En cette fin d’après-midi, je décidais d’aller boire un café, en face de la mer, malgré les prévisions météorologiques annoncées. Un temps de marin à ne pas mettre le nez dehors, à moins d’aimer la mer quand elle se démonte et que les vagues chahutent les bateaux et que vous avez cela dans les veines. Je m’étais attablée à la terrasse qui surplombait la plage. On était bien, au café d’Alice, on n’y voyait des familiers, ceux-là mêmes qui venaient depuis l’ouverture. Alice avait toujours un mot pour réconforter nos cœurs fragiles. Toujours un gâteau au cas où l’on passerait à l’improviste. Elle servait le café, le thé, un sachet qu’elle achetait au supermarché. On aurait pu le boire chez soi, mais l’on venait pour sa gentillesse. Pour les loups de mer, il y avait de la bière, parfois un verre de vin pour fêter une grosse prise de poissons entre amis, tout le monde était convié et l’on restait très tard. Quand c’était fini, on s’embrassait, c’était tout simple. Des instants précieux de bonheur.
Elle ne paraissait pas timide et ne perdait pas une minute pour l’embrasser, parfois la situation érotique devenait gênante. Où l’avait-il croisée ? Il ne faisait aucun doute qu’il l’avait rencontrée dans une boite de nuit de Royan. Phils nous n’oubliait, ses mains parcouraient le corps de la fille. Leurs bouches devaient sentir la bière, mais rien ne les dérangeait. Les gens d’à côté les regardaient et jetaient des phrases discrètes du genre : « Tu as vu son âge ? Ou : « Un vieux, il se prend pour un Don Juan ». Cela allait du dégout à la gêne.
Il ne regarde pas, qu’importe, il n’a d’yeux que pour cette jeune femme qui de l’autre côté vient de gagner. Elle est belle, sublime. Brune, aux yeux noisette, des traits d’une grande finesse, des lèvres sensuelles ne désirant qu’a être embrassé. Même, les actrices d’Hollywood n’arrivent pas à sa cheville. Il n’a jamais éprouvé une telle envie de la saisir, de la posséder. Dans sa robe rouge au décolleter provoquant, ses seins se gonflent à chaque respiration. Il regarde et en oublie le jeu.
Elle ne semble pas indifférente à son charme. Ils restent au bar. Ils discutent entre deux verres. Au fur et à mesure, il se rend compte qu’il ne l’a pas rencontré par hasard. Il se demande, même, si tout cela n’est pas un stratagème de sa part. Elle le manipule. Que lui veut-elle ? Fasciné par sa beauté, tel un jouet, il se laisse faire. Elle finit par rompre le charme de la conversation, par se lever avec élégance de son siège. Il la suivit jusqu’à la sortie du casino.
C’est un homme fier, au visage à peine ridé. Grand, mince, il porte des vêtements sportwear et chics. De dos, il parait 15 ans de moins. Il garde la forme, car tous les matins, il court sur le chemin sportif jusqu’à Royan. Le midi, il déjeune « Chez Bob », où, il a une place réservée près du muret de pierre. Depuis cinq ans, il s’attable ici, à midi.
Il lit son journal et jette par-dessus les pages un regard furtif sur cet océan qu’il aime.
Les compères commencent à polémiquer sur ce qu’ils viennent de découvrir. Horrifiés, ils restent pétrifiés ne sachant pas quoi faire. Au-dessus d’eux brillent des milliards d’étoiles. Elles scintillent de mille feux. L’on aperçoit la Grande Ourse dessinant une casserole. L’océan s’assombrit comme un gouffre profond. Le déchirement des vagues résonne sur la côte rocheuse.
Il aimerait jouer de nouveau, mais, il est obsédé par cette beauté surnaturelle. Il la voit. Doucement, il contourne les tables et se dirige vers elle. Il la frôle. Il s’excuse. Il la regarde, encore et encore, jusqu’à se perdre dans son image. Elle vient de gagner. Il la félicite et l’encourage à jouer. Elle se détourne sur lui et lui sourit.
Il lui arrivait fréquemment de changer de fille. Pour dire les choses, elles avaient à peine la majorité. Elle a dû prendre peur et s’évanouir dans la nature. Phils semblait avoir de nombreux secrets, vous savez ! Nous ne le connaissions que depuis cinq ans.
Le soir, en désespoir de cause, ma fille et moi, nous nous jetâmes sur une tablette de chocolat afin d'assouvir nos désirs insatisfaits. Qu'importe, nous nous postâmes devant la télévision.
Le samedi après-midi, je passai voir Alice. Elle était occupée avec un groupe de touristes attablé devant des assiettes pleines.