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Bibliographie de Michel Fardoulis-Lagrange   (10)Voir plus

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Chant pour les premières noces (texte intégral).

J’ai retrouvé ma fiancée assise sur la marche d’un escalier, un peu perdue dans l’ampleur de sa robe ; quelque chose de flambant neuf a corrigé nos attitudes et nos épousailles se sont ouvertes devant nous.
Des couples alourdis par la pluie ont gagné le lointain, pris d’une grande considération pour la solitude de notre bonheur ; mais près de leur couche naïve, a eu lieu la mutilation de nos organes, sur une place noire, préparant la transparence des noces.
Ils sont désormais suspendus partout et font un bruit de cloches, alors ma fiancée tourne sur elle-même et sa couleur blanche envenime ma patience. De subtils détails forgent une étreinte spécieuse et ma fiancée est violée dans une boue semi-sanguine, pendant que je mange mon pain sans la perdre jamais des yeux.
Je deviens ainsi, à bout de force, le voyeur le plus averti des angoisses liturgiques de ma fiancée.
Elle est comblée par l’usure, entourée de candélabres, de petits bouquets mauves et d’anges ailés accrochés à la glace.
Tout cela rappelle une nécromanie refoulée, extatique, se cristallisant sur les faïences de grand style. Les miasmes aplanissent au ras du sol les difficultés et la chambre nuptiale est aérienne.
Possédée par la terreur, ma fiancée me cherche là où ma présence n’est que suggérée ; elle n’a qu’à ouvrir les paupières pour me retrouver, mais elle a peur de manquer son geste à l’instant de ma pleine présence.
Ainsi je la vois devenir folle, avec un fond de maladie contagieuse. Ses amants sont souillés suivant leur actualité à peine éteinte et si elle se fraye passage à travers leur cohésion, son regard suit d’autres lignes imaginaires qui la conduisent à son innocence.
Parfois, assise dans son lit, elle chante, elle renvoie notre rencontre de peur que nous ne nous touchions au milieu d’un paradis qui a dérobé notre initiation.
C’est si vrai que je parais un éternel mécontent devant nos sorts jetés.
Ce qui me frappe aussi, c’est la carence de son pays à elle et la couleur élevée de sa maison. Les contours sont reproduits par le paysage et je redoute une répétition plus stérile encore où j’étoufferai dans la correction.
Les autres créatures s’agglomèrent autour d’un foyer ou d’une vestale dans le jardin ; ma fiancée se tient à l’écart par distinction mais elle dénoue quelque part sa réserve, à la lisière du parc, et je jouis de sa confiance déconcertante dans mon sommeil seulement.
Les autres créatures espèrent que les promenades de ma fiancée franchiront un jour une zone plus miraculeuse que leur angoisse et elles passeront de vie à trépas d’une façon bienheureuse. Elles la surveillent, et lorsqu’elle triomphera elles frapperont leur poitrine déjà enfoncée dans des régions qui s’apaisent définitivement. Il ne restera plus que le moment où quelqu’un par pitié fermera leurs yeux vitrés.
Mais ma fiancée n’écoute que sa chance ; je la suis dans son accalmie et je ne puis reculer, les créatures meurent de jalousie, leur promiscuité se révèle comme la plus coupable.
Ma fiancée collée à moi, je devine son visage tout proche du mien mais il dérive de la parfaite coïncidence qui nous tuerait.
Pourtant c’est le retour aux lieux communs et mes insolences demeurent sans écho. Rien désormais ne me sera épargné. Le visage de ma fiancée, à l’instant suivant, devient le mien et c’est une escroquerie de mes premières noces, cette présence d’une fiancée éternelle et ténébreuse dissoute au comble de l’oisiveté.
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Si je m'appliquais à dénouer tous ces fils, je me dévoilerais sans doute impudemment, et que resterait-il ? L'aspect d'une louve que choisissait parfois Hécate, et son cri antérieur à la parole. Il est vrai que l'imagerie du ciel se prête à de telles implications animales.
Errante je suis, prise dans le clivage du clair-obscur et dans celui de mes rêves nocturnes où, la lumière elle-même se voilant, l'énigme est préservée. Souvent aussi les instants se heurtent et s'allument plus intensément et plus brièvement au sein de cet élément enclin à s'identifier déjà à son fond apaisant et stabilisateur. Hélios est ainsi vu en réfraction évoluant dans l'empire chthonien.
Dès ma prime enfance les voies se sont ouvertes sous des signes célébrant ma lignée dans l'éblouissance puis sous les retombées d'une journée. Je me demande quel serait le monde si ce procès s'achevait, si les méandres matinaux étaient emmurés dès avant d'atteindre le seuil d'une entité éternelle et impalpable.
J'exerce un art qui s'excède comme l'écume, pareil aussi à mes dons de me répandre partout et de relever des mesures océaniques tandis que je suis tranquillement assise sur le rivage de Colchos, ma patrie. D'où j'assiste à la noyade de ceux qui s'efforcent de prendre pied sur mon sol mais sont repoussés par mon père Aétès, et au sauvetage des autres par des vagues ne ménageant pas leurs efforts, mariant ciel et eau pour ramener les naufragés vers des courantsd'amarrage.
Bienvenue, fantômes à renommée héroïque, Argonautes au long cours, étrangers etpartenaires de mes jeux oculaires dans le grand matin!
Deux scènes en présence donc sur l'écran du jour : la noyade, le poids d'un passé déjà immergé (où retrouver cependant ces âmes perdues livrées à un mouvement centrifuge ?) ; et le sauvetage, sous la poussée de ma résolution afin de gagner une approche, une compagnie lors de mes solitudes riveraines. Et tout cela va à perte de vue au gré des résonances pélagiennes. J'appelle Hélios à l'aide, finissant par ramener tout à l'unité de son éclat. Rien d'improprene subsiste alors au delà des consumations, des métamorphoses de l'heure auguste. On ne peutremplacer ce qui est immédiatement accessible bien qu'évanescent, non plus lâcher le fil qui merelie aux dynasties de migrateurs venant d'horizons lointains pour conquérir la toison d'or d'unbélier, matière thaumaturge pour mes propres sens.
Des paillettes d'or parsèment le fond de ma vue ; l'obscurité du labyrinthe menant à la toison, par son orifice leur octroie une brillance inaltérable et de portée mantique. Mais à quelles fins ? En quelles contrées encore archaïques et sous régence solaire vout-elles se perdre, illuminant les saisons de l'œil unique de Polyphème ? Pure vision de l'ensemble spirituel qu'aucune incidence ne désagrège.
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Quand le bac traversait la rivière, sur les berges les joncs se mettaient à bouger ; peut-être un animal s’y cachait-il, se préparant à plonger et à prendre part à la course. En ce cas, il ne restait au voyageur aucune chance de lui échapper, d’autant plus que le bac glissait lentement, remorqué par un filin accroché sur l’autre rive, filin que le passeur saisissait à pleines mains et tirait.
Des marais s’étendaient aux alentours, troublés ainsi périodiquement par un investissement hypothétique et mystérieux. Le bac n’avait pas de rebord et le moindre clapotis provoquait une montée d’eau ; malgré sa largeur, il se prêtait facilement au jeu du naufrage et du rétablissement, repliant ou déroulant les algues au passage. Mais cela ne dérangeait pas les pressions tranquilles et constituées. Mieux encore : en quittant une rive pour l’autre, on était pénétré par le sentiment d’une durée immobile, d’un glissement devenu peu à peu imperceptible. Alternance ou substitution des mobiles, les surfaces indiquaient surtout l’unicité d’un instant et de son miroir.
En débarquant, les voyageurs avaient tendance à s’attarder parmi les limpidités et les nonchalances vaporeuses du matin qui plus tard s’en allaient, laissant l’air indemne. À vrai dire, les voyageurs ne se sentaient pas à l’aise, soupçonnant la présence de l’être embusqué dans les joncs, dont l’intelligence s’identifiait par moment à l’espace pur, sans escalade. Ils finissaient par apprendre que le rejeton du passeur avait là son champ d’action. Lors de la montée des eaux il allait se mettre debout, se débusquant, certes, mais aussi s’enfonçant davantage dans le marais ; comme son père, il garderait le filin et il tirerait pour ramener les choses à leur expression insensible et effacée.
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Des années entières pourtant s'apparentaient au moment présent, et l'on prélevait incidemment derrière des paradoxes fulgurants la classe habituelle des faits. De ci de là, des fleurs printanières suscitaient l'émigration de l'odorat vers un climat de trêve, leur style virginal s'appuyant sur une sensation avertie et rémunératrice. Ainsi la vie commune des deux frères se divisait en deux fractions égales qui se polarisaient hors de l'actualité. Aperçue sous cet angle, la colline offrait deux versants semblables ; à ses pieds résonnaient les onomatopées, tandis qu'au fur et à mesure qu'on entreprenait l'ascension de ses versants, le verbe évoluait pour s'installer, indéfectible et abstrait, au sommet. Tout ce qui paraissait voué à un commentaire s'appliquait à des connexions absolues. Le chemin des deux frères ne s'élargissait-il pas à partir d'un point de leur projet ? Et eux-mêmes ne tombaient-ils pas alors en arrêt devant les causes propices ? Ils adoptèrent une marche oblique à l'orée du parc de la ville et face à la colline afin de s'attarder un peu pour arriver ensemble à son faîte, au moment où se produirait un dégagement du ciel exaltant leur carrière. Ils avaient la conviction d'être dans leur for intérieur pressentis par dessolutions d'envergure qui, transposées sur un clavier différent, retrouvaient toujours les mêmes combinaisons. De hautes et antiques colonnes atteignaient les nuées et, s'en inspirant, leur marche oblique se transformait en ronde sur ces lieux de ferveur et de dévotion.
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Il faut ajouter que ce portrait est insuffisant. J’ignore par exemple ce qui l’avait précédé et modelé au cours des événements et ce que sa mobilité pouvait engendrer d’inattendu. Peut-être que la vérité était tout autre et qu’en présence de motifs obscurs, son visage se figeait sans appel. Mais en dépit d’imperfections comme la raideur excessive du cou et l’épaisseur des membres inférieurs, son maintien se modifiait, de sorte qu’il se mouvait à son aise et selon son caprice. Il entrait dans les grandes traditions et l’anonymat en marchant comme tout le monde avec autant de facilité qu’il en sortait en s’alourdissant et mettant un terme à ses hésitations. Du même point partait dans toutes les directions cette réceptivité de l’espace à laquelle il s’attaquait, lourd d’importance ou léger. Pour en savoir davantage sur lui, il eût fallu le pister au milieu des préparatifs permanents de la fête, répondant malgré tout à ses exigences les plus pressantes. Ainsi l’objectif lui-même était sans cesse dérobé et reconquis dans le détail changeant et privé de principes. Cependant on pouvait se demander s’il n’existait pas un registre naturel contenant un rituel ; mais le temps était à l’explosion le plus souvent et les ruines s’amoncelaient.

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Dans tout cela il y avait le souvenir des lieux, rendu fertile par les années, et les deux frères ne modifiaient en rien leur volonté d'en tirer bénéfice.
Ils éprouvèrent quelque appréhension lorsqu'en quittant la maison ils se trouvèrent dans la rue,ne sachant comment s'y prendre pour traverser le temps malgré la vive allure des nuages dans le ciel.
Auparavant, penchés sur une carte, ils avaient étudié leur itinéraire mais sans réussir à en connaître la fin. Ainsi ils s'étaient proposés de s'arrêter dans des relais, de s'y recueillir, pour pouvoir dégager mentalement le chemin encore à parcourir. Et chaque fois que de nouvelles perspectives s'ouvraient en éventail, ils se sentaient perdus.
Ils pourraient devenir partisans de la parole mais à l'usage leur débit se précipiterait ; dès lors, ils retourneraient à leur entente muette où le projet de la journée figurait intact et validait leursfacultés. Peut-être à la longue le projet se ralliait-il ainsi le lointain et ses contingences.
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Lors du passage à la rive d’en face et sous l’influence des courants, la fragilité d’être n’avait pas à se contracter, elle se trouvait sous des effets identiques qui l’équilibraient. Certes, devant un naufrage l’instinct du danger était alerté, mais n’avait-il pas été agréé d’avance par les translations de toute nature ? Qu’on le veuille ou non, la même figure maîtresse, couchée sur le lit de la rivière, triomphait des changements ; si elle s’en allait par le fond, elle s’enfoncerait dans l’argile. Le geste souple d’un nageur était renvoyé à la surface, d’où il tentait à nouveau l’approche de l’image en fuite pour replonger et acquérir au passage de nouvelles aptitudes jusqu’à atteindre la position de fond, horizontale et inséparable d’elle-même. C’était finalement, à travers la fluidité et le désamorçage des contraires, une non résistance aux principes.
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Des sillons que le bac laissait derrière lui résultaient la même application pour les apparences, le même exercice de mémoire pour le fils du passeur, au milieu d’autres décors tels que les peupliers se reflétant sur des terres inondées et dont la théorie écartait le dissemblable. Seul à l’avant du bac, il n’hésiterait pas à accorder des privilèges aux régions qui se partageaient l’ordre établi. En acquérant de la maturité dans le métier, il ferait valoir sa quête de l’impossible. Il faudrait bien sûr, obéir aux préceptes reçus dès la naissance pour obtenir la maîtrise des itinéraires perturbés.
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En ce temps-là nous fréquentions l'arrière-salle d'une librairie, mal éclairée, où nous nous efforcions souvent de déchiffrer de vieilles inscriptions sur les murs érodés. Ce faisant nous avions l'espoir d'enrichir les connaissances apportées par les livres. Seulement cette écriture murale se référait à des rudiments de lecture archaïque où manquaient de longs passages. Des relations suivies s'établissaient entre nous, et l'ambiance de la salle studieuse, sous une lumière affaiblie pourtant, nous ranimait sans nous aider à épeler les lettres effacées.
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Les yeux étaient enfoncés, les dents proéminentes ; ainsi le rire lui dessinait pertinemment la bouche pendant que les autres traits du visage s’amollissaient. Sa peau marquée de rides devenait par endroits blême sur un fond rosé.
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