris, leur aînée, sont désormais tous ceux dans lequel se reflète un inquiétant désespoir. Ce sont ceux où brille un tel chagrin que mourir semble préférable.

Ceux d'une amie violée.

"Je suis restée parce que je suis déjà morte. Je suis morte le 24 janvier 2012 peu après minuit dans le souterrain d'une gare."

Peut-être ceux des parents de Frédéric et Morgane qui ont eu un accident de voiture mortel peu après avoir perdu leur fille aînée. Acte délibéré ou pas ? Toujours est-il qu'ils n'ont pas pu l'accepter.

Fred également a eu un immense passage à vide sans que personne ne soit présent pour lui. Rongé par la culpabilité.

"Iris avait détruit leur famille, avait poussé leurs parents vers la mort et avait gâché leur vie à tous."



Magali Collet m'avait ébloui avec son précédent roman, La cave aux poupées, grâce à cette femme, Manon, complice des crimes commis par son père. Coupée de toute réalité, le bien et le mal restaient des notions très obscures, ce qui rendait le personnage fascinant. Et on lui pardonnait le pire parce qu'elle était bien plus une victime qu'un bourreau. Et parce que son géniteur n'avait pas réussi à éteindre toute étincelle de lumière chez elle.

J'étais donc impatient de voir si Magali Collet allait confirmer l'étendue de son talent avec Les yeux d'Iris.



On y retrouve beaucoup de noirceur dans la gravité des sujets abordés : dépression, suicide, viol.

On retrouve également un nombre très limité de personnages, six pour être précis contre trois dans le précédent roman.

Mais La cave aux poupées était un roman poignant, à l'atmosphère irrespirable, dont on ressortait non seulement bouleversé mais aussi plus riche de réflexions, après une lecture aussi éprouvante qu'émouvante.

Les yeux d'Iris est "juste" un thriller. Qui fonctionne, qui se lit bien ( à l'exception des passages musicaux venant casser le rythme ), mais qui est totalement tiré par les cheveux. Aucun des six protagonistes n'est attachant, et si certains sont détestables à souhait, aucun n'a obtenu grâce à mes yeux. Certaibes réactions m'ont paru non seulement exagérées, mais inconcevables.



Bien des années après un pacte dont on ignore tout, deux amies se retrouvent dans une maison dont le luxe n'a d'égal que le mauvais goût.

Morgane, accompagnée de son frère Frédéric, retrouve ainsi Julie, totalement métamorphosée. Non seulement physiquement mais moralement puisqu'elle a épousé un gros porc, Bastien, de toute évidence par cupidité.

"Ce type, elle l'avait en horreur et haïssait tout ce qu'il était et tout ce qu'il représentait."

Et porc est encore un euphémisme pour ce misogyne dont la femme, constamment humiliée, n'a jamais droit à la parole.

"Je dis les choses une fois et tu les fais. Tu as bien compris ou tu veux que je me répète ?"

Je m'interroge encore sur l'intérêt du chapitre montrant Bastien passionné de lecture et las de ce rôle de beauf qu'il doit endosser, rien ne venant jamais contredire son absence de culture ou le dégoût qu'il inspire.

Et le maître des lieux va décider d'inviter un troisième couple : Son patron et meilleur ami Mickaël et sa sublime épouse Audrey.

Tous deux viennent d'avoir un enfant et incarnent presque le bonheur parfait. La solitude pèse parfois sur les épaules d'Audrey mais son mari a beaucoup de mal à concevoir qu'elle puisse délaisser leur enfant pour reprendre le travail, même quelques heures par semaine.



C'est principalement avec les yeux de ... Morgane ( Celui qui a répondu les yeux d'Iris a perdu ) que nous allons vivre et découvrir l'histoire.

"Personne ne me dit rien. Je suis balancée entre mensonges et non-dits par tout le monde."

On voit bien qu'il y a quelque chose de faux dans ce décor, dans ces couples. On évolue dans un brouillard incompréhensible. Tout ce qu'on sait c'est que ces retrouvailles sont le fruit d'une promesse, mais pourquoi maintenant ?

Et puis, comme dans tout thriller qui se respecte, les secrets vont être mis à jour, les masques vont tomber, et avec énormément de tolérance et d'imagination, tout prendra son sens progressivement jusqu'au final assez attendu.



Je ressors donc déçu par cette lecture. Difficile en même temps de passer derrière le dernier chef d'oeuvre de Karine Giebel sans souffrir de la comparaison, elle qui aborde tous ces sujets ( amitié, suicide, désespoir ) avec un supplément d'âme.

Ici je me suis même cru plongé dans un mauvais soap. Parce qu'en réalité Morgane et Julie s'aiment. Quant à Frédéric il est amoureux d'Audrey mais elle n'a d'yeux que pour son mari Mickaël. Et sous ses airs de père de père de bonne famille Mickaël aimerait bien passer du temps tout nu avec Bastien.

Non mais stop, quoi. On n'est pas dans Santa Barbara.

Une impression de gâchis donc, parce qu'en prenant le parti du suspense et des rebondissements je n'ai quasiment rien retrouvé de l'écriture pesante et envoûtante de la cave aux poupées. Alors que les sujets étaient forts et que Magali Collet a le talent pour nous les faire ressentir, c'est à peine si on retient que le viol c'est pas bien et que la dépression peut avoir des effets dévastateurs non seulement sur celui qui la vit, mais aussi par ricochet ou dommage collatéral sur tous ses proches. Et que c'est un mal être parfois tellement ancré que le moindre mot, violent ou rassurant, peut avoir des conséquences insoupçonnées.

C'est aussi un livre qui se lit sans ennui et dont on tourne les pages avec avidité, une partie de la mission demeure donc accomplie.



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In vino veritas

Voici mon retour de lecture sur In vino veritas de Magali Collet et Isabelle Villain.

Lors d'un vernissage, une galeriste est assassinée.

Secrets, mensonges et trahisons vont secouer la quiétude d'une petite commune en plein cœur du vignoble bordelais.

Et lorsque deux frères se retrouvent après des années de séparation, la liberté de l'un va dépendre de la détermination de l'autre.

In vino veritas est un thriller psychologique délicieusement machiavélique.

Une fois de plus la collaboration de Magali Collet et Isabelle Villain est une réussite :) Si vous ne connaissez pas leurs plumes, je vous invite à lire leurs romans, elles sont géniales. Avec elles, on frissonne.. et pas qu'un peu ;)

Une femme est assassinée lors d'un vernissage. Classique..

Sauf que le principal suspect est son mari, qui est gendarme !

L'enquête est diligentée par sa brigade et l'on va de surprises en surprises. En effet, la victime n'est pas si innocente que ça sur certains points. Quand au gendarme.. et s'il avait un motif ?

Rajoutons à ça le frère du suspect qui réapparait soudainement, des secrets de famille..

On mélange de le tout et ça donne un thriller vraiment génial.

J'ai été surprise à de nombreuses reprises. Il y a des tas d'éléments et de détails que je n'avais pas du tout imaginé.

Les autrices sont vraiment très fortes pour nous envoyer sur de mauvaises pistes, c'est bluffant.

Quand à cette fin ! Mais.. cette fin, quoi ! Quel dénouement stupéfiant.

In vino veritas m'a confirmé que je suis devenue fan de Magali Collet et Isabelle VIllain.

J'ai adoré ce roman, que je vous recommande sans aucune hésitation et note cinq étoiles :)
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In vino veritas

Quelle bonne idée ont eu les deux autrices Isabelle Villain et Magali Collet de s’associer afin de nous proposer ce nouveau roman au scénario diabolique.

Un récit qui se déroule dans le Sud Ouest en terre viticole. Ce soir du 8 mars 2022 un drame va se jouer : la mort d’une jeune femme, galeriste spécialisée dans les peintures aborigènes , lors d’une exposition dans ce centre culturel de Cestas.

Alors que tout le gratin régional est présent, son mari Mathias Clavery, capitaine de gendarmerie, ses beaux-parents propriétaires du domaine Clavery et son associé Louis de Béarn, Aurélie Clavery est retrouvée morte en début de soirée dans son bureau, baignant dans une flaque de sang.

Il s’agit sans aucun doute d’un meurtre et Mathias ne pouvant manifestement pas prendre charge l’enquête du fait de sa proximité avec la victime, c’est son second, le lieutenant Dupuis qui dirigera les opérations. Mathias devient alors comme tout autre participant à l’exposition un suspect potentiel avant de se transformer en suspect idéal. A moins que la police comme le lecteur ne fassent tous fausse route. Qui sait ?



C’est un roman qui se déguste sans modération et sans qu’il soit nécessaire de trop le laisser décanter. Nos deux romancières nous laissent effectivement peu de temps pour souffler alors même que chaque personnage se dévoile peu à peu et nous rappelle que la vengeance est un plat qui se mange froid …

Pas de faute de rythme donc mais une batterie de rebondissements minutieusement orchestrée afin que le final reste impossible à deviner comme cette vérité qui semble se rapprocher pour mieux s’écarter subitement. Car nos deux romancières ont de la ressource et un don certain pour entretenir le suspense à moins qu’il ne s’agisse d’un petit plaisir égoïste visant à égarer les lecteurs pour mieux les garder scotchés jusqu’au terme du récit.



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Comme une image

L’auteur a écrit se livre en se demandant comment on devenait sociopathe ou psychopathe. Question sans réponse ! Tous les enfants ne sont-ils pas de petits psychopathes, ce qui expliquent qu’on ne puisse diagnostiquer la psychopathie avant la fin de l’adolescence. Et qui explique que même les adultes qui s’inquiètent pour Lalie fassent presque tous fausse route ! Mais Lalie le dit elle-même, ou plutôt le pense : elle n’a jamais éprouvé ni tristesse ni joie, juste de la colère ou de la satisfaction. Comme une image est un thriller très prenant, glaçant. Pourtant les comportements de Lalie oscillent entre quelques mauvais comportements d’enfants hélas non rares mais ne présageant de rien pour l’avenir, et actes dignes d’un film d’horreur, impossible de dire que la succession des événements contient beaucoup de suspense : le lecteur comprend vite que ça va et que ça ira crescendo. Alors, qu’est-ce qui fait que c’est si réussi ? D’abord, le choix d’un personnage improbable, à la fois HPI (à peine plus de 2 % de la population), et sociopathes (plus fréquent : 4 %) ou psychopathe (bien plus rare : 1 %). C’est donc extrêmement rare de cumuler, pas impossible, mais rassurant, car c’est quand même clair que c’est parce qu’elle observe finement les autres et qu’elle est très intelligente qu’elle arrive si jeune à manipuler les autres (encore qu’elle a tellement de mal à comprendre la tristesse qu’elle fait des erreurs qui font faire des bonds aux adultes quand ils les repèrent). Et puis surtout il y a l’idée, excellente, de confier une bonne partie de la narration à Lalie, à travers ses pensées et raisonnements, sans filtre. C’est très réussi aussi parce que ça pose plus de questions que ça n’apporte de réponses, ce qui met évidemment le lecteur mal à l’aise. Je vais sans doute ajouter quelques livres de Magali Collet dans ma liste de livres à lire !
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In vino veritas

Bonjour Booksta,

Voici « In vino veritas » de

Magali Collet & Isabelle Villain. J’ai adoré ce redoutable thriller psychologique qui nous entraîne dans un vignoble bordelais. Suite à l’assassinat d’une galeriste, démarre une enquête complexe et captivante où mensonges, escroqueries, arnaques et manipulations se succéderont sur fond de découverte d’art arborigène. De multiples rebondissements, suspicions et interrogations sont au rendez-vous. Les personnages sont peu attachants, parfois même très antipathiques mais leur psychologie est finement analysée. Voici une écriture à quatre mains percutante , incisive et qui donne un récit maîtrisé et passionnant. Un excellent thriller à découvrir en urgence !
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Comme une image



Lalie est une petite fille fascinante.

Jolie comme un coeur, dotée un quotient intellectuel plus élevé que celui de celui d'Audrey Fleurot dans HPI, elle est d'ailleurs elle aussi une comédienne née.

Née un 05 octobre, à l'instar de Clive Barker et du front national, elle est aussi curieuse, c'est une grande lectrice, elle s'exprime très ( non ) particulièrement bien pour une enfant de l'âge de neuf ans. Elle entrera au collège l'année d'après ( ça ne se dit pas ) l'année prochaine.

"Lalie est la chouchoute, l'élève que tout le monde aime."

"Elle a toujours été une enfant facile, agréable et sage... comme une image."

Son institutrice l'adore, ses amies également, seul Andy le cas social de sa classe émet quelques réserves. Il faut dire qu'elle prend un malin plaisir à le rabaisser constamment et qu'il est son souffre-douleur.



Cependant, il manque quelque chose à Lalie pour être parfaitement épanouie. Sa cellule familiale a explosé à cause de Ségolène la pute ( je rectifie ) la traînée. Son père Julien a trompé sa mère et a fini par quitter la maison pour vivre avec sa pute. Et quand ( ou lorsque ) il est parti, elle s'est retrouvée grande soeur à deux reprises. Sa mère a accouché de Charles le braillard inutile et son père est aussi devenu père du petit Malo, simultanément, mis au monde par Ségolène.

De quoi bouleverser tous les repères de cette enfant épanouie.

"D'un côté se trouve Lalie l'exemplaire, bien trop sage, si parfaite, et de l'autre, l'enfant sans filtre, pleine de rancoeurs et de souffrances."



Le lecteur se rendra rapidement compte que Lalie n'est pas le petit ange auquel nous aurions pu penser de prime abord.

Mais alors pas du tout.

Gare à tous ceux pour qui elle ne serait pas prioritaire. La présence de ses frères font basculer une partie de l'intérêt de ses parents vers d'autres qu'elle et ça, c'est inacceptable. Elle doit être le centre d'attention quoi qu'il arrive, même si elle doit donner un petit coup de pouce au destin pour bien se faire comprendre.

Et quel pied ( non, trop vulgaire ! ) quel plaisir de découvrir progressivement sous ce visage angélique une froide manipulatrice, parfaitement consciente de la gravité de ses actes et capable de calculer le plus souvent tout ce qu'ils vont impliquer.

Capable de chantage affectif, dénuée de toute émotion, elle sait brouiller les cartes et parvenir à ses fins.

"En fait, le plus souvent, je ne ressens rien. Absolument rien. Je ne suis jamais heureuse, déçue ou triste. "

Du haut de ses dix ans désormais, elle sait comment parvenir à ses fins et diviser pour mieux régner.

Une graine de star ( non ) une graine de psychopathe est en train de révéler ses talents.

Mention spéciale à la fin du roman, particulièrement réussie, où on monte d'un cran dans la perversité.



J'ai toujours beaucoup aimé les romans mettant en scène des enfants perturbés, égocentriques, prêts à tout dès leur plus jeune âge pour arriver à leurs fins. Ou simplement le cheminement d'une enfance erratique qui va les amener à reproduire des schémas qu'ils ont vécu petits. Comme l'explique Magali Collet, si on ne parle pas de sociopathie avant l'âge de dix-huit ans, son origine remonte forcément plus loin, qu'il s'agisse d'un moment charnière de l'enfance, d'un vice d'éducation, ou d'une personnalité prédestinée au pire où la moindre excuse justifiera l'impardonnable.

Les romans de Claire Favan à explorer cette voie sont assez nombreux. Fascinée par les tueurs en série, chacun de ses romans ou presque aborde l'enfance du serial killer, et toutes les failles qui ont pu le pousser à passer à l'acte.

Le seul qui peut se rapprocher de loin de Comme une image serait La chair de sa chair, tant la famille et l'attachement aux parents y jouent des rôles cruciaux. Mais les romans ne se ressemblent pas du tout.



En revanche, même si je sais de source sûre que Magali Collet n'a pas lu Flots de Patrick Senécal avant la rédaction de son livre, les deux romans présentent beaucoup de similitudes et je n'ai jamais pu me détacher totalement de la pépite rédigée par le romancier québecois tant il y avait de détails troublants.

Ils ont tous les deux choisi pour héroïne une petite fille : Florence, huit ans pour Senécal et Lalie, presque dix ans, pour Magali.

Ces personnages ne ressentent rien, sont totalement dépourvus d'émotions. Rien d'anormal en même temps au vu de leur tempérament un tantinet ( non ) particulièrement violent, physiquement et moralement.

Devant leur ambiguïté, leurs parents ou beaux-parents se disputeront quant à l'intervention nécessaire d'un psychologue. Mais évidemment quand on aime son enfant il est inconcevable d'envisager qu'il pourrait avoir un problème.

Les deux fillettes prennent des cours de piano. C'est anecdotique dans Comme une image, beaucoup moins dans Flots, mais c'est une coïncidence de plus.

Mais le plus étrange, ce sont les extraits suivants :

"Et là j'ai encore plus trouvé que ça ressemblait à de l'eau, comme des vagues." ( Patrick Senécal, quand les flots submerge Florence quand elle est contrariée ou a des moments d'absence )

"Je sens la vague monter de plus en plus. Leur tour viendra", "Il faut qu'elle noie tout." ( Magali Collet, qui utilise également la métaphore de la marée montante, mais davantage pour illustrer la colère ou la haine de Lalie ).



Les similitudes s'arrêtent cependant là.

Les deux fillettes ne se ressemblent pas.

Lalie est calculatrice, experte en manipulation, et parfaitement consciente de ses actes. Florence chez Senécal est incapable de distinguer le bien du mal et ses gestes de folie s'expliquent par les mensonges qu'on lui a raconté et son manque de confiance en l'adulte. Et elle regarde des films d'horreur avec sa mère ce que Lalie n'aurait certainement pas pu faire.

L'une s'en prend aux personnes qui lui font du mal, l'autre à ceux qui se mettent au travers ( ça n'est pas ça ) en travers de son chemin.

Le style est très différent, Senécal est un auteur de thrillers dont l'horreur monte crescendo, et sans délaisser la psychologie celle-ci est travaillée différemment par Magali qui nous livre un portrait plus fin. L'horreur n'y est pas absente mais elle est plus fine, et si vous avez aimé La cave aux poupées celui-ci passera tout seul !

Les motivations des deux héroïnes sont différentes également.

Enfin, le style des deux auteurs n'a rien en commun puisque l'auteur de Malphas a choisi pour forme le journal intime en s'efforçant d'écrire avec le langage d'une petite fille tandis que tout le monde a droit au chapitre dans Comme une image et que se confrontent les avis de toute la famille autour de cette petite fille malicieuse, qui pense ( non ) qui réfléchit avec un vocabulaire bien plus adulte reflétant toute son intelligence, toute sa perfidie sous ses airs de ne pas y toucher.



Certaines scènes sont vraiment mémorables, j'ai adoré l'insolence de Lalie, sa façon d'inverser les rôles avec la psychologue, son égocentrisme ( "Comme si Charlot était plus important que mon évaluation !" ), et surtout sa facilité à anticiper les réactions des adultes de son entourage et d'avoir toujours une longueur d'avance.



J'ai vraiment beaucoup aimé cette nouvelle offrande de Magali Collet, après une petite déception l'année dernière.

Son seul défaut au final est de m'avoir rappelé trop souvent le roman Flots qui a été l'un des romans m'ayant cloué sur place en 2021, et même si les points communs sont le fruit du hasard il existent bel et bien et bien que Comme une image soit machiavélique, il ne l'était pas autant que le roman du maître du genre.

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Les yeux d'Iris

« Émotions fortes. Suspense diabolique. Insoutenables moments ! »



Attention à vous, dès que vous aurez ce livre entre les mains vous ne le lâcherez plus. Des fois, vous hésiterez à tourner la page tellement ce thriller vous prend aux trips mais happé par le récit vous continuerez.



Une plume qui accroche, une histoire prenante, des personnages (certain-e-s) attachant-e-s, un rythme très soutenu, voilà ce qui vous attend. Un conseil, respirez profondément avant de plonger dans Les yeux d’Iris. Avant ma recommandation de ce roman, je préviens que des scènes de violences extrêmes sont très détaillées. « Il faudrait du temps pour que la police identifie les femmes qui y figuraient. Il supposait qu’elles étaient vivantes et que, pour la plupart, elles n’avaient pas porté plainte. Beaucoup s’estimaient, à tort, responsables de ce qui leur était arrivé. Il ferait tout pour que sa sœur ne porte pas le poids de cette fausse culpabilité. » (p.240).



Première lecture de cette écrivaine pour moi et cela ne sera pas la dernière. Bravo Magali et merci pour la dédicace lors de notre première rencontre en septembre 2022, au salon du polar « La Cigogne Noire » à Moult-Chicheboville (14) dans le Calvados en Normandie. Au plaisir d’un prochain échange.



Les yeux d’Iris (2021) de Magali COLLET

Taurnada Éditions, collection Le tourbillon des mots
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