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Critiques de Mary M. Talbot (22)
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Louise Michel, la Vierge Rouge

28/03/1871: Dix jours après l'insurrection, la Commune de Paris est officiellement déclarée. Vive la Commune!

Ce furent la misère du peuple et les conditions de vie et du travail des enfants qui embrasèrent Paris et menèrent à l'insurrection...



Louise Michel (enseignante, poétesse, journaliste, féministe, militante anarchiste...) est au devant de la scène, avec ce foulard rouge qui préfigure l'élan communiste...

Elle fut aussi la première à arborer le drapeau noir des anarchistes!



Le 16 avril, décret de la Commune:

Le personnel religieux est chassé des hôpitaux et des écoles, et remplacé par des laïques...

Le comité de vigilance des citoyennes demande le pouvoir immédiat de réquisitionner les maisons abandonnées, afin d'y loger les citoyens sans abri et de leur permettre de nourrir leurs enfants.



Louise Michel harangue le peuple, lors des rassemblements:

-" Travailleurs, nous sommes en guerre, en guerre contre les parasites et les exploiteurs. Les riches sont un autre mal de notre société, eux qui ne font que boire et s'amuser.

Le mariage, citoyennes, est la plus grande erreur de l'humanité. Être mariée, c'est être réduite en esclavage!"



Louise Michel n'avait peur de rien: rue Peyronnet, elle joue de l'orgue dans l'église abandonnée, attirant les obus sur la barricade... Mais, elle devra se rendre pour faire libérer sa mère, arrêtée à sa place.



Ensuite, ce sera la déportation, en Nouvelle Calédonie... pour celle à qui Victor Hugo rendit hommage !

Il la dépeint comme "Judith, la sombre juive" et "Aria la romaine", dans le poème "Viro major."



" Les femmes, surtout, sont le bétail humain, qu'on écrase et qu'on vend. Notre place, dans l'humanité ne doit pas être mendié, mais prise!" Louise Michel, Mémoires.
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Louise Michel, la Vierge Rouge

22 janvier 1905. A Paris, un cortège funèbre réunissant plusieurs milliers de personnes encadrés par un cordon de police marche dans les rues. Il s'agit du dernier hommage rendu par la population parisienne à Louise Michel, figure révolutionnaire et féministe emblématique de la Commune qui eut lieu trente-quatre ans plus tôt. Charlotte Perkins Gilman est quant à elle une écrivaine réformiste américaine qui s'est livrée au début du XXe a de nombreuses conférences partout en Europe sur la question du féminisme (son ouvrage « Women and Economics » a notamment connu un important retentissement). le parcours de ces deux femmes n'a, à priori, pas grand-chose à voir, pourtant c'est la visite de la seconde dans la capitale française qui fournit ici l'occasion à Mary et Bryan Talbot de nous faire découvrir en parallèle le parcours peu commun de celle que l'on surnomme parfois la « Vierge rouge ». Au fur et à mesure des ses pérégrinations parisienne, la féministe américaine va en effet se faire raconter par une amie proche de Louise et sa fille le parcours de cette institutrice révoltée, de sa participation à la Commune de Paris aux combats menés à la fin de sa vie, sans oublier bien sur ses années d'emprisonnement et de déportation. Composé d'une centaine de pages, l'ouvrage se révèle relativement dense et parvient à trouver le bon équilibre entre l'exposition des spécificités du parcours de Louise Michel et la contextualisation inévitablement nécessaire aux lecteurs peu aux faits des évènements de la fin du XIXe siècle français. Les dessins sont pour leur part soignés et se concentrent essentiellement sur les visages, très expressifs, des personnages. le choix du noir et blanc ajoute à la gravité du sujet également renforcé par les occasionnelles touches de rouges qui apparaissent ici ou là au détour d'une planche, sang versé ou foulard arboré en signe de ralliement aux révoltés.



Mais qu'a-t-elle de si particulier, cette Louise Michel, pour qu'on lui dédie des livres et qu'on renomme des rues ou des stations de métro à son nom ? C'est d'abord son rôle lors de la Commune de Paris qui l'a rendu célèbre : la nuit du 18 mars, c'est elle qui trouve une sentinelle blessée par les troupes de Thiers, venus récupérer discrètement les canons de la garde nationale mis en sécurité par la population sur les hauteurs des quartiers populaires (Montmartre, notamment). Une foule ne tarde pas à se rassembler et fait échouer l'opération : les soldats fraternisent avec les habitants et refusent de tirer, le gouvernement de Thiers fuit la ville dans la foulée et des élections sont organisées afin d'élire les membres de la Commune de Paris. L'ouvrage revient ici de manière concise mais claire sur les grandes étapes de cet événement qui marqua durablement l'histoire de France : la guerre contre la Prusse et le siège de Paris, la capitulation du gouvernement provisoire et l'insurrection du 18 mars, sans oublier la Semaine Sanglante qui vit le massacre d'une grande partie de la population. Les auteurs s'attardent évidemment sur le cas de Louise Michel et nous livrent plusieurs anecdotes révélatrices de son caractère : sa générosité envers les plus démunis est abondamment mise en avant, de même que son éloquence, son excentricité, et bien sûr sa volonté de combattre l'injustice, quelles qu'en soit les victimes. Après la Commune vient la déportation, et il s'agit sans doute de l'aspect le plus intéressant de l'ouvrage car le moins connu. Condamnée à être déportée au bagne sur une île isolée de Nouvelle-Calédonie, Louise Michel y retrouvera quantité d'anciens compagnons de lutte et se démarquera à nouveau par son intérêt pour la culture kanake et par sa virulence pour condamner le traitement qui leur est réservé sur leur propre terre par les Occidentaux. Son retour en France sera moins mouvementé, même si plusieurs événements la marqueront durablement : la construction du Sacré Coeur visant à « expier les crimes de la Commune », celle (sous un jour plus positif) de la tour Eiffel, ou encore sa tentative d'assassinat.



L'ouvrage est instructif sur le fond et agréable sur la forme même si, comme la plupart des récits biographiques, il n'échappe pas au principal travers propre à ce type d'exercice, à savoir la tentation de dépeindre l'objet d'étude de manière trop hagiographique. Certes, Louise Michel était sans aucun doute une femme exceptionnelle de part son parcours et ses prises de position dont la modernité ne peut que nous la rendre sympathique, mais Mary et Bryan Talbot en font parfois un peu trop dans la mise en scène grandiloquente (notamment lorsqu'elle est présentée s'exprimant seule à la tribune pour haranguer les foules). le portrait dressé de Charlotte Perkins Gilman est, pour sa part plus nuancé, ses positions ouvertement racistes n'étant pas passées sous silence. Outre les deux femmes, on croise également tout au long de ce périple dans la fin du XIXe d'autres figures historiques qui ont tourné, brièvement ou durablement, autour de Louise Michel : Victor Hugo (avec lequel elle entretint pendant longtemps une correspondance), le journaliste révolutionnaire (puis boulangiste et maurrassien…) Henri Rochefort, mais aussi Clemenceau (maire de l'arrondissement de Montmartre en 1871) ou encore l'artiste Albert Robida. L'art, et notamment la littérature, occupe en effet une place de choix dans l'ouvrage qui, au delà du parcours de Louise Michel, s'interroge sur l'idée d'utopie et sur les futurs idéalisés pensés fin XIXe – début XXe. Des références qui plairont aux amateurs de science-fiction, puisqu'il s'agit évidemment du genre littéraire de prédilection pour aborder cette thématique. L'occasion pour les auteurs d'évoquer les travaux de Wells, Robida ou encore Jules Verne.



Mary et Bryan Talbot signent avec ce roman graphique un ouvrage complet et bien documenté aussi bien sur le personnage de Louise Michel que sur le contexte dans lequel sa légende s'est forgée. La solide reconstitution historique permet ainsi aux lecteurs de plonger dans la France de la fin du XIXe, avec inévitablement une large part accordée à la Commune de Paris et sa répression. Une bonne initiation pour ceux que la période intéresseraient et un beau portrait consacré à une figure majeure du mouvement ouvrier, toujours populaire aujourd'hui.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Louise Michel, la Vierge Rouge

Une Bd à posséder. Très bien documenté, le récit est prenant. Le graphisme est principalement un travail du noir (belle maîtrise), agrémenté de rouge. Les notes permettent un éclairage supplémentaire sur les contemporains de Louise Michel. Et ça donne envie de lire les oeuvres de Louise Michel ! Bravo aux auteurs.
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Louise Michel, la Vierge Rouge

On connait Louise Michel comme une icône de la Commune de Paris. Ce qu'elle est, évidemment ; en même temps qu'une battante, une guerrière. On sait moins qu'elle a continué à militer lorsqu'elle est revenue du bagne en Nouvelle-Calédonie, où là aussi elle s'est opposée à la puissance colonisatrice (son pays, donc), a rencontré et a appris à connaitre et comprendre les Kanaks. Puis les Algériens emprisonnés avec elle. Sans hésiter à s'opposer aux autres blancs en exil forcé, dont le racisme lui était insupportable. Une battante jusqu'à la fin de sa vie.

Le graphisme est vraiment très beau. L'album est en noir et blanc, avec des touches de rouge (socialiste, bien évidemment).

C'est très prenant, très instructif et sans démystifier le personnage, nous fait entrer dans sa pensée et ses combats. Elle aura droit à des obsèques nationales, à la fin.



Challenge BD 2020

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Louise Michel, la Vierge Rouge

Quand des anglais s'intéressent à une figure historique française... et bien je ne suis pas convaincue, hélas!

Le scénario commence quasiment le jour du cortège funèbre de Louise Michel. Deux dames l'ayant connue en parlent ensemble et évoquent leurs souvenirs.

Pour moi c'est très confus, les personnages ne sont pas clairement nommés, je ne retrouve pas ce que j'ai pu lire par ailleurs.

Si l'on retrouve les idées soutenues par Louise Michel au cours de sa vie et de ses luttes, elles apparaissent "posées" au milieu d'une action. Je me suis lassée assez vite de tenter de faire des liens, de comprendre.

Le dessin est agréable, plutôt réussi. Principalement en noir, gris et blanc, avec des éléments rouges qui ressortent de façon symbolique. C'est beau, mais ce n'est pas clair.

Une déception pour moi.
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Sally Heathcote: Suffragette

Il s'agit d'un récit complet initialement paru en 2014. Le scénario est de Mary M Talbot, les dessins, l'encrage et la mise en couleurs de Kate Charlesworth. Bryan Talbot a apporté son aide à la réalisation de l'ouvrage, dans une mesure non précisée. Lui et Mary Talbot avaient déjà réalisé ensemble Dotter of her father's eyes, ouvrage évoquant la vie de la fille de James Joyce.



Comme son titre l'indique, ce récit se focalise sur le mouvement des suffragettes en Angleterre, couvrant la période de 1905 à 1916, avec un épilogue en 1969. Le récit commence en 1912, avec une scène sur le procès d'Helen Millar Craggs, suffragette, accusée d'acte de destruction. Toujours en 1912, la scène suivante montre le premier ministre anglais Asquith en visite à Dublin se faire agresser par une suffragette. Enfin, toujours en 1912, les époux Emmeline et Frederick Pethick-Lawrence apprennent que le gouvernement a saisi leur maison pour rembourser les frais causés par les destructions des suffragettes.



Le récit reprend ensuite un ordre chronologique en repartant en 1905, alors que Sarah Heathcote est recueillie comme bonne à tout faire dans la demeure de madame Emmeline Pankhurst.



Dans un premier temps, le lecteur s'interroge sur le choix de débuter le récit en 1912, pour revenir peu de pages après en 1905. Il est indubitable que cela crée une tension dramatique, de savoir que les personnages que l'on voit évoluer à partir de 1905 finiront par se séparer en raison d'un désaccord sur les actions à mettre en œuvre.



Passé cette petite interrogation sur ce choix narratif, le lecteur comprend qu'il entre de plein pied dans une fiction historique, ayant pour objet les suffragettes, c'est-à-dire les militantes de la Women's Social and Political Union (WSPU), des activistes militant pour le droit de vote des femmes au Royaume Uni, en utilisant des méthodes provocatrices et même agressives. Les Talbot et Charlesworth convient le lecteur à une reconstitution historique et à l'histoire d'un mouvement civique.



Kate Charlesworth réalise des dessins avec une approche réaliste, sans obsession du détail, sans rechercher un rendu photographique. Elle s'attache à reproduire fidèlement les lieux d'époque, ainsi que les tenues vestimentaires. Le lecteur peut donc reconnaître plusieurs quartiers de Londres (où se déroule la majeure partie du récit), ainsi que détailler les tenues vestimentaires, les rues, les façades, les parcs municipaux, ou encore les voitures. Il peut accorder sa confiance aux images qu'il découvre pour respecter la véracité historique.



La dessinatrice s'attache à représenter des personnages normaux aux morphologies variées, évoluant dans des environnements plausibles. Ainsi le lecteur peut apprécier les aménagements intérieurs reflétant le niveau de revenus des habitants, depuis les intérieurs bourgeois cossus aux meublés exigus.



Le lecteur apprécie également l'usage particulier des couleurs. La majeure partie des dessins ne sont rehaussés que par des lavis de gris, parfois légèrement teinté de bleu. Cet usage des lavis donne certes un air daté aux pages (pour renforcer le fait qu'il s'agit de faits historiques), mais il permet également d'autres effets. En particulier, l'artiste se sert des lavis pour donner du volume à chaque surface (sans que cela ne devienne un festival de dégradés lissés). L'usage majoritaire de lavis gris permet aussi de faire ressortir les éléments qui bénéficient d'une autre couleur. Il en va ainsi de la chevelure flamboyante de Sally Heathcote (le personnage principal), immédiatement repérable grâce à cette tâche de couleur orange sur fond de niveaux de gris.



L'emploi de lavis gris permet également à Kate Charlesworth de faire ressortir avec plus de force les couleurs du WSPU : le vert, le blanc et le violet (Green, White, Violet, ce qui donne GWV qui peut aussi se lire Give Women Votes). De par la nature du récit, elle se retrouve souvent à dessiner des visages en train de parler (au moins le tiers des cases). Le lecteur apprécie à nouveau l'approche naturaliste de l'artiste qui ne cherche pas à embellir chaque personnage.



Charlesworth s'investit de manière visuelle dans la représentation des visages en train de parler, en particulier pour faire apparaître les émotions animant les interlocuteurs. Si certaines bouches sont dessinées de manière un schématique, les expressions transcrivent bien l'état d'esprit de l'individu, de la passion qui l'habite, à la souffrance qu'il éprouve. Cette application lui permet de donner à voir au lecteur la souffrance physique des grévistes de la faim nourries de force, ou encore la détermination implacable d'Emmeline Pankhurst, avec son visage fermé, ses traits tirés et son air désagréable. L'artiste réussit à faire passer l'émotion, sans transformer le lecteur en voyeur, sans représenter les détails les plus sordides.



À la fin de ce tome, le lecteur trouve une chronologie sur 2 pages, 18 pages de notes de l'auteure explicitant chaque référence, ainsi que 2 pages de références bibliographiques. Mary Talbot prévient en début des 16 pages de notes qu'elles ne sont pas indispensables à la compréhension du récit, et qu'elles gagnent à être lues après l'histoire. Elle souhaite donc que le lecteur apprécie cette histoire, avant tout comme un récit. Pour mieux rendre compte du mouvement des suffragettes, elle introduit donc le personnage fictif de Sally Heathcote qui permet au lecteur de mieux se projeter dans l'époque, et d'éprouver ses sentiments.



Sally Heathcote n'a rien ni d'une dangereuse agitatrice, ni d'une idiote manipulée. C'est une jeune femme qui est le produit de son époque et de sa catégorie sociale (une orpheline laissée aux bons soins d'une institution (un atelier de travail pour enfants), et prise en charge par Emmeline Pethick-Lawrence. Elle sait lire ce qui lui permet de s'instruire au fur et à mesure qu'elle se trouve entraînée dans ce combat pour gagner le droit de vote féminin.



Mary Talbot ne s'attache pas à montrer la misère des classes ouvrières, ni même les situations précaires des femmes seules, ou veuves ayant des enfants à charge. Ces situations ne sont qu'évoquées par des tierces personnes, mais pas montrées. L'enjeu véritable du récit réside dans la présentation d'un mouvement de revendication, avec ses différentes facettes, en suivant une suffragette équilibrée, proche d'Emmeline Pankhurst, mais pas sa secrétaire particulière.



À la fin du récit, le lecteur peut éprouver un sentiment de déception en fonction de ce qu'il était venu chercher. En effet il s'arrête en 1916, c'est-à-dire avant la mise en place partielle (1918) ou totale (1928) du droit de vote des femmes. Les auteures se sont donc plus attachées à rendre compte du mouvement des suffragettes, de leur mode de fonctionnement, de leur financement, de leur choix de tactiques, vécu au niveau d'une suffragette. Avec cet objectif en tête, le lecteur se rend compte qu'il est atteint de manière admirable.



Les auteures plongent le lecteur dans le contexte social de l'époque, plus ressenti au travers des conversations, et vu dans les images (plutôt que longuement expliqué). Il assiste aux discussions menant aux choix de stratégie et de modes d'action. Il voit par lui-même la difficulté de mobiliser les élus, et l'opinion publique. Il constate les modalités de répression utilisées par le pouvoir en place pour étouffer le mouvement. Si les dessins édulcorent quelque peu la réalité des actions, ils en montrent bien les conséquences, et la narration met en lumière les risques pour les suffragettes.



Le lecteur découvre ainsi les premières grèves de la faim, les brutalités liées au nourrissage par la force, ou encore la répression des manifestations par les forces de l'ordre. Il comprend parfaitement l'intelligence de la loi dite "Chat et Souris" (Cat and mouse act") qui consiste à relâcher les grévistes de la faim trop affaiblies, et à les réincarcérer une fois leur vie hors de danger. Les notes en fin d'histoire permettent d'attester du sérieux des recherches effectuées par l'universitaire qu'est Mary Talbot.



"Sally Heathcote: Suffragette" réussit son pari : faire revivre les actions des suffragettes en les replaçant dans leur contexte social et historique, sans rien gommer du caractère illégal de certaines de leurs actions, au travers de la vie et des yeux d'une jeune femme. Mary Talbot, Kate Charlesworth, et Bryan Talbot racontent avant tout une histoire, un bon roman, avec une narration fluide, sans lourdeur dogmatique ou académique, une belle réussite.
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Louise Michel, la Vierge Rouge

Ce tome content une histoire complète indépendante de toute autre. Sa parution initiale en version originale date de 2016. Il a été réalisé par Mary M. Talbot (scénario) et Bryan Talbot (narration & dessins). Il s'agit d'une bande dessinée majoritairement en noir & blanc avec des nuances de gris, avec une utilisation ponctuelle de la couleur rouge, et parfois des lavis d'une autre couleur. Les époux Talbot ont réalisé trois autres ouvrages ensemble : Dotter of her Father's Eyes (2012), une biographie de de Lucia Joyce, la fille de James Joyce, Sally Heathcote: Suffragette (2014) sur le mouvement des suffragettes, et Rain (2019) sur la préservation d'une nappe tourbeuse dans le Yorkshire. Le tome se termine avec 14 pages d'annotation rédigées par Mary M. Talbot, détaillant les sources historiques qu'elle a utilisées, en référençant chaque page.



Trois phrases sont mises en exergue du récit : la définition du mot Utopie, une citation d'Oscar Wilde sur l'Utopie (une carte du monde qui ne comprend pas Utopie ne vaut pas la peine d'être regardée), et une citation de Samuel Beckett (A toujours essayé. A toujours échoué. Peu importe. Essayer encore. Échouer encore. Échouer mieux). À Calais en 1909, Franz Reichelt assiste au vol d'un avion à hélice, le pilote devant tenter la traverser de la Manche deux jours plus tard. Il pense à une panne d'avion, et a l'idée d'inventer une toile de tissu qui permettrait au pilote de ralentir sa chute. À 10h00 à la Gare de Lyon à Paris, le 22 janvier 1905, Charlotte Perkins Gilman descend du train alors que s'ébranle le cortège funéraire de Louise Michel. Monique, une jeune femme, l'attend avec une pancarte à son nom pour l'accueillir. Elle lui explique qu'il vaut mieux qu'elles aillent prendre un café en attendant que le cortège soit passé, et elle précise qu'il s'agit de celui de la vierge rouge de Montmartre. Charlotte se rend compte qu'elle a rencontré Michel à une occasion : à Londres, avec un centre d'intérêt commun la fiction utopique.



Les deux femmes continuent d'évoquer la mémoire de Louise Michel, une anarchiste, sa place au cimetière de Levallois Perret, son idéal de vie sans rien posséder, sa dévotion aux autres, et bien sûr son rôle durant la Commune de Paris. En décembre 1870, elle parcourait Paris pour mendier de la nourriture pour les enfants pauvres de Montmartre. Lors de ce siège de Paris par les prussiens, elle était en colère contre les autorités publiques inefficaces et même incompétentes, et contre les profiteurs spéculant sur les denrées de première nécessité. Monique évoque les queues devant les magasins, la viande de chat et de rat pour les démunis, la viande exotique des animaux du zoo de Vincennes servie dans les restaurants de luxe, le rêve de révolution sociale dans les quartiers pauvres de Paris, les familles mettant en gage leurs biens y compris leurs outils de travail, et les violences faites aux plus faibles comme les enfants et les femmes. Dans l'auberge qu'elle fréquente, Louise Michel échange avec les habitants et les gardes nationaux, se met à rêver des applications pratiques de la science, de l'amélioration de la qualité de vie grâce aux découvertes scientifiques, et leurs applications. Elle est suivie dans son imagination par Albert Robidal un illustrateur qui dessine son idée de tuyaux distribuant la nourriture dans tous les foyers grâce à un réseau de canalisations reliées à une cuisine centrale.



Le lecteur peut aussi bien être attiré par les auteurs s'il a déjà lu d'autres de leurs œuvres que par une biographie de Louise Michel et la couverture qui semble promettre une large place consacrée à la Commune de Paris (du 18 mars au 28 mai 1871). Il est un peu décontenancé par les deux pages d'introduction consacrée à Henry François Reichelt (1878-1912) inventeur d'un proto parachute. Les deux dernières pages du récit lui sont également consacrées. Ensuite, il découvre que le récit commence le jour de l'enterrement de Louise Michel, dont la vie va être commentée et retracée par Charlotte Perkins Gilman (1860-1935), une sociologue et écrivaine américaine, ayant eu une grande influence sur le féminisme. Elle va discuter tout d'abord avec Monique, puis avec sa mère et encore avec une autre femme. L'autrice a décidé de dérouler la biographie dans un ordre légèrement réarrangé, commençant par la Commune (1871), allant jusqu'à sa déportation et son arrivée en Nouvelle Calédonie en 1873, pour sauter en 1889 au pied de la Tour Eiffel, pour revenir à son enfance au cours des années 1830, pour reprendre un fil chronologique en retournant en Nouvelle Calédonie. Le lecteur comprend bien l'intérêt d'un tel réarrangement pour éviter un effet de lecture trop linéaire, mais il n'est pas forcément entièrement convaincu de son intérêt, car un tel ordre recomposé ne fait pas apparaître de constat particulier par le biais de rapprochements.



La première moitié de l'ouvrage est consacrée au rôle de Louise Michel pendant la Commune de Paris, son jugement étant évoqué en une page, la deuxième moitié couvrant le reste de sa vie. Mary M. Talbot à fort à faire car elle s'adresse à un lectorat anglo-saxon pas forcément familier de la Commune de Paris. Elle se sert du personnage de Monique pour exposer le contexte de cet épisode de l'Histoire de France, à gros traits car elle ne dispose pas d'une grande pagination. Il ne s'agit donc pas d'un ouvrage sur la Commune, comme peuvent l'être Les Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan, ou Le Cri du Peuple de Jean Vautrin & Jacques Tardi. Cette partie-là sert à montrer l'engagement de Michel pour le peuple, ainsi que certains de ses traits de caractère, à commencer par un fort altruisme et une forme de témérité assumée. Le lecteur est vite entraîné dans cette période car les textes de phagocytent pas les images, et Bryan Talbot est un bédéaste accompli. La narration visuelle est prenante, à la fois pour la qualité de la reconstitution historique, à la fois grâce aux personnages vivants, animés par des émotions.



Dès la première page, le lecteur peut apprécier la justesse de la représentation de l'avion. Les quais de la Gare de Lyon sont représentés de manière un peu simplifiée, mais le lecteur retrouve bien la verrière et l'architecture si caractéristique ; en revanche il est très étonné que le corbillard tiré par les chevaux défile sur le quai de la gare. Par la suite, il regarde avec curiosité la vue extérieure de la Gare de Lyon avec sa tour si reconnaissable, la montgolfière au-dessus de Paris, les moulins, le défilé sur les Champs Élysées, l'Hôtel de Ville de Paris, une galerie du Louvres reconverti en atelier pour artisans, la chaire de Saint Sulpice, le trois-mâts Virginie qui emmène Louise Michel en Calédonie, la basilique du Sacré Cœur en construction, la Tour Eiffel également en construction. L'artiste se montre out aussi précis pour dessiner des tenues vestimentaires authentiques aux différentes époques, que ce soient les robes des interlocutrices en train d'évoquer la mémoire de Louise Michel, ou les uniformes militaires. Il adopte une direction d'acteur de type naturaliste insufflant de la vie dans chaque personnage, qu'il soit en train de parler, en train d'agir, en train de se battre aux barricades, en train de se faire rouer de coup. Alors que le format est plus petit que celui d'un comics, la lecture des pages est fluide le dessinateur ayant adapté ses prises de vue, sans rien sacrifier en densité narrative. Il utilise aussi bien des cases avec bordures que sans bordure, une suite de case pour décrire une action, qu'un dessin en pleine page pour un moment particulièrement mémorable (ou atroce, comme les doubles pages consacrées aux morts lors de la semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871). Le lecteur lit donc une vraie bande dessinée, et pas un texte académique illustré.



Une fois passée l'étonnement que les auteurs ne respectent pas l'ordre chronologique, le lecteur apprécie le dispositif qui consiste à raconter la vie de Louise Michel, commentée par d'autres femmes ce qui permet d'apporter naturellement des éléments de contexte, des jugements de valeur, ainsi qu'une mise en perspective car les discussions se passent après sa mort. Par la force des choses (la pagination), la Commune de Paris n'est vue qu'au travers des actions de Louise Michel, avec quelques éléments de contexte, ce qui peut s'avérer frustrant à certains moments. D'un autre côté, cela permet au lecteur de découvrir deux autres phases de la vie de cette femme, sa déportation en Nouvelle Calédonie, ses activités après son retour en métropole. Les commentaires de Charlotte Perkins Gilman et des autres font ressortir en quoi son engagement et son comportement étaient similaires à celui des autres communards, et tranchaient avec la place réservée à la femme dans la société de l'époque. Il apparaît ainsi une fibre féministe. Le titre complet de l'ouvrage mentionne la vision d'une utopie. Cela commence avec la conviction de Louise Michel que les découvertes scientifiques ne peuvent qu'apporter un progrès social. Les auteurs mentionnent Jules Verne, mais surtout Mary Shelley (1797-1851), Herbert George Wells (1866-1946), Edward Bellamy (1850-1898), et Albert Robidal (1848-1926) illustrateur, caricaturiste, graveur, journaliste et romancier français. Il y a donc en filigrane une évocation des romanciers ayant fantasmé un monde meilleur au travers de leurs écrits d'anticipation ou de leurs essais, tout comme la Commune de Pais était fondée sur une vision utopique de la société. Arrivé à la fin du récit, il ne reste plus au lecteur qu'à s'interroger sur le lien qui unit la vie de Louise Michel à cette étrange introduction et conclusion mettant en scène Henry François Reichelt, lui aussi le concepteur d'une invention révolutionnaire qui l'a testé sans filet, comme la Commune était sans filet.



Les époux Talbot évoquent la vie de Louise Michel dans un bande dessinée dense, tout en étant très facile à lire. La narration visuelle est impeccable pour reconstituer les différentes époques et les différents lieux (de Paris à la Nouvelle Calédonie), pour une vraie bande dessinée, et pas un texte illustré. Le lecteur sortira forcément frustré de sa lecture, que ce soit sur le déroulement de la Commune de Paris, ou sur la vie même de cette femme car il y a trop à dire pour la pagination.
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Louise Michel, la Vierge Rouge

On commence la bande dessinée avec une définition de l'utopie ainsi qu'une citation d'Oscar Wilde et Samuel Beckett. Nous voilà dans l'ambiance pour prendre la température. Puis nous allons à la rencontre de Mme Charlotte Perkins Gilman arrive à la gare de Lyon à Paris le 22 janvier 1905. Dans les rues de tumulte règne, le cortège funèbre de la vierge rouge de Montmartre défile. Les deux femmes se sont déjà rencontrées. Elles partageaient la même obsession pour le roman utopique. Quelle belle opportunité pour partir dans le temps comme en 1870 où on retrouve Louise Michel. Paris est encerclé. Les Prussiens sont partout. La tension est palpable. Les gardes nationaux touchent un salaire mais cela ne les empêche de tout garder pour eux et surtout boire.

Albert Robido comme Jules Vernes aiment les sciences et technologies. Le premier est spécialisé sur la caricature. Son nom est souvent évoqué. On est surpris par l'approche dans le récit et des références anglaises ou américaines


Lien : https://22h05ruedesdames.com..
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Louise Michel, la Vierge Rouge

Durant mes études, j’ai étudié la Commune, je me souviens de notre professeur d’Histoire en hypokhâgne évoquant la Commune et Louise Michel, surnommée « la pétroleuse » par ses détracteurs, alors quand j’ai trouvé cette BD par hasard, j’ai eu envie de m’y plonger un peu pour découvrir cette femme que l’on ne connaît que trop peu. Je l’intègre tout naturellement dans mon Pumpkin Autumn Challenge dans la catégorie « Les Rêves d’Aurore » du menu Automne des enchanteresses : une femme qui milite pour l’égalité, pour les droits des femmes et pour la liberté, cela rentre parfaitement dans le thème.



Je trouve cette BD très réussie graphiquement parlant. Certaines pages sont noires, les vignettes se découpant comme un halo de lumière ; d’autres au contraire sont blanches. Les vignettes ont des dimensions différentes : un carré, un rectangle, une moitié de page, et lorsque l’émotion doit être mise en valeur, des doubles pages qui montrent l’horreur de la Commune, l’horreur des exécutions perpétrées par les Versaillais. Ce travail sur la vignette et sur la page en elle-même confère de la douceur au récit, et mime le mouvement de la remémoration par le floutage des contours des vignettes. Ces choix graphiques empreints de douceur contrastent avec la violence des événements relatés, ce qui est très agréable. Le choix des couleurs utilisées est également signifiant : du blanc, du noir et du rouge. Rouge pour le communisme – bien sûr – rouge aussi pour le désespoir et le sang. Cela rend l’ensemble très efficace car dès que nous voyons de la couleur, nous savons que cela revêt une importance particulière. Les visages des personnages sont expressifs et permettent de soutenir le propos. Ainsi, la partie graphique comble les attentes du lecteur.



Du point de vue du récit, j’ai adoré découvrir la femme qu’était Louise Michel et je dois avouer que je ne savais finalement que peu de choses avant cette lecture. De page en page, j’ai découvert une personne hors normes, en avance sur son temps et très attachante. Elle était avide de liberté, une liberté adossée à l’égalité. En exil, elle a donc milité pour les droits des autochtones, a trouvé leur révolte légitime, en France, durant la Commune, elle aspirait à une vraie égalité homme / femme, à une société où l’instruction aiderait à grandir, où une femme mariée ne renoncerait pas à tout pour passer sous la coupe de son mari. Les auteurs font transparaître une femme d’un optimisme rare, une femme de convictions, passionnée par les utopies, passionnée par le progrès, grande admiratrice de la Tour Eiffel, symbole d’un renouveau. Par moments, bien entendu, elle est étrange, intransigeante, excessive. Pour autant, son combat parle encore et semble juste. Dans cette BD, Louise Michel est racontée par les autres, par les femmes qui l’ont connue et admirée. Cela ajoute un filtre au récit mais donne un ton résolument féminin à l’ouvrage.



Une grande littérarité s’échappe de ce livre : la correspondance de Louise Michel et de Victor Hugo est évoquée, les poèmes que Louise écrivait, faisait publier pour lever des fonds et aider les démunis également. Nous voyons évoluer la conférencière Charlotte Perkins-Gilman (qui était pour moi une illustre inconnue!), tout comme Albert Robida, une artiste-illustrateur-caricaturiste que j’ai découvert à l’occasion de cette lecture. J’ai beaucoup aimé les mentions de Jules Verne et de H.G. Wells aussi. Finalement, cette BD fait exister Louise Michel dans son siècle : un siècle de transformation politique, mais aussi un siècle résolument littéraire et artistique. J’ai trouvé que cela conférait une vraie densité et cela instaure une forme de vérité historique. Nous découvrons non pas une femme seule, mais des femmes au contact d’autres penseurs, d’autres intellectuels avec qui elles étaient d’accord ou non. Enfin, les dernières pages, précisant les sources des auteurs, ajoutant des détails historiques, permettent de faire le tour de la question d’une certaine manière et de prolonger notre visite au cœur de cette époque. Si cela fait plus documentaire que BD, c’est intéressant, et après tout, le lecteur est libre de lire de manière approfondie, de survoler ou d’ignorer ces dernières pages. Il n’y a donc rien à redire.



Cette BD est donc une très chouette découverte. J’ai appris quelque chose en lisant, et je suis vraiment contente d’en savoir plus sur Louise Michel. Les graphismes sont efficaces et très agréables.
Lien : https://lesreveriesdisis.com..
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Louise Michel, la Vierge Rouge

Après une page où l'on voit un homme réfléchir à l'invention du parachute, on rejoint Monique à la gare de Lyon, où elle attend la conférencière Charlotte Gilman. Les deux femmes patientent un peu avant de rejoindre l'hôtel car dehors passe le cortège funèbre de Louise Michel. Les deux femmes l'ont connue, Monique très bien, car elle est la fille de sa meilleure amie Eliane, et Charlotte, quant à elle, a passé une soirée en sa compagnie en Angleterre quelques années plus tôt, alors que Louise faisait elle-même une tournée de conférences.



Les deux femmes entreprennent - enfin surtout Monique à l'intention de Charlotte - de retracer le parcours de Louise de la Commune à son retour du bagne. En soirée, elles seront rejointes par Eliane, la mère de Monique.



Je savais que Louise Michel était une icône, en quelque sorte, un emblème de la Commune de Paris, mais j'ignorais quasiment tout de sa vie, et j'ai été surprise, très agréablement surprise même, de son comportement lors de son exil après son bannissement, tant auprès des autochtones qu'à son refus de rentrer sans ses compagnons !



Ce court aperçu de sa vie de lutte en images m'a furieusement donné envie d'en savoir plus en tous cas !
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Louise Michel, la Vierge Rouge

Entre l’effervescence révolutionnaire et féministe, cette BD offre à voir la vie de Louise MICHEL à partir d’une discussion entre militantes féministes prenant place au soir de la marche funèbre qui célèbrera la Vierge Rouge. Autour des questions de l’américaine Charlotte PERKINS GILMAN, de passage en France en 1905, on arpente au fil de nombreux souvenirs la vie de Louise MICHEL en remontant aux prémisses de la Commune, fin 1870, avant de suivre la Vierge Rouge en Nouvelle-Calédonie où elle sera exilée comme tant d’autres communards, jusqu’à son retour en Europe, où elle combattra encore des années pour l’émancipation et l’éducation, notamment des femmes.



Paradoxalement à son positionnement anticlérical – trait commun à la majorité des anarchistes – Louise MICHEL a fini par être sanctifiée pour sa vie, menée sous la bannière d’un altruisme quasi-absolu et littéralement sans frontière. Combattante sans concession de la Liberté, féministe déterminée, on retrouvera Louise MICHEL sur les barricades d’un Paris en proie à la guerre, proclamant la Commune, démontrant par sa bravoure et sa rage que les femmes sont parfaitement aptes à prendre les armes aussi bien que leur destin en mains.

La « Semaine Sanglante » met fin aux ébauches de l’utopie (si chère à Louise) en construction, les Communards sont massacrés – on estime à 30.000 le nombre de parisiens tués par le pouvoir en place. Louise MICHEL en sort vivante, mais est envoyée en exil en Nouvelle-Calédonie. Sur place, elle continuera à défendre les opprimés ainsi que ses convictions.

De retour en France et toujours fascinée par les Sciences, Louise aura la chance d’assister à la construction de la Tour Eiffel tout en faisant vagabonder en parallèle ses réflexions sur une société où l’éducation et l’émancipation des femmes seront le terreau d’un monde plus libre et harmonieux.



Celle que l’on surnomme la Vierge Rouge est élogieusement dépeinte dans des planches aux traits doux, aux tons pastels oscillant entre nuances de gris et sépias, que viennent vivifier quelques notes parcimonieuses de rouges. L’ensemble est très agréable à l’œil et quelques pleines pages ou variantes d'illustrations agrémentent parfaitement le rythme du récit.



Nous sommes actuellement au printemps 2021, la Commune de Paris fête son 150ème anniversaire cette année. Replonger dans l’Histoire de ce moment populaire empreint d’émancipation et d’humanisme est un bel hommage à Louise MICHEL ainsi qu'à toutes celles et ceux qui prirent part à la lutte pour défendre l’utopie, défendre l’idée qu’une société plus libre, plus juste, est non seulement possible, mais indispensable.



Une sympathique lecture pour découvrir Louise MICHEL et les combats de sa vie.
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Rain

Ce tome contient une histoire complète, initialement parue en 2019, sans prépublication. Il s'agit d'une bande dessinée se présentant dans un format à l'italienne. Elle a été réalisée par les époux Mary & Bryan Talbot, elle se chargeant plus du récit, et lui de la narration visuelle. Leur précédente collaboration était un récit de la vie de Louise Michelle : The Red Virgin and the Vision of Utopia , paru en 2016.



Vers l'an 1800, Alexander von Humboldt (1769-1859) voyage dans la région équatoriale des Amériques, en compagnie d'un indien. Il constate les conséquences de la déforestation sur la flore et la faune de la région, l'augmentation des pluies et de leurs conséquences, l'érosion des sols. Le 27 décembre, la ville de Thrushcross dans le Yorkshire est complètement inondée par le fleuve sorti de son lit. Les rues étant immergées sous 30 à 60 centimètres d'eau. De la boue s'est déposée. Un bateau s'est échoué sur le toit d'une voiture. Les habitants ont chaussé leurs bottes et commencent à repousser la boue, et à sortir les objets rendus inutilisables par l'inondation. Le récit revient trois ans et demi plutôt, avec Cath venant de Londres pour rendre visite à sa conjointe Mitch, dans une région rurale du Yorkshire, au nord de l'Angleterre. Mitch attire l'attention de Cath sur un courlis qui passe dans le ciel. Elles sont en train de marcher dans la lande. Un groupe d'une demi-douzaine de personnes les rejoint. Une dame avec les cheveux blancs explique qu'ils se trouvent sur une nappe tourbeuse en bon état. Elle attire leur attention sur plusieurs plantes : des droséras, des linaigrettes, des éricacées. Un peu plus tard, Cath attend Mitch dans un café. Elle s'étonne d'entendre des coups de feu. Le monsieur avec des dreadlocks à la table à côté lui explique qu'il s'agit du garde champêtre et que la chasse au tétra commence demain. Il cite quelques chiffres : le record est de 94 tétras abattus en 21 minutes par un seul chasseur.



Mitch arrive et dit bonjour à Cath, puis à Aaron, le présentant comme l'un des volontaires plantant des arbres. Les deux femmes rentrent chez Mitch et rangent ses courses : des légumes issus de l'agriculture biologique. Mitch propose à Cath de l'accompagner pour une marche préparatoire avec une association locale. Cath finit par se laisser convaincre, et elles mettent leurs chaussures de marche. Une fois sur la lande, Mitch explique à Cath qu'il s'agit d'un mouvement pour la préservation du marais. Aujourd'hui, il s'agit de vérifier les dégradations de l'écosystème. Mitch se met à chanter Wuthering Heights, la chanson de Kate Bush. À Cath qui s'étonne de son goût musical, elle explique qu'elles sont dans la région où ont vécu les sœurs Brontë, un musée leur étant consacré se trouvant de l'autre côté des monts à Gimmertown. Pendant que deux tétras passent devant elles, elles évoquent l'adaptation en film du livre d'Emily Brontë qu'elles ont vu ensemble au cinéma. Mitch évoque les aménagements réalisés par les chasseurs : les fossés pour drainer les sols, la tourbe brûlée. Elles sont rejointes par un groupe d'une dizaine de personnes, dont la dame aux cheveux blancs qui montre une zone de terre dénudée, là où la tourbe a été brûlée, détruisant également la mousse.



Inutile de tourner autour du pot : il s'agit d'une bande dessinée écologiste mettant en scène un couple formée d'une femme convaincue de la nécessité de faire quelque chose, d'une autre qui découvre progressivement ce que l'autre sait déjà. Un lecteur allergique à ce genre de vulgarisation peut passer son chemin. Mary Talbot et Bryan Talbot ne sont pas les premiers venus en termes d'auteurs, la première une universitaire, le second un auteur de bande dessinée ayant entamé sa carrière à la fin des années 1970. Ensemble ils ont déjà réalisé des bandes dessinées sur Lucia Joyce, la fille de James Joyce, le mouvement des suffragettes, Louise Michelle. Le lecteur découvre donc une phase de la relation amoureuse entre Mitch et Cath qui sert de support à la préservation de la nappe tourbeuse dans le nord du Yorkshire. Le savoir-faire des auteurs fait que cette histoire se lit avant tout comme une bande dessinée, et non pas comme un pamphlet illustré. Mitch et Cath ne sont pas des coquilles vides : elles ont une vraie personnalité, une histoire commune, des envies différentes, des caractères différents, les amis de l'une ne sont pas automatiquement ceux de l'autre. La narration visuelle n'est pas une suite de schéma, de planches botaniques, ou de personnages en train d'expliquer de manière artificielle.



Bryan Talbot réalise des dessins dans un registre descriptif avec un fort niveau de détails. Pour les 3 pages d'ouverture consacrées à Alexander von Humboldt et les 2 de fin, il réalise des cases à la manière de gravures d'époque. Suit un dessin en double page montrant Thrushcross en vue du ciel, les rues étant inondées. Les deux pages suivantes sont également dépourvues de texte et les case montrent les dégâts de l'inondation. Tout au long de ces 150 pages, l'artiste ne ménage pas sa peine pour donner à voir cette ville fictive du Yorkshire : un café, le pavillon de Mitch, son aménagement intérieur dans plusieurs pièces, son jardin cultivé, le cottage du père de Cath, l'entrée du musée Brontë, un pub avec les poutres apparentes du plafond, des bancs le long du quai du fleuve, les rues pavées sous la pluie, la montée du niveau de l'eau dans la rivière, et même quelques vues de Londres à l'occasion d'une manifestation écologique. Il investit tout autant de temps pour montrer les zones naturelles, leur relief, la faune et la flore : les différentes plantes nommées par la dame aux cheveux blancs, les espèces d'oiseaux comme le tétra, une grenouille en train de passer, les chemins de pierre à travers la lande, les champs de blé avec le passage d'une moissonneuse-batteuse, la terre mise à nue et desséchée, les murets de pierre qui séparent les champs, la vie microscopique présente dans le sol, un sorbier des oiseleurs au fil des saisons, etc. La narration visuelle est vivante, tirant partie des spécificités de la bande dessinée, en termes de mise en page, de succession de cases, de possibilités sans limite d'accessoires, de lieux, d'éclairage, de direction d'acteurs, d'effets spéciaux comme une inondation ou la recréation d'une partie de chasse au tétras.



Le lecteur se prend de sympathie pour le couple formé par Mitch et Cath. La première n'est pas une militante extrémiste, juste une personne consciente de la manière dont la nourriture industrielle est produite et des éléments chimiques qu'elle peut contenir. Elle assiste aux transformations des zones naturelles autour de la ville dans laquelle elle habite, et elle y prête attention car elle en subit les conséquences de manière directe, avec sa maison inondée comme les autres. Cath est moins impliquée qu'elle, vivant à Londres, et n'ayant pas la possibilité financière de se nourrir avec des produits issus de l'agriculture biologique, n'assistant pas à la transformation de l'environnement naturel. C'est donc tout naturellement que sa conjointe lui explique quelques notions basiques, sans que cela n'apparaisse comme un artifice bien pratique pour exposer scolairement les enjeux. Bien sûr, Mitch et Cath cherchent à comprendre comment la transformation de l'environnement intervient, comment l'association des chasseurs peut créer des fossés pour drainer la nappe tourbeuse, sans remarques, sans rappel à l'ordre, comment des citoyens écologistes peuvent faire appliquer la loi, sans avoir à se radicaliser. Mary Talbot prend bien soin de marquer la différence entre les actions de Mitch et ses amis, et entre celles de militants estimant que seules des actions de sabotage peuvent attirer une attention suffisante. Le lecteur voit bien que Mitch et les autres n'ont rien de fous furieux, ou d'extrémistes dangereux. Du coup, par contraste, il a du mal à rationnaliser la chasse au tétra telle qu'elle se pratique dans cette région. Il comprend comment des intérêts privés peuvent mettre à profit le désengagement des pouvoirs publics dans certaines dimensions de la gestion du territoire, en toute légalité.



Effectivement, le récit est engagé et pointe du doigt certains intérêts locaux. D'un autre côté, le lecteur ressent bien que Mary & Bryan Talbot sont amoureux de leur région, à la fois pour sa culture (les sœurs Brontë), à la fois pour ses paysages. Leur discours n'est pas radical : leur démarche semble avoir été la même que celle de Mitch et Cath. Ils ont cherché à savoir ce qui provoquait les crues destructrices qui se produisent dans le Yorkshire et qui font les gros titres, dans la vie réelle. Cela aboutit à une histoire engagée et éducative, dans le bon sens du terme, ainsi qu'à un roman sur l'évolution d'un couple, et l'engagement des deux amoureuses dans une forme de vie commune. S'il est allergique à ces caractéristiques, le lecteur ne peut pas apprécier cette bande dessinée. S'il n'a pas d'apriori négatif contre ces caractéristiques, il se rend compte qu'il éprouve vite de la sympathie pour Mitch & Cath. Il regarde Mitch et d'autres habitants subir les inondations, mais ne pas rester sans rien faire. Il voit que leur compréhension les incite à agir de manière légale et posée pour éviter que la situation n'empire, pour pouvoir continuer à profiter de la lande environnante, et pour éviter la destruction de leurs habitations. Ils agissent localement avec leurs moyens, sans chercher à tout révolutionner, à tout casser, ou même simplement à détruire. De ce point de vue, Mary & Bryan Talbot ont réussi à transformer des images de catastrophe, diffusées à la télé et semblant lointaines, en une réalité préoccupante, contre laquelle il est possible de faire quelque chose.
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Louise Michel, la Vierge Rouge

Un roman graphique autour d’une figure féminine centrale de la Commune de Paris, Louise Michel. J’ai aimé apprendre des choses sur cette femme dont j’ignorais une partie des combats (notamment celui qu’elle a mené auprès des populations autochtones en Nouvelle Calédonie où elle a été envoyée en exil suite à la Commune). C’est une femme qui avait le combat pour la justice et pour les plus démunis chevillé au corps. Un courage et une abnégation assez exceptionnels. En revanche le graphisme ne m’a pas convaincue. Beaucoup de dessins en noir et blanc sans doute pour mieux faire ressortir le rouge associé à Louise Michel mais ça ne donne pas vraiment envie de lire le texte. Dommage. Cette grande dame aurait mérité mieux.
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Louise Michel, la Vierge Rouge

On parle souvent du massacre de la Saint Barthélémy comme un des plus sanglant de Paris, mais plus près de nous dans le temps, il y eut la "semaine sanglante" contre la Commune de Paris qui fit à peu près autant de victimes...

Résumer la vie de Louise Michel dans une bande dessinée s'avère plutôt complexe, mais j'ai beaucoup appris sur cet épisode peu connu dans les pages de Mary M. Talbot et Bryan Talbot.
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Louise Michel, la Vierge Rouge

Publié en 2016, "Louise Michel, la Vierge Rouge" est le troisième roman graphique commun de Mary et Bryan Talbot qui sont respectivement auteur et dessinateur britanniques, et c'est le premier traduit en français. Tant mieux pour moi qui ne maitrise pas suffisamment l'anglais pour le lire.

Ils s'intéressent à l'histoire des femmes et proposent une biographie de Louise Michel particulièrement bien documentée. La preuve avec, à la fin de l'album, une quinzaine de pages de notes passionnantes détaillant l'histoire et les sources utilisées mais pas nécessaires à la lecture (c'est un complément).



Nous sommes à Paris le 22 janvier 1905, à la gare de Lyon, où une jeune femme attend Charlotte Perkins Gilman, sociologue et écrivaine américaine dont l'oeuvre a eu une grande influence sur le féminisme. Ce jour n'est pas ordinaire puisque c'est le jour de l'enterrement de Louise Michel que les deux femmes ont connue. Monique, la jeune femme, parce que c'est la fille d'une amie de combat qui a été blessée sur les barricades pour défendre Paris face aux versaillais en 1871 et Charlotte Perkins Gilman parce qu'elle a croisé Louise Michel à Londres pendant leurs tournées de conférences et avec qui elle a partagé la même obsession, le roman utopique.

Les deux femmes vont donc raconter ce qu'elles connaissent de Louise Michel, ses débuts à Montmartre où elle se dévoue pour les enfants défavorisés puis son engagement dans les luttes féminines en tant qu'adhérente à l'Internationale socialiste. Sa participation au siège de Paris et à la Commune. A cette époque, pour que sa mère ne soit pas inquiétée, elle se rendra aux Versaillais. Louise Michel sera condamnée à la déportation à Nouméa en Nouvelle-Calédonie où elle s'intéressera à la flore mais surtout aux problèmes des Canaques. L'amnistie de 1880 va lui permettre de rentrer à Paris, de voir l'exposition universelle de 1889 et de reprendre ses activités révolutionnaires et anarchistes jusqu'à sa mort en 1905.



Cette vie trépidante d'une femme engagée qui reste droite face à l'adversité m'impressionne car jamais Louise Michel ne cessera de défendre les valeurs d'éducation, d'égalité, de progrès.

J'ai beaucoup aimé ce roman graphique au format très agréable. Il y a juste un détail que je n'ai pas compris, c'est la référence à Franz Reichelt, un tailleur d'origine autrichienne vivant en France et qui aurait inventé le parachute. Il y a quelque chose qui a dû m'échapper.





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Louise Michel, la Vierge Rouge

Avant tout, je voudrais remercier mon amie Sophie qui m’a offert cette chouette BD pour mon nowel.







Louise Michel, je connaissais beaucoup de noms. Avec cette BD sous forme de biopic, j’ai pu découvrir cette femme de conviction. Et j’avoue que je pense me pencher sur une biographie d’elle pour en apprendre beaucoup plus, surtout sur sa condamnation en Nouvelle-Calédonie.







Pour le contenu, comme je ne connais pas très bien le personnage, je ne saurais quoi vous dire. Cependant, je pense que la vision que les auteurs anglais lui donnent doit avoir un recul que nous, Français, n’avons pas forcément sur nos hommes et femmes politiques, encore plus pour des personnages controversés comme Louise Michel.



On suit le récit de femmes ayant connu Louise Michel dans ses combats et ses actions. On peut aussi découvrir comment la mort de cette figure de la commune et de l’égalité est perçue par d’autres personnalités non françaises.



Il y a quelques choses de puissant dans cette BD et je pense que cela vient des choix des auteurs des scènes et des moments historiques à évoquer.







Mais cette puissance vient aussi que l’ouvrage est en noir et blanc, parfois ponctué de rouge. Je crois que le visuel de la BD m’a permis de me plonger dans cette période de l’histoire qui fut sombre, mais aussi très importante pour les droits sociaux et pour l’égalité des femmes.







L’ouvrage est ponctué de très nombreuses notes qui permettent d’approfondir ce que l’image ne montre ou ne développe pas toujours.







J’ai beaucoup apprécié ma lecture que j’ai trouvée très bien construite pour une première approche du personnage de Louise Michel. De plus, l’ouvrage propose une bibliographie – beaucoup en anglais – pour permettre de continuer l’aventure avec cette femme de conviction.
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Dotter of Her Father's Eyes

Il s'agit d'un récit complet initialement paru en 2014. Le scénario est de Mary M Talbot, les dessins, l'encrage et la mise en couleurs de Kate Charlesworth. Bryan Talbot a apporté son aide à la réalisation de l'ouvrage, dans une mesure non précisée. Lui et Mary Talbot avaient déjà réalisé ensemble Dotter of her father's eyes, ouvrage évoquant la vie de la fille de James Joyce.



Comme son titre l'indique, ce récit se focalise sur le mouvement des suffragettes en Angleterre, couvrant la période de 1905 à 1916, avec un épilogue en 1969. Le récit commence en 1912, avec une scène sur le procès d'Helen Millar Craggs, suffragette, accusée d'acte de destruction. Toujours en 1912, la scène suivante montre le premier ministre anglais Asquith en visite à Dublin se faire agresser par une suffragette. Enfin, toujours en 1912, les époux Emmeline et Frederick Pethick-Lawrence apprennent que le gouvernement a saisi leur maison pour rembourser les frais causés par les destructions des suffragettes.



Le récit reprend ensuite un ordre chronologique en repartant en 1905, alors que Sarah Heathcote est recueillie comme bonne à tout faire dans la demeure de madame Emmeline Pankhurst.



Dans un premier temps, le lecteur s'interroge sur le choix de débuter le récit en 1912, pour revenir peu de pages après en 1905. Il est indubitable que cela crée une tension dramatique, de savoir que les personnages que l'on voit évoluer à partir de 1905 finiront par se séparer en raison d'un désaccord sur les actions à mettre en œuvre.



Passé cette petite interrogation sur ce choix narratif, le lecteur comprend qu'il entre de plein pied dans une fiction historique, ayant pour objet les suffragettes, c'est-à-dire les militantes de la Women's Social and Political Union (WSPU), des activistes militant pour le droit de vote des femmes au Royaume Uni, en utilisant des méthodes provocatrices et même agressives. Les Talbot et Charlesworth convient le lecteur à une reconstitution historique et à l'histoire d'un mouvement civique.



Kate Charlesworth réalise des dessins avec une approche réaliste, sans obsession du détail, sans rechercher un rendu photographique. Elle s'attache à reproduire fidèlement les lieux d'époque, ainsi que les tenues vestimentaires. Le lecteur peut donc reconnaître plusieurs quartiers de Londres (où se déroule la majeure partie du récit), ainsi que détailler les tenues vestimentaires, les rues, les façades, les parcs municipaux, ou encore les voitures. Il peut accorder sa confiance aux images qu'il découvre pour respecter la véracité historique.



La dessinatrice s'attache à représenter des personnages normaux aux morphologies variées, évoluant dans des environnements plausibles. Ainsi le lecteur peut apprécier les aménagements intérieurs reflétant le niveau de revenus des habitants, depuis les intérieurs bourgeois cossus aux meublés exigus.



Le lecteur apprécie également l'usage particulier des couleurs. La majeure partie des dessins ne sont rehaussés que par des lavis de gris, parfois légèrement teinté de bleu. Cet usage des lavis donne certes un air daté aux pages (pour renforcer le fait qu'il s'agit de faits historiques), mais il permet également d'autres effets. En particulier, l'artiste se sert des lavis pour donner du volume à chaque surface (sans que cela ne devienne un festival de dégradés lissés). L'usage majoritaire de lavis gris permet aussi de faire ressortir les éléments qui bénéficient d'une autre couleur. Il en va ainsi de la chevelure flamboyante de Sally Heathcote (le personnage principal), immédiatement repérable grâce à cette tâche de couleur orange sur fond de niveaux de gris.



L'emploi de lavis gris permet également à Kate Charlesworth de faire ressortir avec plus de force les couleurs du WSPU : le vert, le blanc et le violet (Green, White, Violet, ce qui donne GWV qui peut aussi se lire Give Women Votes). De par la nature du récit, elle se retrouve souvent à dessiner des visages en train de parler (au moins le tiers des cases). Le lecteur apprécie à nouveau l'approche naturaliste de l'artiste qui ne cherche pas à embellir chaque personnage.



Charlesworth s'investit de manière visuelle dans la représentation des visages en train de parler, en particulier pour faire apparaître les émotions animant les interlocuteurs. Si certaines bouches sont dessinées de manière un schématique, les expressions transcrivent bien l'état d'esprit de l'individu, de la passion qui l'habite, à la souffrance qu'il éprouve. Cette application lui permet de donner à voir au lecteur la souffrance physique des grévistes de la faim nourries de force, ou encore la détermination implacable d'Emmeline Pankhurst, avec son visage fermé, ses traits tirés et son air désagréable. L'artiste réussit à faire passer l'émotion, sans transformer le lecteur en voyeur, sans représenter les détails les plus sordides.



À la fin de ce tome, le lecteur trouve une chronologie sur 2 pages, 18 pages de notes de l'auteure explicitant chaque référence, ainsi que 2 pages de références bibliographiques. Mary Talbot prévient en début des 16 pages de notes qu'elles ne sont pas indispensables à la compréhension du récit, et qu'elles gagnent à être lues après l'histoire. Elle souhaite donc que le lecteur apprécie cette histoire, avant tout comme un récit. Pour mieux rendre compte du mouvement des suffragettes, elle introduit donc le personnage fictif de Sally Heathcote qui permet au lecteur de mieux se projeter dans l'époque, et d'éprouver ses sentiments.



Sally Heathcote n'a rien ni d'une dangereuse agitatrice, ni d'une idiote manipulée. C'est une jeune femme qui est le produit de son époque et de sa catégorie sociale (une orpheline laissée aux bons soins d'une institution (un atelier de travail pour enfants), et prise en charge par Emmeline Pethick-Lawrence. Elle sait lire ce qui lui permet de s'instruire au fur et à mesure qu'elle se trouve entraînée dans ce combat pour gagner le droit de vote féminin.



Mary Talbot ne s'attache pas à montrer la misère des classes ouvrières, ni même les situations précaires des femmes seules, ou veuves ayant des enfants à charge. Ces situations ne sont qu'évoquées par des tierces personnes, mais pas montrées. L'enjeu véritable du récit réside dans la présentation d'un mouvement de revendication, avec ses différentes facettes, en suivant une suffragette équilibrée, proche d'Emmeline Pankhurst, mais pas sa secrétaire particulière.



À la fin du récit, le lecteur peut éprouver un sentiment de déception en fonction de ce qu'il était venu chercher. En effet il s'arrête en 1916, c'est-à-dire avant la mise en place partielle (1918) ou totale (1928) du droit de vote des femmes. Les auteures se sont donc plus attachées à rendre compte du mouvement des suffragettes, de leur mode de fonctionnement, de leur financement, de leur choix de tactiques, vécu au niveau d'une suffragette. Avec cet objectif en tête, le lecteur se rend compte qu'il est atteint de manière admirable.



Les auteures plongent le lecteur dans le contexte social de l'époque, plus ressenti au travers des conversations, et vu dans les images (plutôt que longuement expliqué). Il assiste aux discussions menant aux choix de stratégie et de modes d'action. Il voit par lui-même la difficulté de mobiliser les élus, et l'opinion publique. Il constate les modalités de répression utilisées par le pouvoir en place pour étouffer le mouvement. Si les dessins édulcorent quelque peu la réalité des actions, ils en montrent bien les conséquences, et la narration met en lumière les risques pour les suffragettes.



Le lecteur découvre ainsi les premières grèves de la faim, les brutalités liées au nourrissage par la force, ou encore la répression des manifestations par les forces de l'ordre. Il comprend parfaitement l'intelligence de la loi dite "Chat et Souris" (Cat and mouse act") qui consiste à relâcher les grévistes de la faim trop affaiblies, et à les réincarcérer une fois leur vie hors de danger. Les notes en fin d'histoire permettent d'attester du sérieux des recherches effectuées par l'universitaire qu'est Mary Talbot.



"Sally Heathcote: Suffragette" réussit son pari : faire revivre les actions des suffragettes en les replaçant dans leur contexte social et historique, sans rien gommer du caractère illégal de certaines de leurs actions, au travers de la vie et des yeux d'une jeune femme. Mary Talbot, Kate Charlesworth, et Bryan Talbot racontent avant tout une histoire, un bon roman, avec une narration fluide, sans lourdeur dogmatique ou académique, une belle réussite.
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Louise Michel, la Vierge Rouge

Après « les damnés de la commune » de Raphael Meyssan, « le cri du peuple » de Tardi, Louise Michel, la passionata de la Commune, s’insurge dans le chaudron social du Paris de la fin du XIXème siècle.



Le titre annonce la couleur : Louise Michel est « vierge ». Elle n’aurait jamais été souillé par autre chose que la cause du peuple. La 1ere de couverture la représente en meneuse de l’Internationale, vociférant, tout de noire vêtue, agrippée à un oriflamme rouge sang, une barricade en toile de fond.



Sans respect de la chronologie et sous la forme d’un petit opuscule à la pagination modeste et à la couverture souple, la vie de Louise Michel est relatée par la bouche de ses contemporaines. Outre Théophile Ferré, on y côtoie Paule Minck et bien d’autres « pétroleuses ». Une tendresse certaine pour ces communards par opposition aux versaillais suinte d’un récit engagé.



D’extraction controversée dans un contexte nobiliaire désargenté de Haute-Marne, Louise Michel apparait à la fois militante féministe, blanquiste puis anarchiste, poétesse mais avant toute chose, enseignante. Des pavés gluants du Nord parisien au bagne de Nouvelle-Calédonie, elle insuffle un rêve émancipateur universel.



Pour matérialiser les évènements sanglants de ces semaines tragiques et cataloguer les émeutiers autant socialistes qu’anarchistes, Bryan Talbot agrémente ses lavis charbonneux de superbes touches écarlates carmin : couleur sang mais aussi couleur révolutionnaire s’il en est.



Le temps est aux œillets rouges. C’est le temps des « cerises ».



Une passionnante lecture que le dossier historique en fin d’ouvrage vient opportunément compléter.
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Louise Michel, la Vierge Rouge

Le destin peu ordinaire d'une vie assez Commune



Évidemment, Louise Michel, la Commune, le rêve libertaire, le féminisme...on aimerait pouvoir en dire du bien.

Hélas, ce roman graphique est plutôt ennuyeux.



Il y a d'abord, le traitement de l'histoire, assez confus.

Les auteurs (le couple américain Mary et Bryan Talbot) ont choisi de faire raconter en flash-back, la vie de Louise Michel.

On démarre donc en janvier 1905. Louise Michel vient de décéder et son corps, transporté en train depuis Marseille, arrive à la Gare de Lyon.

Au même moment, une jeune femme, Monique, accueille Charlotte Perkins Gilman, une conférencière féministe et socialiste américaine. Cette dernière, apprenant la raison d'un tel déploiement policier, évoque alors Louise Michel qu'elle a rencontré à Londres et les deux femmes, bientôt rejointes par la mère de Monique, retracent la vie de la Vierge Rouge. Défilent alors les épisodes de sa participation à la Commune, sa déportation en Nouvelle-Calédonie (où grâce à une méconnaissance de ce territoire par l'administration confondant une île-bagne avec une presqu'île plus accueillante près de Nouméa, elle séjournera dans des conditions relativement confortables) jusqu'à son retour en métropole et la poursuite de diverses luttes autour de l'éducation, l'égalité sociale, le féminisme...entrecoupée de fréquents séjours en prison...



Les récits s'entrecroisent jusqu'à rendre l'ensemble assez décousu. Par exemple, on assiste d'abord à l'exposition parisienne de 1889 avant de se retrouver quelques années plus tôt avec la Tour Eiffel en construction. Et puis on peine parfois à savoir qui est qui : Louise Michel, la petite fille qu'elle a protégée, sa mère...?



Sinon, l'ensemble est très documenté (le livre comprend une importante partie de notes qui renvoient aux différents passages) et aborde à peu près tous les aspects de la vie de la "Vierge Rouge", même s'il survole -volontairement- quand même quelques points importants comme le ralliement à partir du bagne, de Louise Michel aux idées anarchistes, ses "compagnes", son amitié avec le pourtant très contestable Henri Rochefort ...

En revanche, il met en lumière des aspects peu connus (de moi en tous cas) de Louise Michel et notamment son amour pour les récits d'anticipation et son optimisme quant aux débouchés scientifiques.



Il s'agissait sans doute d'une femme exceptionnelle et ce récit rempli de situations héroïques, d'élans de générosité, d'actions courageuses...aurait dû me soulever, il n'en est rien.

A plusieurs reprises, devant certains comportements ou des sentences un peu emphatiques, je me suis même surpris à fredonner du Brassens ("Mourir pour des idées") dont l'"anarchisme" m'attire définitivement davantage.



J'ai d'autant plus regretté ma position de social-traitre que le dessin est excellent, même si on peut s'étonner de la proximité graphique avec Tardi qui, lui aussi mais de manière plus large, a traité cette période ( le Cri du peuple, tome 1 : Les Canons du 18 mars . Bryan Talbot pousse même la ressemblance jusqu'à n'autoriser que la couleur "rouge" en plus de son N & B.



Un bel objet, mais que je ne considère pas comme indispensable, les bons sentiments ne faisant pas toujours de grands livres.
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Dotter of Her Father's Eyes

Il s'agit d'un récit complet semi-autobiographique en 1 tome, avec un scénario de Mary M. Talbot et des illustrations en couleurs de Bryan Talbot (son mari). Mary Talbot est une universitaire spécialisée dans le langage et la communication médiatique, Bryan Talbot est un auteur de comics anglais ayant plusieurs créations à son actif dans une palette de genres très large. Il y a aussi bien de l'espionnage transdimensionnel (The adventures of Luther Arkwright), qu'une uchronie au dix-neuvième siècle (Grandville), une reconstruction d'une adolescente après maltraitance (The Tale of One Bad Rat), ou un récit sans parole (Metronome).



Mary Talbot s'apprête à prendre le train. Alors qu'elle farfouille dans un tiroir pour retrouver sa carte de transport, elle tombe sur une carte avec une photographie d'identité de son père, et une phrase extraite de Finnegans wake de James Joyce lui revient à l'esprit. Une fois installée dans le train, elle lit une biographie de la fille de James Joyce : Lucia Joyce de Carol Loeb Shloss. Une dispute entre 2 enfants dans les sièges à coté lui rappelle ses relations avec ses 4 frères quand elle était enfant. Tout au long du récit, elle va évoquer ses souvenirs alors qu'elle grandit, jusqu'à son engagement avec Bryan, la naissance de son premier enfant et la cérémonie d'enterrement de son père. Elle va en particulier passer en revue l'évolution de sa relation et de ses sentiments vis-à-vis de son père qui était un érudit spécialisé dans l'oeuvre de James Joyce, ayant toujours une citation de l'écrivain aux lèvres. En parallèle de ces souvenirs, elle évoque également l'enfance et l'émancipation de Lucia Joyce vis-à-vis de ses propres parents.



Cette histoire propose donc un récit autobiographique sous la forme d'un adulte évoquant son enfance, avec le recul né des années, entremêlé avec un récit biographique de la vie de Lucia Joyce. Dans les 2 cas, Mary Talbot évoque la relation père-fille, la place sociale implicite de la femme à l'époque concernée, l'importance de l'éducation dans l'émancipation de l'individu, et le cheminement vers la condition d'adulte. Les repères donnés dans le récit permettent de situer le début de l'autobiographie au milieu des années 1950 (fin du rationnement au Royaume Uni en 1954) et la biographie de Lucia Joyce indique qu'elle est née en 1907. Mary Talbot a opté pour une construction narrative en douceur qui raconte quelques moments choisis dans sa vie qui permettent de présenter son contexte familial, de voir la manière dont elle percevait son père au fil des années, à la fois par le biais de sa réaction de l'époque, et par une courte remarque insérée en dessus de l'illustration, en plus des dialogues, c'est-à-dire un bref commentaire avec l'avantage du recul procuré par les années passées. Elle trouve un équilibre magique pour intéresser son lecteur à ces petites scènes de la vie de famille, tout en insérant les éléments nécessaires à l'appréciation des aspects culturels relatifs à James Joyce.



N'ayant jamais lu de James Joyce et ne m'étant jamais intéressé à sa vie, je n'étais pas convaincu de me sentir impliqué par cette étrange imbrication entre la vie de Lucia Joyce et celle de Mary Talbot, baignant dans la personnalité de cet auteur hors norme. En fait les phases d'apprentissage de Lucia et Mary permettent à l'auteur d'insérer les éléments de connaissance indispensables, de manière naturelle au fil de la narration. Évidemment la lecture de "Dotter of her father's eyes" ne se substitue pas à la lecture de l'oeuvre de Joyce. Mais cette lecture m'a donné envie de m'intéresser à cet auteur, c'est ainsi que j'ai découvert la genèse extraordinaire de la traduction de "Finnegans wake" en français.



Au fil de ces scènes de la vie quotidienne, le lecteur se familiarise avec quelques aspects de la vie de Joyce, et une vision très parcellaire de l'importance de son oeuvre dans la littérature. Toutefois, ces éléments restent secondaires et entièrement au service de l'évocation de la vie de ces 2 femmes. Effectivement, petit à petit, le lecteur se laisse prendre au jeu de cette construction de la personnalité de 2 individus à 2 époques différentes. Mary Talbot parle avec intelligence de l'importance de l'instruction dans l'évolution d'un individu, du poids des conventions sociales, de l'incompréhension qui sépare une génération de la suivante (entre parents et enfants) du fait que chacune construit sa vie avec l'autre dans un rapport de nature différente. Au fil des pages, le lecteur se prend d'intérêt pour ces 2 femmes, et il se retrouve au sein d'une riche tapisserie dont la trame comprend aussi bien des fils sociétaux, qu'historiques, que littéraires, que psychologiques, de générationnels, etc.



Pour mettre en image ce roman autobiographique, Bryan Talbot utilise un style réaliste légèrement simplifié pour le rendre facile à lire. Chaque case montre un souci de l'authenticité des détails. Par exemple lorsque Mary continue d'effriter le plâtre d'un coin de mur, Talbot représente à la fois les briques mais aussi la cornière qui protège l'arrête de l'angle. Lorsqu'elle se trouve dans l'escalier de la maison familiale, le lecteur peut voir les barres transversales qui maintiennent le tapis de l'escalier en place. Au fil des années qui passent, le lecteur peut reconnaître un vieux modèle de téléviseur, ou apprécier les tenues vestimentaires de l'époque hippie. Cette volonté de rendre compte de l'environnement de l'époque s'étend également à la période concernant Lucia Joyce. Il s'agit d'un dispositif narratif permettant au lecteur de mieux s'immerger dans chaque scène ; toutefois ce dispositif ne devient jamais la raison d'être des images, il reste toujours en retrait.



Afin d'éviter toute ambigüité lors du passage d'une époque à l'autre, les scènes relatives à Mary sont dans une teinte sépia, et celles relatives à Lucia dans une teinte bleutée. Mary et Bryan Talbot ont travaillé en étroite collaboration, ce qui aboutit à des scènes d'apparence simple, qui transmettent les sentiments des individus avec aisance. Au fil des pages, le lecteur ressent la difficulté de s'affirmer de Mary face à son père, ainsi que les sentiments contradictoires qu'il génère en elle. La direction d'acteurs et le langage corporel portent énormément d'émotions. Les dessins prosaïques de Talbot expriment toute leur force également grâce à une mise en scène aussi rigoureuse qu'efficace. La description du premier accouchement de Mary est difficile à soutenir : en 3 cases muettes et discrètes les Talbot réussissent à faire passer la détresse de la jeune femme devant le déroulement des opérations.



Mary et Bryan Talbot racontent un récit mi-autobiographique, mi-biographique, qui évoquent aussi bien la condition de la femme à 2 époques différentes (sans militantisme, et d'un point de vue résolument féminin), que l'impact de la littérature sur la vie de ces individus, et de James Joyce directement (pour Lucia) ou indirectement pour Mary Talbot (par l'intermédiaire de son père). Il s'agit d'un voyage simple à partir de scènes de la vie de tous les jours, qui recèlent une grande richesse thématique.
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