Historien de l'art spécialiste de Dada, Marc Dachy est l'auteur, entre autres, de plusieurs ouvrages de références sur le sujet. Il est également directeur de collection, fondateur et animateur d'une revue dédiée à la création contemporaine, Luna Park, ou encore traducteur. Son expertise du dadaïsme l'amènera à évoquer le lien que les membres du mouvement entretiennent avec les stupéfiants et les docteurs.
Comme Schwitters, Raoul Hausmann fait partie de ceux pour qui Dada représente plus qu'un mouvement artistique : une "situation de vie, une forme de mobilité interne", qui fait de cet artiste un explorateur de l'abstraction, évoluant de découverte en découverte, des premiers collages aux premiers photomontages, jusqu'aux gouaches de 1965 qu'il appelle "voyous de voyelles".
Tristan Tzara a toujours aimé les petites coupures.
Il faut entendre la chose littéralement : Dada otage des médias ne vous est restitué qu'en petites coupures. la presse ne donne jamais la totalité, mais bribes, caricatures et mensonges. Pas un créateur n'échappe à ce traitement. Dès les premiers instants de Dada à Zurich, la presse indique à Tzara comme un exact thermomètre, la fièvre qu'engendre son mouvement. Il collectionne les petites coupures, comme autant de traces de la bombe à fragmentation Dada. La presse est un instrument de manipulation ? On peut la retourner contre elle-même. Elle joue un rôle de plus en plus central, conservateur, réactionnaire, elle a le pouvoir d'empêcher, non même plus de changer le monde mais de le sauver, elle est donc l'ennemi avec lequel il faudra ruser. Joyce n'est pas loin avec sa devise : " Silence, exil, ruse". Peut-être même s'amusera-t-on quelque peu.
L’œuvre de Duchamp prend donc appui dans le langage en tant qu'élément moteur, laissant les exégètes se perdre en conjonctures sur les enchevêtrements d'allitérations, de signes, de phonèmes, de jeux de mots, telle la présence du prénom de Duchamp dans La MARiée mise à nu par ses CELibataires, même.
Plus encore qu'envers une définition esthétique née avec les premières manifestations de l'abstraction, le Mouvement Dada, en matière de provocation et d'humour, a quelques "dettes" envers de rares précurseurs. N'y en eût-il qu'un, ce serait le poète Arthur Cravan, dont le nom évoque aussitôt défi, fougue, tendresse. Impulsif et attachant, Cravan n'est pas seulement poète mais aussi, à l'en croire - et il faut souvent croire Cravan -, "chevalier d'industrie, marin sur le pacifique, muletier, cueilleur d'oranges en Californie, charmeur de serpents, rat d’hôtel, neveu d'Oscar Wilde, bûcheron dans les forêts géantes, ex-champion de France de boxe, petit fils du chancelier de la reine, cambrioleur, etc., etc.".
Le nom K d e E (Cathédrale de la Misère érotique) est une simple dénomination. Il ne concerne en rien le contenu, ou très peu, mais il partage ce destin avec toutes les dénominations. Par exemple, Dusseldorf n'est plus un village et Schopenhauer n'est pas un ivrogne. On pourrait dire que la K d e E est la mise en forme pure, à quelques exceptions près, de toutes les choses importantes ou non des sept dernières années de ma vie, dans laquelle cependant s'est glissée une certaine expression littéraire. (Schwitters. 1931)
C'est par la littérature que Dada apparaît la première fois grâce à Tsuji Jun et Takahashi Shinkichi. Nul doute que la présence de Bourliouk de 1920 à 1922 n'ait joué un rôle primordial mais Tsuji Jun est aussi l'un des précurseurs japonais avant Dada. Le personnage hors dimension est un écrivain reconnu et un traducteur émérite. Il est passionné par le théâtre et en accointances particulières avec un théâtre d'Asakusa, quartier bien connu de Tokyo, qu'on appelait le Théâtre anarchiste d'Akasuka.