Alors même qu’au début du siècle, le clergé catholique dissuadait les fidèles de lire la Bible par crainte, peut-être, qu’ils ne deviennent huguenots, tout un renouveau biblique s’était fait jour, par la suite, dans l’Eglise romaine. Comme tant d’autres, Gilbert Cesbron en a bénéficié. Il méditait quotidiennement l’Evangile, même au bureau, une petite Bible de Jérusalem ne le quittait pas. Sa foi est tout entière centrée sur la parole du Christ. Elle est donc plus mystique que théologienne. […]. Comme toute expérience mystique, cette foi, cette espérance a donc la même intransigeance qu’une relation amoureuse.
La haine, c'est la colère des faibles.
Le troisième âge paraissait à Gilbert Cesbron le temps par excellence de la patience, de l’attention, de la disponibilité. « Cet intérêt entièrement désintéressé pour les autres » est un cadeau que nous apporte la vieillesse, dit-il. Et de même la transparence, la fidélité.
Gilbert Cesbron « a fabriqué sa foi en partant de la personne de Jésus-Christ ». D’autres peuvent être fascinés par la majesté du Dieu-Père ou par l’efficace charité de l’Eglise à travers le temps et l’espace. Tel n’est pas le cas de Gilbert Cesbron, ébloui, à vingt ans par le visage du Christ, il ne cesse de méditer les épisodes de sa vie et les paroles de son Evangile. Jésus-Christ est proprement la mesure de sa foi et le point de repère de son existence.
L’émerveillement de Cesbron pour l’Evangile, c’est qu’à travers ce livre, Dieu se met à dimension humaine, se reflète à travers une vie d’homme, se traduit en paroles et en actions humaines. Par incarnation, Dieu se fait tangible, directement imitable.
« On me dira, mais qu’est-ce qui vous prouve que tout cela n’est pas une création de votre esprit ? ― De notre esprit et surtout de notre cœur, ce qui est beaucoup moins hasardeux. Pourtant, s’il en est ainsi : si des milliards de chrétiens s’étaient, depuis vingt siècles, laissé prendre à ce piège, à cette illusion, je dirais bonnement, quant à moi, comme Jean-Marie Vianney curé d’Ars : « s’il n’y a rien, je serai bien attrapé, mais je ne regretterai pas d’avoir cru à l’Amour. »
« Dieu nous a fait l’honneur de s’incarner parmi nous. A nous de l’incarner quelquefois aux yeux de ceux qui ne le connaissent pas. Noël, ce n’est pas de l’histoire ancienne : le massacre des innocents s’appelle aujourd’hui génocide, pogrom, ratonnade … La Sainte Famille, ce sont des personnes déplacées. »
« Ebloui » par le Christ, Cesbron ne cesse de méditer chaque épisode, chaque parole de l’Evangile, de la Nativité à la Résurrection. A ses yeux, Noël préfigure la Passion. »
« L’homme à la robe blanche que les gardes viennent arrêter au jardin des Oliviers, c’est le petit enfant de Noël que, ce soir, on traque à nouveau. Ils auront donc mis plus de trente ans à s’emparer de lui ! »
Le jour, c'est la vie des êtres ; mais la nuit, c'est la vie des choses.
Cesbron soutient l’opinion paradoxale que la foi en Jésus-Christ est au-delà de la certitude.
« Si quelqu’un m’avait prouvé que le Christ est en dehors de la vérité, et s’il était réellement établi que la vérité est en dehors du Christ, je préférerais rester avec le Christ plutôt qu’avec la vérité … Cette parole fera lever hausser bien des épaules. Heureusement, elle n’est pas de moi mais de Dostoïevski ; je la contresigne seulement. »
En reprenant un thème cher au curé de campagne de Bernanos, il s’applique à montrer qu’en effet, ce qui fait la grâce de l’enfance, ce sont moins ses qualités intrinsèques, que les soins et l’affection dont elle est l’objet.
Le petit Rufus qui, comme à l’accoutumée, marchait tout contre Jésus, la tête passée sous son bras, sortit un instant de sa tendre cachette pour déclarer à son ami Iéchoua : «Sur la montagne, rabbouni, je t’ai vu avec mes yeux, tel que mon cœur te voit chaque jour dans la plaine ! Tu es vraiment le Fils de Dieu !”
– L’enfant a raison, déclara Jésus au petit groupe de disciples : c’est parce que vous étiez en prière, parce que rendiez grâce au Père de tout votre cœur, qu’un instant – un instant seulement ! – vous avez été clairvoyants. C’est la prière qui nous fait voir toutes choses avec le regard du Père, comme un reflet de sa Gloire…
– Oh, léchoua ! reprit Rufus en se cachant tout à fait dans les bras de Jésus, j’ai vraiment compris cette fois, non… J’ai vécu ce que je te disais il y a peu de temps : tu es le miroir qui nous renvoie le soleil de Dieu ! Mais, parce que tu nous aimes, nous ne sommes pas éblouis !