"Pasternak en France " intervention de Michel Aucouturier lors du colloque "Intelligentsia, un siècle de relations intellectuelles franco-russes à travers les archives" qui s'est déroulé le 30 novembre 2012 à Paris
Tant qu'on vit, il faut vivre ce qu'il y a de meilleur comme vie. C'est cela qui fait la force de la vie de l'âge viril, c'est qu'en avant il n'y a rien, et tout est au présent (1861)
Etre célèbre
La célébrité n'est pas belle,
Et ce n'est pas ce qui nous grandit.
Il ne faut pas tenir d'archives
Et trembler sur des manuscrits.
L'oeuvre veut le don de soi-même,
Non le tapage ou le renom,
Honte à qui n'est rien par lui-même,
D'être connu comme un dicton.
Et vis sans usurper ta place
Mais de manière à parvenir
A te faire aimer de l'espace
Et appeler par l'avenir.
Et s'il faut laisser des lacunes
Que ce ne soit dans tes papiers,
Mais en sacrifiant quelques-unes
Des pages de ta destinée.
766 - [Ecrivains de toujours n° 66, p. 4]
A propos de la lettre de Léon Tolstoï à AV Jirkévitch ..
Bon, AV Jirkévitch est un notable sous l'empire de Alexandre III, juriste et archéologue de son état, accessoirement poète.
Nos amis éditeurs anglais nous renseignent que notre poète en herbe avait soumis au jugement de Tolstoï un de ses poèmes intitulé Tableaux d'enfance, fort de deux lettres de recommandation de Gontcharov et de Répine (*), non moins amis du destinataire. Le moins qu'on puisse dire c'est que par la lettre qu'il va recevoir, le requérant va être habillé pour des mois et aura tout loisir de retourner à ses chères études ..
Voici donc l'avis de Tolstoï :
J'ai déjà cité l'aphorisme : "Il ne faut écrire que lorsqu'on sent en soi quelque chose d'absolument nouveau .."
(La suite..) "Pour exprimer le plus clairement possible ce qu'il ressent, l'écrivain utilisera tous les procédés, il se libérera de toutes les contraintes qui gênent l'expression fidèle de sa pensée, il ne s'embarrassera pas de l'obligation de s'exprimer en se pliant à une certaine mesure ou en répétant certains sons à intervalles réguliers.
L'homme pense avec des mots, a dit Max Müller, sans mots il n'est point de pensée, je suis tout à fait d'accord avec lui. La pensée est la force qui fait bouger la vie, la mienne et celle de tous les hommes. Ne pas traiter sérieusement la pensée est un grand péché, le verbicide n'est pas un mal moins que l'homicide.
Je vous ai dit que vous n'aviez pas ce qu'on appelle du talent, je voulais dire par là que vous ne montrez pas dans votre ouvrage cet éclat, cette richesse d'images qu'on estime indispensables pour un écrivain et qu'on appelle le talent, mais que moi je ne juge pas nécessaires.
Un écrivain n'a besoin, selon moi, que d'être sincère et de prendre au sérieux son sujet .."
(*) Répine le peintre fut un ami intime de Tolstoï et Gontcharov eut la reconnaissance conjointe et explicite de ce dernier et de Dostoïevski pour son oeuvre littéraire, la faveur pas moins de ces deux géants méritent l'attention
4eme de couverture :
"Il ne faut écrire que lorsqu'on sent en soi quelque chose d'absolument nouveau, d'important, qu'on voit, mais qui est inintelligible aux autres, et que le besoin d'exprimer cette chose ne vous laisse pas en repos"
Léon Tolstoï 30 juin 1890
Le monde, c'est une musique dont il faut trouver les paroles.
Je souhaite que deux générations d'enfants russes, tous les enfants, depuis ceux du tsar jusqu'à ceux du moujik, apprennent à lire dans cet abécédaire (Le s Quatre livres de lecture) et en retirent leurs premières impressions poétiques, après quoi je pourrai mourir tranquille (lettre du 12 janvier 1872)
L'impression que reflètent la plupart des jugements est celle d'un contraste paradoxal entre le caractère intemporel d'une spontanéité lyrique évoquant les grands poètes du passé, et la nouveauté d'un langage contemporain qui, appartient tout entier à la plus brûlante actualité.
Il s'établit entre le poète et le monde un rapport d'intimité, de connivence, de confiance réciproque qui l'engage et qu'il ne peut plus trahir : c'est le sens qu'il donnera bientôt au titre du recueil fondateur de sa poésie, Ma sœur la vie.
La plus impétueuse, écrira-t-il, était l'amour. Parfois, se trouvant en tête de la nature, il dépassait le soleil.
Que ce n'est pas moi qui m'impose à la musique, mais la musique qui m'est prédestinée.