La présentation de l'exposition le Grand Atelier du Midi en compagnie de ses commissaires Bruno Ely (musée Granet, Aix-en-Provence) et Marie-Paule Vial (Palais Longchamp, Marseille).
Cette première bifurcation de l'art n'est pas sans éclairer ce qui marquera le pays pendant près d'un siècle : la division de l'Espagne en deux parties s'affrontant, l'une "blanche" et l'autre "noire". Il s'agit là de deux manières de comprendre l'Espagne et de la définir : l'Espagne "blanche" est lumineuse, c'est l'Espagne de la fête, de la santé, du beau, de la vérité, du bien et des formes, tandis que l'Espagne "noire", plus sombre, est faite de tragédie, de profondeur, de laideur, elle correspond à l'Espagne du mal et de l'incompréhensible. Alors que la première définit son identité par rapport à l'avenir, la seconde se tourne vers le passé. Si cette dichotomie est valable dans le domaine artistique, elle déborde aussi sur le monde de la politique et de la pensée. Mais, c'est surtout à partir de 1898, et la "crise morale" provoquée par la perte des dernières colonies (en particulier Cuba), que le débat sur les deux Espagne acquiert un élan, une énergie et une actualité qui semblent réellement scinder le pays en deux.
L'Espagne en 1900 : une Espagne, deux images
Tombés dans l'oubli donc, toute une génération de peintres actifs à la charnière des deux derniers siècles, à l'exception notable de Picasso, Miro, Dali, Juan Gris, représentants des avant-gardes du XXème siècle. Comme si désormais seuls étaient dignes d’intérêt les artistes ayant bousculé les codes de la représentation. C'est tout au moins ce qu'on peut déduire de la lecture d'une histoire attachée uniquement à l'étude des bouleversements et nouveautés, laissant ainsi dans ses marges tout ce qui n'est pas réductible aux critères qui définissent la modernité. Cette conception de l'histoire qui a prévalu dans le domaine des arts et fort heureusement révolu depuis quelques décennies, en témoignent les expositions citées plus haut et comme le souligne ici Pablo Jiménez Burillo.
Le temps pour un autre regard
Aux dernières heures du XIXème siècle, l'Espagne, après une lourde crise dynastique, a définitivement perdu son empire colonial et semble s'être mise à l'écart de l'Europe. Le profond désenchantement qui a gagné le pays fait place à la volonté de se reconstruire. La société oscille entre repli et progrès, entre un recentrage sur ses traditions et une revisitation de sa vie culturelle. Les milieux intellectuels et artistiques s'appuient sur leur culture commune, s'ancrent dans leur identité régionale puis nationale. Les tertulias (débats publics) rassemblent des artistes andalous, galiciens, castillans... cherchant à retrouver leurs racines tout en s'ouvrant au monde extérieur. La conjonction de leur réflexion sur la civilisation espagnole et de leur projection dans un Occident en mouvement devient une préoccupation permanente. Les peintres ont le sentiment que l'art s'est enlisé dans la rhétorique et les conventions académiques du romantisme. Ils recherchent les fondements caractéristiques de leur culture auprès des figures de Cervantès et du Greco - notamment pour Ignacio Zuloaga -, de Velázquez ou de Goya - pour Isidre Nonell - et affirment leur appétit de nouveauté en se tournant vers la capitale des nouvelles tendances : Paris.
Une Espagne à double face