Poème de Marius CONU traduit du roumain par Gabrielle DANOUX
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Étreinte
J’aurais pu atteindre l’amour
Là-bas sous les marronniers
À l’ombre de l’albatros…
/immobile comme une pierre dans son vol/
Si je n’avais pas été
Menti par sa silhouette
Calligraphiant l’air
Avec éloignement…
J’aurais pu prononcer
D’étonnantes paroles…
Si en me regardant tu ne m’avais pas dit :
Entends-tu passer le temps ?
Si j’avais pu
Atteindre le jaune malade
De ce printemps
J’aurais appris à crier…
Et aux oiseaux la nostalgie de l’air
J’ai emprunté
Dans des auspices de sang-froid
Et asiles de chair…
Si j’avais pu embrasser
L’âpreté transparente !
De ce froid…
J’aurais pu être
En avance sur la seconde
Avec un baiser…
Ou un étonnement.
Apparence
En chevauchant les orages
Sombres
De la parole
En direction de la violence de
Ce début de siècle…
Seul par cet après-midi
Brûlant, cannibale
Des retrouvailles avec l’amoureuse…
Dans le désert incandescent de métaux
au-dessus du marioupol
Tu distribues le souvenir
D’avoir été,
À tous tes amis
Dansant sous des peaux soyeuses
D’air…
à l’ombre des généraux obtus
parlant dans le nord douloureux de l’être
En parcourant les orages
De la tristesse et les pluies salées
Des baisers d’adieu…
Dévorant l’être
Que tu aurais pu devenir
Au profit d’un nouvel être.
Toi, monstre parfait
cannibale tardif
de la souffrance.
Le poisson chimique
Tu as une odeur âpre de mort
Et de dunes de sable
Tel un poisson flottant à l’envers,
Métal asséché
À la mémoire d’un désert
De l’être…
Le cœur est toujours
Une fleur salée
Qui pulse la vie.
Nous tous, enlacés,
Avec des visages marqués, mouillés
Pleurons
Dans le ventre insensible,
De béton et fauves* hurlant
De l’Azovstal
La nécessité d’être
et c’est tout.
* à noter la polysémie du pluriel fiare qui désigne aussi bien les fauves que les métaux en général, la ferraille en particulier