La plupart des gens chantent faux. Mais pas l’enfant qui est en train de la chanter. Sa petite chemise est trouée par endroits. Il a de grosses joues toutes roses, on les croquerait. Des ongles courts ; il doit sûrement les ronger. Mais il a une voix chaleureuse. Parfois la beauté peut se présenter habillée de la sorte. Et elle n’est pas évidente à saisir. C’est très difficile de ne pas être ébloui par un crépuscule ou par un Monet. Ce qui est vraiment compliqué, c’est de capituler devant des faits qui n’ont pour eux que la simplicité.
Ma mère a eu un moment l’idée d’avorter et de me jeter dans une poubelle remplie d’autres bâtards qui me ressemblaient. Si elle l’avait fait, peut-être qu’elle serait heureuse à l’heure qu’il est. Maintenant, nous sommes deux malheureux. Mais nous nous aimons.
Le combi arrive.C’est le type de transport que j’utilise depuis seize ans. Ceux d’avant étaient pires. Des autobus bondés avec des voyageurs accrochés aux portes. Tous les jours, tu en avais un qui tombait. Maintenant les deux types de transport cohabitent. Comme des putes.
C’est très difficile de ne pas être ébloui par un crépuscule ou par un Monet. Ce qui est vraiment compliqué, c’est de capituler devant des faits qui n’ont pour eux que la simplicité.
Mon premier élan a été de faire demi-tour et d'éviter sa présence. Je fuis toujours. En particulier, je les fuis. Elles. Ce sont des êtres que je ne comprends pas. Je sais que beaucoup de gens - même plus moches et moins intelligents - affrontent leur énigme avec une autre attitude, mais c'est qu'ils ne les comprennent pas.
L'ignorance atténue la peur. Elles me font peur. Elles ne m'ont jamais blessé, ni rien. Elles et moi sommes des corps différents, qui ne s'entendent pas. Je déteste Platon et son idée selon laquelle nous sommes deux êtres destinés à se rencontrer. Avant de le faire nous sommes des ombres ; des fantômes dans la plénitude du néant. La moitié de ce que nous devrions être. Je suis un putain de spectre sidéral, alors.
Quand j’étais petit, je priais pour faire en sorte que, le lendemain, la veille ne soit qu’un rêve et que je puisse l’oublier. Comme je n’y suis jamais parvenu, j’ai su que Dieu n’existait pas, ou du moins qu’il ne s’intéressait pas à moi.
Je les ai vus sortir en famille, sûrement pour aller à Disneyland. C’est ça qui distingue. Si tu peux aller tous les ans à Miami, c’est que tu as réussi dans la vie.
La monotonie permet parfois le bonheur de se trouver soi-même. Dans cette routine d’aller d’un bout à l’autre de la ville, la seule chose qui soit vraie, c’est que c’est moi qui fais ce parcours. Je peux être et j’ai été plusieurs personnes. La plupart sont mortes au fil des désirs et des absences. Si quelque chose me définit, ce ne sont pas tous ces souvenirs malsains, en réalité j’assume le fait que je suis au-dessus de tout ça.
Je désire un silence. Comme jamais. Que tous se taisent. Qu'on me laisse seul avec mes cauchemars. C'est difficile de comprendre la désolation au milieu des mêmes voitures et des bus. Emplis de tout ce qui assourdit. C'est si tragique que le silence n'existe pas.
" Combien de chemins un homme doit-il parcourir pour rêver ? "