Entretien avec Mame-Fatou Niang, Alain Policar et Julien Suaudeau. Dans leurs ouvrages, ils montrent comment l'idéal universaliste a été détourné pour préserver des hiérarchies sociales, mais mérite encore d'être poursuivi. Extrait.
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Notre essai se veut à la fois une critique de la raison pseudo-universaliste et une ébauche de l'universalisme postcolonial, qui doit oeuvrer à une société post-raciste.
L'universalisme de la conscience historique n'est ni une mise en accusation de l' homme blanc, ni une posture victimaire propre à la “génération offensée“, ni une culture de la repentance attachée à l'expiation d'un privilège, ni une concurrence des mémoires.
Un jour de grève, fin mai 1967, la gendarmerie tire sur la foule qui manifeste dans les rues de Pointe-à-Pitre. Les ouvriers du sucre réclament une augmentation de salaire. « Les Nègres reprendront le travail quand ils auront faim », répond le préfet Pierre Bolotte. Quelque temps plus tard, nommé en Seine-Saint-Denis, celui-ci créera la BAC. Des colonies à l'outremer et aux banlieues, I'universel et l'ordre républicain sont les noms politiquement corrects du contrôle social et de la domination. (23)
De tous les empires européen de l'ère moderne, aucun n'a plus que la France occulté la sauvagerie coloniale derrière le voile de sa mission “civilisatrice“: l'universalisme classique est à la fois une fausse monnaie et un instrument de conquête, l'arme du crime et la rivière où on la jette.
Nous formons ici l'hypothèse que ce que les pseudo-universalistes appellent universalisme n’est ni une valeur, ni un principe, ni un concept. Il s'agit d'une arme doctrinale à laquelle on a assigné trois fonctions principales : refouler l’histoire du colonialisme français, maîtriser le roman national et présenter le racisme comme un objet lointain, étranger, obsolète, sans aucune réalité ni actualité dans la France d’aujourd’hui.
La raison pseudo-universaliste n'est autre que la raison coloniale : elle n'est pas l'universalisme comme projet pour l’humanité, mais une idéologie de l’universel au service de la supériorité européenne. Le nier, l'occulter ou l'oublier, c'est entretenir une mise en scène qui pérennise la colonialité dans le monde postcolonial.
En un sens, le pseudo-universalisme peut être analysé comme une forme de négationnisme : nier le crime, donner le beau rôle aux institutions qui en sont les héritières, refuser tout espace d’autonomie, tout pouvoir de décision aux victimes.
Comme le mirage de la méritocratie républicaine cache selon Bourdieu la mécanique de la reproduction sociale, la fiction pseudo-universaliste permet à un nouveau type d'héritiers de maintenir leur monopole sur l’universel. »
Appliqué à la France, où le racisme n'aurait pas d'historicité, l'antiracisme devient une lubie toxique, une maladie infantile de l'intellectuel, de I'universitaire ou de l'artiste. (55)
Nous sommes un peuple postcolonial. C'est la conscience de l’être qui fait défaut.