Les coups de cur littéraires de Martial Debriffe
L’individu souverain, la dictature du narcissisme et la mondialisation par le like sont les nouvelles règles de nos sociétés qui préfèrent afficher des selfies plutôt que de se préoccuper des laisses pour compte.
Des arnaques à la consommation qui ciblent les plus faibles et les plus démunis, songe Iris qui préfère mettre de côté son sens éthique. Son travail consiste à vendre des choses improbables à des gens qui n’en ont pas besoin.
Un jour, la chance surgira et elle saura la saisir : elle obtiendra enfin le rôle qui la propulsera sur le devant de la scène au milieu des étoiles, se répète-t-elle comme un mantra magique. Avec l’accord de son agent,Iris ne refuse aucun casting dans l’espoir d’être retenue ne serait-ce que pour une panouille insignifiante qui la sortira du lot des apprenties comédiennes. Un jour, elle est la mutante androïde en recherche d’humanité, le lendemain, elle devient Carmen, la bimbo, meilleure copine du rôle principal, et le surlendemain, une jeune femme qui plaque tout pour devenir tueuse à gages…
Auteur, enquêteur ou flic ? Peut-être les trois à la fois. Quand il écrit de la fiction, il sait que les personnages qu’il crée ne lui en voudront jamais : il peut en faire des salauds, des monstres, des serial killers, les pires créatures de l’univers, elles ne se rebelleront jamais contre son auteur… En principe ! Sauf dans quelques romans où le héros dézingue son créateur comme Frankenstein. Alors que dans l’écriture d’un fait divers, l’auteur est happé par le réel et ses protagonistes, et en devient aussi bien le témoin que le narrateur.
Bien sûr, elle se souvenait de lui… Au début, elle avait eu très peur de replonger dans un passé qu’elle s’efforçait d’oublier. Mais rapidement s’était dessiné une sorte de défi vis-à-vis d’elle-même. Celui de surmonter ses angoisses en parlant de son vécu à quelqu’un qui saurait retranscrire ses souvenirs, ses sentiments, et les mettre sur papier avec talent. Quelqu’un de loyal et de talentueux, en qui elle placerait sa confiance.
Les profils des trois inconnus ne figurent pas dans le fichier de la Fnaeg. Apparemment, il s’agit d’individus sans passé criminel. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin,soupire Alex qui commence à explorer les profils des deux autres gamines disparues dans la région : Carmen Perez, dix-sept ans, disparue en juin 1992 et Estelle Guiomar, quatorze ans, disparue en octobre 1994. On n’a jamais retrouvé leurs corps.
En parcourant les notes de la psy, Lavelli apprend qu’Albina et Laure avaient développé ce qu’on appelle le syndrome d’évitement. Un état où le patient cherche à fuir ses propres pensées, en se repliant sur lui-même dans un monde imaginaire voire dans l’amnésie de l’événement traumatique. Les deux filles avaient suivi des thérapies cognitives qui avaient porté leurs fruits. Du fait de son passé pendant la guerre de Yougoslavie, Nadia avait été la plus affectée. Victime du syndrome de reviviscence, elle avait été sujette pendant plusieurs mois à des flashback de cauchemars et à des réactions de peur irraisonnée comme si l’événement traumatique allait se reproduire.
Tout en traversant le pont de Vasabron, elle songe qu’il n’est pas le premier flic à s’être reconverti dans l’écriture de romans policiers et de scénarios de films. Elle se souvient qu’Alex lui avait confié qu’un jour il écrirait. Elle s’était moquée de lui : on pouvait les compter par dizaines, les prétentieux qui prétendaient écrire et ne le faisaient jamais ! Il lui avait alors adressé son fameux sourire moqueur, qui signifiait « tu verras »…
Aujourd’hui, il s’agit des assurances vie prévoyance. Des arnaques à la consommation qui ciblent les plus faibles et les plus démunis, songe Iris qui préfère mettre de côté son sens éthique. Son travail consiste à vendre des choses improbables à des gens qui n’en ont pas besoin : abonnements de toutes sortes, fenêtres double vitrage, assurances, promotions immobilières, et même des voyages…
Sous des dehors affables, c’est un macho et un opportuniste dont l’unique credo est la rentabilité. Il harcèle sans pitié les employés qui ont la malchance d’être sous ses ordres. Dès qu’il a le dos tourné, les filles du centre d’appels se moquent de lui en le surnommant « le mec qui ne pense qu’avec sa queue » ! Depuis qu’Iris a refusé ses avances, il est déterminé à avoir sa peau.