Citations de Maud Viotty (62)
Et maquillée, en plus ! Regarde-toi, tu ne ressembles à rien ! Il doit bien se rincer l’œil, ton patron ! Il ne va pas tarder à te proposer une promotion canapé !
Loin de nous plaindre, on sait que l’on a de la chance de pouvoir se permettre des congés et de s’évader pour regonfler les batteries. Les nôtres étaient complètement à plat. Je me demande comment font les mamans de familles nombreuses, ou pire, les mamans solos.
J’y croise une femme que je n’ai jamais vue auparavant. Elle doit avoir trente-cinq ans environ. Toute fine, elle semble porter le monde entier sur ses frêles épaules. Son regard bleu transparent est profond et léger à la fois. Comme s’il y avait autant de tristesse que de douceur dans ce corps chétif.
On n’est pas romantiques pour un sou, ni pour un euro ni même pour un dollar. On fait pipi l’un devant l’autre en discutant, je ne suis pas fan des gros bouquets de roses rouges - je préfère une bonne bouteille -, on ne fête pas la Saint-Valentin que l’on trouve aussi ringarde que commerciale, je ne suis pas fleur bleue ni arbre rose et je déteste, par-dessus tout, me mettre sur mon trente-et-un pour aller manger dans un restaurant guindé et chicos. Très peu pour nous, toutes ces mièvreries et toutes ces apparences.
Le sevrage s’est plutôt bien déroulé. Pourtant, mes seins me réclament de temps à autre la tétée. Ça pique. Et ça ne demande qu’à sortir de ma poitrine. La nature est bien faite. Quand on a mal aux seins, c’est que bébé a faim.
Je suis humaine. On ne peut pas aimer tout le monde, et tout le monde n’est pas censé nous aimer.
Quand je serai grande, je travaillerai juste pour emmener maman voir la mer. Ou la montagne. Il paraît que c’est génial de faire du ski. Ça doit faire peur. Mais ça doit être trop bien.
Que papa soit là ou pas, de toute façon, ça change pas grand-chose. Enfin, si. Au moins, quand il est loin, maman a un peu plus le sourire. Ou un peu moins de larmes sur ses joues.
Un déchirement de devoir laisser son enfant. De confier sa fille à quelqu’un d’autre qui lui donnera à manger, lui changera la couche, lui fera un câlin au sortir de la sieste, la verra pendant huit heures, si ce n’est plus, soit dix fois plus que ses propres parents.
Deux adorables filles encore plus belles que le jour. Encore plus belles que la vie. Encore plus jolies que ce que j’avais imaginé. Belles, oui. Bruyantes, surtout. Entre une Déline explosive, à la limite de l’hyperactivité, et une Mila encore nourrisson, nécessitant un max d’attention, je ne savais pas où donner de la tête. Le lot de toutes les mamans, je ne vous apprends rien.
Inconsciemment, je voulais une deuxième fille. Ne me demandez pas pourquoi, je n’en sais toujours rien. On n’explique pas pourquoi on préfère le rose au bleu ni pourquoi on préfère les pâtes au riz. Bon bah, moi je préférais avoir une fille et une fille. Je ne le savais pas, en réalité.
Elle est motivée, pourtant. Enfin, au début. Une employée modèle. Puis, un petit retard. Elle se confond en excuses, fait un beau sourire, bat des cils et le n+1 laisse couler. S’ensuivent deux retards, une absence, deux absences...
Elle n’aime pas le téléphone. Elle préfère de loin les échanges de messages vocaux. Ça prend moins de temps, on fait ça quand on veut. On n’est pas obligé de rester trois plombes au bout du fil pour parler des oiseaux et du beau temps. Alors il faudra attendre quelques jours encore avant que l’un des deux parents ne commence à s’inquiéter.
L’humiliation a été de courte durée, mais restera gravée. Désormais, en plus de l’odeur de moisi, de mort et de renfermé, elle devra se familiariser avec celle du liquide qu’elle vient d’évacuer.
Elle se trouve pathétique et pense aux SDF qui meurent de faim, de soif, tout comme elle à cet instant. Eux peuvent au moins se glisser dans un recoin, entre deux voitures ou n’importe où, pour se soulager. Et elle, là, n’a rien à manger, rien à boire et surtout rien pour pisser. Elle se fait pitié.
Sa voix résonne et s’évanouit contre les parois de son caveau. Il n’y a pas âme qui vive.
L’aurait-on attachée sans rien ni personne autour ?
C’est donc ça ? On va la laisser crever là ?
Elle veut aussi savoir où elle va mettre les pieds et à qui elle va confier sa langue et son entrejambe, même si la deuxième partie de la soirée n’est que très rarement consommée.
Collecter des commentaires élogieux, se faire un nom et atteindre son but. Elle y est presque. Il l’a remarquée, il a cliqué, ils ont discuté, il a fixé un rendez-vous. Bingo !
Les discussions la dépassaient de plusieurs têtes et elle n’avait pas compris un sombre mot de ce que tous ces gens coincés et bon chic bon genre pouvaient raconter. Elle avait tenté des interventions hasardeuses qui étaient toutes tombées à l’eau et s’étaient noyées en un clin d’œil, la faisant inévitablement passer pour une godiche.
La parfaite panoplie de la nana de banlieue qui fait croire qu’elle est pleine aux as, mais qui se roule ses cigarettes bon marché, qui a probablement les doigts jaunis à cause de ça et qui prend le métro. Pretty Woman version low cost.
Elle se laisse guider ou mène la danse selon le tempérament de ceux qu’elle rencontre. Tantôt pute, tantôt soumise, elle est malléable à souhait. Un caméléon capable de se fondre dans le décor dans lequel il est plongé. Capable même d’aller jusqu’à coucher si le jeu en vaut vraiment la chandelle.