– Pourquoi tu veux changer de vie maintenant que tu es tout près de la retraite ?
– Et quand veux-tu que je change de vie, quand je serai mort ?
Ne fais pas attention à moi, je suis d’une autre planète, je vois toujours des horizons où tu dessines des frontières.
(Frida Kahlo)
Pendant les nuits glaciales, lorsque l’onde des sons s’incurvait vers le bas, il entendait avec une netteté surnaturelle le claquement des cailloux qui glissaient des cratères comme de petits torrents, ou encore le murmure bouillonnant des sources. C’était une raison suffisante pour qu’il reste ici, mais il ne trouvait pas les mots pour l’exprimer, il avait essayé de l’écrire dans ses carnets, sans autre résultat que des phrases dépourvues de sens. Les mots qu’il couchait sur le papier finissaient par se dissoudre dans l’atmosphère comme ceux qu’il lisait dans les livres et il était alors impuissant à maintenir ses pensées dans un cadre.
Cette nuit-là, Parker dormit dans la cabine pour gagner du temps, une sensation de hâte le dominait depuis le moment où il avait décidé de revoir cette femme. “Maytén”, répétait-il dans sa tête. Le son de ce prénom évoquait la terre et le paysage, les lacs bleutés de la cordillère, la brise tiède du printemps qui caressait les corps ; il produisait un écho fragile et cristallin, un accent, un final sans voyelle, ce qui ajoutait une grâce subtile, vaporeuse. Plus Parker se répétait ce prénom dans la pénombre du camion immobile sous les étoiles, plus il prenait de significations, jusqu’à devenir magique et parfumer l’aube.
-L’écriture est une maladie compliquée. Vous savez quel est son seul remède ? .......
-Le seul remède, dit-il enfin, c’est de continuer à écrire.
Les reliefs élevaient certains bruits pour les étouffer dans l'atmosphère et en écrasaient d'autres contre les rochers.
Elle se sentait elle aussi débordée de l'intérieur et ne parvenait pas à contrôler l'effervescence de son corps libéré de sa carapace.
Chercher l'immortalité, c'est ça qui tue les gens, ajouta-t-il en secouant la tête.
Depuis quelques jours de gros nuages violets trônaient sur les cimes comme des oiseaux préhistoriques couvant leurs oeufs.
Bon, alors prenez la 210 jusqu’à trouver un arbre abattu. Si vous dépassez les trois jours, revenez en arrière, parce que vous serez allé trop loin. Au croisement, prenez à gauche, c’est l’affaire d’un jour et demi, deux s’il pleut.