La notion de quantité ingérée n'aurait [...] pas beaucoup de sens. Il serait préférable de s'en tenir à l'effet recherché : l'ivresse. En France, on appelle cela "l'alcool défonce" ou la "biture expresse", expressions qui parlent d'elles-mêmes. C'est pourquoi nous privilégions une définition plutôt qualitative, telle qu'"une consommation excessive d'alcool dans le but d'atteindre l'ivresse dans les délais les plus court possible", qui traduit davantage un rapport au produit pouvant ou non s'avérer problématique.
... l'éjaculation prématurée, symptôme très fréquent chez nos jeunes novices de l'amour. Ils font l'amour à 16 ans et ils n'ont pas le temps de pénétrer leur partenaire qu'ils ont déjà éjaculé. Parfois, il n'ont même pas le temps d'enfiler le préservatif. Au deuxième ou troisième accident, c'est le désespoir. Mais ils découvrent qu'avec l'alcool ou les drogues, ils sont plus à l'aise, qu'ils ont beaucoup moins peur de l'autre, de l'autre sexe, ce qui était fortuit deviendra systématique.
"J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie."
Paul Nizan
Ne comptez pas sur des campagnes de publicité, sur des slogans même bien trouvés, les ados sont beaucoup plus créatifs que les pros de la pub pour les inverser et ridiculiser les bonnes intentions.
... lorsque les adultes s'intéressent à "l'alcool chez les jeunes", notre prisme de lecture se voit doublement déformé par nos représentations paradoxales "au carré" !
... les acteurs du secteur des assuétudes sont couramment confrontés à la prise de mesure sécuritaires qui évitent de se poser certaines bonnes questions.
"L'État, vendeur d'alcool et de tabac, gagne plus d'argent en élargissant les vices qu'en resserrant les boulons."
Philippe Bouvard
Pour que l'événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu'on se mette à le raconter."
Jean-Paul Sartre
... pour les sujets [...] chez lesquels est à l'oeuvre une négativité, une destructivité de soi, tous ces messages préventifs leur donnent le mode d'emploi de leur anéantissement. Pour celle ou celui qui désire mourir, dormir à jamais, quitter sans regrets cette vallée de larmes, les mises en garde fonctionnent comme une injonction. "Si vous abusez d'alcool, si vous vous droguez, vous courez à la mort." Ils y courent, c'est leur voeu le plus cher. En les prévenant, nous leur indiquons la voie à suivre pour accomplir leur désir de disparaître, sans en avoir l'air, sans devoir chercher la corde pour se pendre, ni la fenêtre par où se basculer, ils iront vers la mort mais dans la jouissance, au travers d'expériences tellement intenses !
Faute de s'en voir assigner par les structures sociales, les ados improvisent des rituels, souvent plus sauvages et dangereux que ceux que l'on rencontre dans les sociétés traditionnelles. Et comme la brousse n'est plus disponible, il a fallu réinventer les procédures. C'est dans la jungle des expériences psychotropes, en exposant non plus leurs corps aux fauves, mais leurs cerveaux aux aléas chimiques, des épreuves d'enivrement, qu'ils se dégotent les défis les plus corsés. D'où les raves, les festivals, et tous ces moments de transe, d'excès et de prise de risque typiques des rituels d'initiation. La conduite de motos ou d'autres bolides façon James Dean fait partie du tableau, dans une course à l'ivresse de la vitesse.