Sur les plateaux de télé, lorsque les sommes gigantesques représentées par leurs ventes d'albums leur sont citées, leurs sourires gênés passent pour de l'humilité. La réalité est qu'ils ne connaissent pas ces chiffres. Ils gardent toujours en tête les difficultés de leurs débuts au Japon, investissement budgétaire que la SM dit monstrueux, pour un succès obtenu seulement en trois années d'efforts acharnés. Ils ne savent pas combien ils gagnent et n'ont que l'impression de ne rien gagner. Ils vivent d'avances sur frais, infantilisés dans une gestion de leur budget personnel qui ne peut être qu'anarchique - ce qui, bien sûr, ne manquera pas de leur être reproché.
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Tour à tour figurant, colporteur ou serveur de restaurant, il travaille la nuit, après avoir chanté et dansé dix heures le jour, abandonne ses études, va jusqu'à donner son sang pour gagner un repas. En gardera une maigreur effrayante pendant des années.
S'il existe une toute petite chance de réussir, à ce stade, il faut juste tenir. Résister, dans une vie monacale où toute notion de loisir disparaît peu à peu, à mesure que s'espacent les contacts avec amis et famille, sous la pression de l'épuisement et du manque de sommeil. Se concentrer seulement sur le fil des progrès hebdomadaires, évalués par les meilleurs des professeurs, certes, mais aux exigences effrayantes. Affronter au quotidien la peur d'être renvoyé, et l'incertitude totale du jour ni même de l'année, où il sera prêt à "débuter". Dans les cabines de chant et les salles de danse de la SM, ils sont plusieurs dizaines à s'entraîner jour et nuit. Le record d'attente est de sept ans. Beaucoup abandonnent bien avant.
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Quinze ans, ce n'est pas si jeune pour démarrer dans le spectacle, c'est-à-dire dans la "Korean Pop", se fondre dans la hallyu, qui signifie "vague déferlante", celle que vont provoquer les tentaculaires maisons de production qui ont choisi de transformer la culture pop coréenne en fer de lance de l'expansion économique, à travers la promotion "culturelle" à bâtons rompus. Subventions gouvernementales à l'appui.
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Être victime d'une infraction ou en être le coupable revient à peu près ici au même. Être victime, c'est n'avoir pas su se défendre, un aveu de faiblesse dont on se passerait. La victime est forcément en partie responsable de la situation dans laquelle elle s'est fourrée, et faillit à la règle de la conformité sociale, toujours et en tout lieu. Sa respectabilité peut en prendre un sérieux coup.
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La déprime bohème n'a pas de place dans l'esprit des jeunes chanteurs coréens, où priment les valeurs de travail - jusqu'à l'épuisement ; la recherche permanente de l'amélioration - mais avec humilité ; la gentillesse - voire la naïveté confondante - et le respect d'un ordonnancement précis de la société. Chacun jugera à sa façon.
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Le procès s'ouvre en 2009.
Avec quatre heures de sommeil par nuit, sept jours de travail par semaine, et ce depuis cinq ans avec une semaine de vacances par an à Noël, le premier grief des trois garçons est le mépris total de leur santé.
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Selon un dicton bien connu, une pierre lancée du mont Namsan, qui domine Séoul, a une chance sur cinq de débouler en ville en heurtant un Kim sur son passage. Un quart de la population coréenne porte en effet l'un ou l'autre des trois noms de famille : Kim, Park et Lee.
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