L'ennui, c'est que tout était décuplé : la faim, la joie, la tristesse, l'angoisse, le bonheur, la beauté... Parfois, il lui arrivait de se sentir fatigué d'avoir simplement vécu.
La seule chose qui m'inquiète un peu, c'est ce qu'il adviendra de cet endroit après nous. J'aurais aimé te voir heureux, Nate, fonder une famille. Entendre les pas pressés de mes petits-enfants dans le couloir, les voir jouer dans le parc.
Ce fut tout simplement trop. Les larmes roulèrent sur ses joues. Que pouvait-il bien répondre à cela ? Qu'il avait déjà une famille, différente mais bien réelle ? Qu'il n'y aurait pas de descendance aux Stone mais qu'il restait toujours la possibilité d'inclure plus de monde dans le refuge qu'était devenu Bloomstone Manor ?
Lui qui avait toujours rêvé de se retrouver coupé de ses émotions, au moins un temps, se trouva bête : leur absence n'avait été que souffrance.
La vie valait la peine d'être vécue avec autant d'intensité.
[Parce que] les grandes personnes n'écoutent pas. Ne comprennent pas. On ne me prend pas au sérieux parce que j'ai cinq ans, et même si j'en ai bientôt six, je sais que ça ne changera jamais.
Vous savez, il y a des moments dans la vie où ça ne va pas et vous n'avez aucune raison d'en avoir honte.
Pourquoi dormir alors que le monde était plein de merveilles à découvrir ?
Pour moi, c'est aussi cela, la physique, ces instants volés à mes obligations de jeune fille sage et dévouée. Je ne suis moi-même qu'à deux endroits : au milieu des livres et sous le ciel nocturne, rêvant de toucher les étoiles.
- Vous aimez donc les livres, Miss Agathe ? me demande Adrian
(…)
- Qu’aurais-je pu faire sans eux ? Les livres sont une bénédiction !
Votre univers se compose d'étoiles, le mien est fait de mots. L'immensité de ces univers reflète le décalage entre ce que nous avons être possible et les limites réelles de nos existences. Et pourtant, dans ces moments, vous vous prenez à espérez qu'il en soit autrement.
- Vous avez surtout tellement peur de l'esprit féminin que vous leur fermez l'accès aux études supérieures.
Il hausse les sourcils :
- Pas le moins du monde. Je ne vois pas de quoi vous parlez, les cursus pour femmes existent depuis de nombreuses années.
-Pour que vous puissiez vous assurer que jamais elles ne vous surclassent dans les vôtres ! Pour vous dédouaner de toute notion de telle égalité! Vous en faites des infirmières plutôt que des médecins. Alors qu'elles pourraient devenir ingénieures, elles restent des ouvrières qualifiées et des éternelles secondes. Savoir, c'est pouvoir, et cela vous terrifie !