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Bibliographie de Michael Hastings   (1)Voir plus

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Les portes du lobby se sont ouvertes. Des militaires en uniforme, tous habillés en vert, sont entrés. C’était déconcertant – des militaires de l’armée américaine, en uniforme, dans une capitale européenne : une image en couleurs, et non en noir et blanc. Bien que les responsables des forces armées se déplacent souvent en civil quand ils ne sont pas dans les zones de guerre, ils sortent le grand jeu quand ils sont en représentation officielle. Un pantalon et une veste vert foncé, la veste ornée de boutons dorés, d’insignes de toutes les couleurs et de passants d’épaule, un kaléidoscope indéchiffrable de médailles, en signe de récompenses d’un autre âge – de minuscules parachutes et fusils argentés, un arc-en-ciel de rubans honorifiques. J’ai reconnu le général McChrystal à ses quatre étoiles sur ses passants d’épaule.
Comme décrit dans les coupures de presse, il est sec et mince. Ses yeux bleu ardoise, au regard perçant, ont cette faculté flippante de lire dans vos pensées, tout particulièrement si vous merdez ou si vous dites quelque chose d’idiot. Il m’a fait penser à Christian Bale dans Rescue Dawn, si Bale avait passé quelques années de plus en captivité quand il avait été fait prisonnier au Laos par les troupes du Viêt-Cong. McChrystal est unique, le premier soldat des Forces spéciales à avoir pris le commandement d’une opération d’aussi grande envergure. On appelle les gars des Forces spéciales comme lui des « bouffeurs de serpents ». C’est supposé être un compliment.
Pendant cinq ans, McChrystal avait été le tueur / chasseur américain numéro 1, responsable de la mort de centaines d’ennemis, que ce soit des terroristes ou des civils. Il avait supervisé un réseau de camps de prisonniers en Irak où les détenus étaient torturés – laissés dehors dans le froid, nus, couverts de boue et, à l’occasion, battus. On lui a attribué le mérite d’avoir eu la tête de l’un des plus grands chefs terroristes islamistes de l’époque, Abou Moussab Al-Zarqaoui. Zarqaoui avait été tué lors d’un raid aérien à l’été 2006, près de Bakouba en Irak. L’équipe de McChrystal n’avait eu de cesse de le traquer. « Si nous n’attrapons pas Zarqaoui, nous aurons échoué », avait-il dit à ses hommes un an auparavant. Après que cette attaque avait tué Zarqaoui et sept de ses adjoints, McChrystal s’était pointé sur le site de la maison bombardée où s’était planqué le terroriste pour se rendre compte lui-même des dégâts. Il ne restait pas grand-chose, à part quelques pages calcinées de l’édition arabe d’un numéro du magazine Newsweek et assez d’empreintes pour que la mort de l’homme le plus recherché en Irak soit confirmée. Le président George W. Bush avait publiquement remercié McChrystal en lui disant qu’il avait accompli un excellent travail, faisant de lui l’assassin le plus respectable de la nation américaine. En 2009, grâce à sa réputation, le président Obama l’avait choisi pour faire le boulot en Afghanistan, bien qu’au cours de sa carrière pas mal d’autres opérations aient été sujettes à controverse.
Rencontrer le sujet de mon reportage m’a filé une décharge d’adrénaline. Le finaliste dans la course au titre de personnalité de l’année pour Time Magazine. Le général, commandant des opérations de la guerre la plus importante qui se déroulait dans le monde. Stanley McChrystal, alias Big Stan, le Pape, le COMISAF (commandant des forces internationales d’assistance et de sécurité), le Boss, M4 (carabine militaire des Forces spéciales américaines), Stan, général McChrystal, Sir. Une « rock star », comme ses hommes aimaient le qualifier.
Duncan a fait les présentations.
« Michael écrit un article pour Rolling Stone« , a-t-il dit.
« Je vous remercie de m’avoir invité à me joindre à vous, c’est un vrai privilège, ai-je dit.
– Le contenu de l’article ne m’intéresse pas, a répliqué McChrystal. Mettez ma photo en couverture. »
Je n’ai d’abord rien rétorqué. Il plaisantait à moitié. J’ai voulu lui répondre quelque chose de marrant. Ou, tout au moins, essayer de faire preuve d’humour. Je n’avais pas la moindre idée de qui serait en couverture, cependant. Il était rare qu’un collaborateur du magazine ait son mot à dire. Bono m’est venu à l’esprit. Mais je cherchais quelque chose de plus tendance.
« Ça va se jouer entre vous et Lady Gaga, mon général. »
Ses hommes ont cessé leurs conversations. Il suffisait d’un rien pour que la situation devienne embarrassante. Est-ce que j’étais allé trop loin ? Avais-je été insolent ? Qu’est-ce que je voulais ? Qui j’étais ? Le Boss allait-il répondre ?
McChrystal m’a regardé en souriant : « Mettez-moi en photo dans une baignoire en forme de cœur avec Lady Gaga, a-t-il dit. Et ajoutez-y, peut-être, quelques pétales de rose. Je veux être en couverture afin que mon fils me respecte enfin. » (Son fils faisait partie d’un groupe de musiciens.)
Tout le monde s’est mis à rire.
McChrystal et les autres généraux ont filé dans leur chambre afin de se préparer pour la cérémonie qui aurait lieu une heure plus tard.
Je suis resté dans le lobby et j’ai commandé un autre expresso.
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J’ai composé un numéro bizarre avec une suite de chiffres trop longue pour pouvoir la mémoriser. La tonalité a émis le signal des appels à l’international. J’appelais en Afghanistan.
« Duncan ? Salut. C’est Michael Hastings du magazine Rolling Stone. »
Je fumais une cigarette derrière une moustiquaire sous la véranda d’une maison au bord du lac Champlain, avec vue sur les Adirondacks. J’ai éteint ma cigarette dans le photophore vide d’une bougie à la citronnelle, suis rentré et ai attrapé un carnet de notes sur le comptoir de la cuisine.
Duncan Boothby était un civil, le conseiller en communication du général Stanley McChrystal, le général en chef qui commandait les forces armées des États-Unis et celles de l’OTAN en Afghanistan. J’échangeais des e-mails avec Duncan depuis plus d’un mois pour avoir l’autorisation de rédiger un portrait fouillé du général. J’avais raté son appel la veille et il avait laissé un message. C’était donc la première fois que je lui parlais.
Duncan avait un accent anglais à peine perceptible, comme édulcoré. Il m’a dit qu’il fallait que je me rende à Paris, en France.
« Nous allons discrètement rappeler aux Européens que le jour où ils ont eu chaud au cul, on leur a sauvé la peau. Il est temps qu’ils se bougent. »
Duncan m’a expliqué le projet.
Le décor : la Normandie. Le jour J. La victoire des forces alliées. Des corps échoués sur la plage, des rangées de croix blanches.
La scène : McChrystal sur une plage au bord de la Manche. Il pense aux soldats morts au combat, un vent printanier froid souffle sur Omaha Beach. « C’est un fana de la guerre, un war geek », a dit Duncan. Il passe ses vacances sur les champs de bataille. Quelques mois plus tôt, sur le chemin du retour à DC, il avait passé sa journée de repos à Gettysburg.
L’histoire : ce voyage participe des efforts de McChrystal pour visiter, depuis un an, chacun des quarante-quatre pays alliés dans la guerre en Afghanistan. Cette fois, c’est Paris, Berlin, Varsovie et Prague. Il s’agit de s’assurer le soutien de nos amis de l’OTAN – afin de dissiper ce que Duncan appelait « cette drôle d’impression qu’ont les Européens d’une américanisation de la guerre ». « D’après moi, m’a-t-il dit, il y a quelque chose de nouveau à écrire sur ce sujet. » Personne n’avait jamais rédigé un portrait de McChrystal en Europe.
Duncan était un moulin à paroles. Il me laissait entendre qu’il savait de quoi il parlait. Qu’il était dans le coup. Il était des leurs.
« Qu’est-ce que vous dites de l’éclat de Karzai, l’autre jour ? » ai-je demandé. Hamid Karzai, allié des Américains et président de l’Afghanistan, avait menacé de se rapprocher des Talibans, les ennemis des Américains. Il avait fait cette déclaration quelques jours seulement après sa rencontre avec le président Barack Obama. « Ça vous complique la vie, non ? »
Duncan accusait la Maison-Blanche.
« La Maison-Blanche est sur le mode offensif, m’a-t-il dit. Le président Obama a mis du temps avant de se rendre à Kaboul. Ils ont organisé ensemble ce voyage à la toute dernière minute. On a eu six heures pour se préparer. À la suite de quoi ils sont sortis de leur entretien avec Karzai en se vantant de l’avoir mouché. Karzai s’est senti offensé. »
J’ai pris des notes. C’était de la bonne came.
Duncan a fait mousser McChrystal – le général avait consacré des mois à développer des relations amicales avec le président afghan.
« Karzai est un leader qui a ses forces et ses faiblesses, a-t-il dit. Mon gars a hérité de cette situation. En disant qu’ils ne peuvent pas travailler avec lui, Holbrooke et l’ambassadeur des États-Unis laissent clairement entendre certaines choses. Ce qui, du coup, réduit la possibilité que nous avons de collaborer avec lui. Car les McCain et les Kerry qui se pointent à Kaboul, prennent rendez-vous avec les Karzai pour ensuite le critiquer lors de la conférence de presse à l’aéroport et rentrer pour participer aux talk-shows du dimanche, franchement, ça ne nous aide pas vraiment. »
J’ai été surpris par sa sincérité. Il me faisait part de ses critiques par téléphone, sur une ligne non sécurisée.
« C’est ultraconfidentiel », a précisé Duncan, en utilisant une expression militaire pour parler d’informations particulièrement sensibles. « Nous n’aimons pas parler de nos déplacements. Mais je te conseillerais d’être à Paris la semaine prochaine. Mercredi ou jeudi. Nous partirons en Normandie le samedi.
– OK, super, d’accord, ai-je répondu. Je vais donc m’organiser pour vous retrouver la semaine prochaine. Quant au voyage, l’essentiel c’est que…
– Tu voudras probablement assister avec nous à une cérémonie qui aura lieu à l’Arc de triomphe le vendredi, et peut-être passer du temps avec le Boss pour l’interviewer. Alors réserve un train pour la Normandie, et rejoins-nous là-bas.
– Cool. Plus je suis dans la bulle, je veux dire…
– Je te tiens au courant pour la bulle. »
Il a raccroché.
J’ai envoyé un e-mail au rédacteur en chef de Rolling Stone : « Je peux aller à Paris ? »
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