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Citation de Partemps


3/Français, à la place de cet indigne phantôme, substituons les simulacres imposans qui rendoient Rome la maîtresse de l’univers, traitons toutes les idoles chrétiennes comme nous avons traité celles de nos rois ; nous avons replacé les emblèmes de la liberté sur les bases qui soutenoient autrefois des tyrans, réédifions de même l’effigie des grands hommes sur les pieds-d’estaux de ces poliçons adorés par le christianisme[4], cessons de redouter pour nos campagnes, l’effet de l’athéïsme ; les paysans n’ont-ils pas senti la nécessité de l’anéantissement du culte catholique si contradictoire aux vrais principes de la liberté ? n’ont-ils pas vu sans effroi, comme sans douleur, culbuter leurs autels et leurs presbytères ? Ah ! croyez qu’ils renonceront de même à leur ridicule dieu ; les statues de Mars, de Minerve et de la liberté seront mises aux endroits les plus remarquables de leurs habitations, une fête annuelle s’y célébrera tous les ans, la couronne civique y sera décernée au citoyen qui aura le mieux mérité de la patrie ; à l’entrée d’un bois solitaire Vénus, l’hymen et l’amour érigées sous un temple agreste, recevront l’hommage des amans ; là ce sera par la main des graces que la beauté couronnera la constance, il ne s’agira seulement pas d’aimer pour être digne de cette couronne, il faudra encore avoir mérité de l’être ; l’héroïsme, les talens, l’humanité, la grandeur d’ame, un civisme à l’épreuve ; voilà les titres qu’aux pieds de sa maîtresse sera forcé d’établir l’amant ; et ceux-là vaudront bien ceux de sa naissance et de la richesse, qu’un sot orgueil exigeroit autrefois. Quelques vertus au moins éclorront de ce culte, tandis qu’il ne naît que des crimes de celui que nous avons eu la foiblesse de professer. Ce culte s’alliera avec la liberté que nous servons, il l’animera, l’entretiendra, l’embrassera, au lieu que le théïsme est par son essence et par sa nature la plus mortelle ennemie de la liberté que nous servons.

En coûta-t-il une goutte de sang, quand les idoles payennes furent détruites dans le bas empire ? La révolution préparée par la stupidité d’un peuple redevenu esclave, s’opéra sans le moindre obstacle ; comment pouvons-nous redouter que l’ouvrage de la philosophie soit plus pénible que celui du despotisme ? ce sont les prêtres seuls qui captivent encore aux pieds de leur dieu chimérique ce peuple que vous craignez tant d’éclairer, éloignez-les de lui, et le voile tombera naturellement ; croyez que ce peuple bien plus sage que vous ne l’imaginez, dégagé des fers de la tyrannie, le sera bientôt de ceux de la superstition ; vous le redoutez, s’il n’a pas ce frein, quelle extravagance ! ah, croyez-le, citoyens, Celui que le glaive matériel des loix n’arrête point, ne le sera pas davantage par la crainte morale des supplices de l’enfer dont il se moque depuis son enfance ; votre théïsme, en un mot, a fait commettre beaucoup de forfaits, mais il n’en arrêta jamais un seul ; s’il est vrai que les passions aveuglent, que leur effet soit d’élever un nuage sur nos yeux qui nous déguise les dangers dont elles sont environnées, comment pouvons-nous supposer que ceux qui, loin de nous, comme le sont les punitions annoncées par votre dieu, puissent parvenir à dissiper ce nuage que ne peut dissoudre le glaive même des loix toujours suspendu sur les passions ? S’il est donc prouvé que ce supplément de freins imposé par l’idée d’un dieu, devienne inutile, s’il est démontré qu’il est dangereux par ses autres effets, je demande à quel usage il peut donc servir, et de quels motifs nous pourrions nous appuyer pour en prolonger l’existence ? Me dira-t-on que nous ne sommes pas assez mûrs pour consolider encore notre révolution d’une manière aussi éclatante ? ah, mes concitoyens, le chemin que nous avons fait depuis 89 est bien autrement difficile que celui qui nous reste à faire, et nous avons bien moins à travailler l’opinion dans ce que je vous propose, que nous ne l’avons tourmenté en tout sens, depuis l’époque du renversement de la bastille ; croyons qu’un peuple assez sage, assez courageux, pour conduire un monarque impudent du faîte des grandeurs aux pieds de l’échaffaud, qui dans ce peu d’années sut vaincre autant de préjugés, sut briser tant de freins ridicules, le sera suffisamment, pour immoler au bien de la chose, à la prospérité de la république un phantôme bien plus illusoire encore que ne pouvoit l’être, celui d’un roi. François, vous frapperez les premiers coups, votre éducation nationale fera le reste ; nous travaillez promptement à cette besogne, qu’elle devienne un de vos soins le plus important, qu’elle ait sur-tout pour base cette morale essentielle, si négligée dans l’éducation religieuse ; remplacez les sottises déifiques dont vous fatiguiez les jeunes organes de vos enfans, par d’excellens principes sociaux ; qu’au lieu d’apprendre à réciter de futiles prières qu’il fera gloire d’oublier dès qu’il aura seize ans, il soit instruit de ses devoirs dans la société ; apprenez lui à chérir des vertus dont vous lui parliez à peine autrefois, et qui, sans vos fables religieuses suffisent à son bonheur individuel ; faites lui sentir que ce bonheur consiste à rendre les autres aussi fortunés que nous desirons de l’être nous-mêmes, si vous assayez ces vérités sur des chimères chrétiennes comme vous aviez la folie de le faire autrefois ; à peine vos élèves auront-ils reconnus la futilité des bases, qu’ils feront écrouler l’édifice, et ils deviendront scélérats seulement, parce qu’ils croiront que la religion qu’ils ont culbutée, leur défendoit de l’être. En leur faisant sentir au contraire la nécessité de la vertu uniquement parce que leur propre bonheur en dépend, ils seront honnêtes gens par égoïsme, et cette loi qui régit tous les hommes sera toujours la plus sûre de toutes ; que l’on évite donc avec le plus grand soin de mêler aucune fable religieuse dans cette éducation nationale, ne perdons jamais de vue que ce sont des hommes libres que nous voulons former, et non de vils adorateurs d’un dieu ; qu’un philosophe simple instruise ces nouveaux élèves des sublimités incompréhensibles de la nature, qu’il leur prouve que la connoissance d’un dieu, souvent très-dangereuse aux hommes, ne servit jamais à leur bonheur, et qu’ils ne seront pas plus heureux en admettant comme cause de ce qu’ils ne comprennent pas quelque chose qu’ils comprendront encore moins ; qu’il est bien moins essentiel d’entendre la nature que d’en jouir, et d’en respecter les loix ; que ces loix sont aussi sages que simples, qu’elles sont écrites dans le cœur de tous les hommes, et qu’il ne faut qu’interroger ce cœur, pour en démêler l’impulsion ; s’ils veulent qu’absolument vous leur parliez d’un créateur, répondez que les choses ayant toujours été ce qu’elles sont, n’ayant jamais eu de commencement et ne devant jamais avoir de fin, il devient aussi inutile qu’impossible à l’homme de pouvoir remonter à une origine imaginaire qui n’expliqueroit rien et n’avanceroit à rien, dites-leur qu’il est impossible aux hommes d’avoir des idées vraies d’un être qui n’agit sur aucun de nos sens ; toutes nos idées sont des représentations des objets qui nous frappent ; qu’est-ce qui peut nous représenter l’idée de dieu qui est évidemment une idée sans objet, une telle idée, leur ajouterez-vous, n’est-elle pas aussi impossible que des effets sans cause ? Une idée sans prototipe, est-elle autre chose qu’une chimère ? Quelques docteurs, poursuivrez vous, assurent que l’idée de dieu est innée, et que les hommes [ont] cette idée dès le ventre de leur mère ; mais cela est faux, leur ajouterez-vous, tout principe est un jugement ; tout jugement est l’effet de l’expérience, l’expérience ne s’acquiert que par l’exercice des sens, d’où suit que les principes religieux ne portent évidemment sur rien et ne sont point innés ; comment poursuivrez-vous ; a-t-on pu persuader à des êtres raisonnables que la chose la plus difficile à comprendre étoit la plus essentielle pour eux, c’est qu’on les a grandement effrayés, c’est que quand on a peur, en cesse de raisonner, c’est qu’on leur a sur-tout recommandé de se défier de leur raison et que quand la cervelle est troublée, on croit tout et n’examine rien, l’ignorance et la peur ; leur direz-vous encore, voilà les deux bases de toutes les religions, l’incertitude où l’homme se trouve par rapport à son dieu, est précisément le motif qui l’attache à sa religion, l’homme a peur dans les ténèbres tant au physique qu’au moral, sa peur devient habituelle en lui et se change en besoin ; il croiroit qu’il lui manqueroit quelque chose, s’il n’avoit plus rien à espérer ou à craindre. Revenez ensuite à l’utilité de la morale, donnez-leur sur ce grand objet beaucoup plus d’exemples que de leçons, beaucoup plus de preuves que de livres, et vous en ferez de bons citoyens, vous en ferez de bons guerriers, de bons pères, de bons époux, vous en ferez des hommes d’autant plus attachés à la liberté de leur pays, qu’aucune idée de servitude ne pourra plus se présenter à leur esprit, qu’aucune terreur religieuse ne viendra troubler leur génie ; alors le véritable patriotisme éclatera dans toutes les ames, il y régnera dans toute sa force et dans toute sa pureté, parce qu’il y deviendra le seul sentiment dominant, et qu’aucune idée étrangère n’en attiédira l’énergie. Alors votre seconde génération est sûre et votre ouvrage consolidé par elle va devenir la loi de l’univers ; mais si par crainte ou pusillanimité, ces conseils ne sont pas suivis, si l’on laisse subsister les bases de l’édifice que l’on avoit cru détruire, qu’arrivera-t-il ? on rebâtira sur ces bases, et l’on y placera les mêmes colosses, à la cruelle différence qu’ils y seront cette fois cimentés d’une telle force, que ni votre génération, ni celles qui la suivront ne réussiront à les culbuter.
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