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Citations de Michèle Corrotti (31)


Le voyage de retour, serrés dans la diligence, dure deux longues journées jusqu'à Ajaccio avec des enfants remuants, suivies d'un jour dans une carriole où ils sont affreusement ballottés. Passé Propriano, Giovanni éprouve soudainement la curieuse impression de rentrer chez lui. Le paysage, qui lui a paru si chaotique et si sauvage lors de sa première traversée de la Corse, est devenu lisible et il revoit les yeux fermés l'écartement des griffes de l'Incudine, au nord la Punta di a Cioccia, au sud l'Omo di Cagna, au fond la Vacca Morta et les pics déchiquetés des aiguilles de Bavella. Une splendeur printanière éclate sur les flancs des collines qu'encadre la dentelure évanescente des cimes. L'air léger, les feuilles neuves qui se déplient, la verdure opulente jusque dans les fossés et le tapage d'or, d'argent, de blanc des fleurs du maquis lui font tourner la tête. Puis en remontant de Propriano il aperçoit Sartène, la mélancolique, la renfrognée, perchée sur son piton, et en dépit de lui-même son coeur bondit.
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Le pouls de la ville bat fort sous son couvercle de nuages. La grisaille domine la place attristée par les branchages d'hiver. Arrivée longtemps à l'avance, une invasion houleuse venue de tous les villages enfle la foule des Sartenais endimanchés. Nobles, propriétaires gros et petits, rentiers, bergers, laboureurs se disputent le pavé sans trop se mélanger. Les robes, regroupées dans un chatoiement de soies bigarrées, tranchent sur la monotonie des redingotes sombres et des paletots. Les discussions se confondent dans le bourdonnement d'une attente fiévreuse. Soudain les cloches sonnent à toute volée. Le grand portail de Santa Maria Assunta s'ouvre. Et une poussée a lieu lorsque entre la foule avide d'assister à un spectacle qui, reprenant une ancienne tradition de l'Eglise, apporte sa caution morale et spirituelle à la résolution des guerres privées. En ce 7 décembre 1834, sous les auspices du général baron Lallemand, gouverneur militaire de la Corse, les familles puissantes, ennemies bien qu'alliées et consanguines, du quartier Sant'Anna et du Borgo se préparent à signer un traité de paix sur le maître-autel en marbre polychrome, avant d'entonner le Te Deum.
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Quand, la nuit venue, il parvient aux abords d'un pont en contrebas d'un rude escarpement, une lune écornée dessine en grisaille des fantasmagories. Il met pied à terre, conduisant le cheval par la bride. Il lève les yeux. La cité se dresse menaçante, construite sur d'énormes blocs rocheux. Il suit le chemin qui contourne la ville haute et arrive devant les abruptes façades des premières maisons. Qu'il s'en trouve de telles est en soi une bonne nouvelle, tant il a eu l'impression d'une forteresse d'un seul tenant.
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A première vue, Bastia ne le dépayse guère. Avec ses maisons hautes, on dirait une petite Gênes. La rue principale, longue et étroite, le conduit jusqu'à la demeure du signor Nicolao Santelli, dont on lui a dit qu'il est le meilleur ami des Italiens pauvres.
Ce philanthrope, à qui il remet un billet, le reçoit avec les manières d'un homme rompu à l'exercice de la solidarité envers ses compatriotes. Peu curieux de connaître les raisons de sa présence, il ne s'inquiète que du montant de son pécule et rassuré de le savoir solvable lui conseille la maison Tellier, où on lui procurera un couchage honnête et un souper revigorant. Qu'il se présente demain chez le capitaine Casalta qui lui fournira les moyens de poursuivre son voyage. Giovanni est ému de constater que la sollicitude de l'oncle l'accompagne à distance et que, même dépourvu de tout viatique, un Italien en difficulté peut toujours compter sur un autre Italien. A deux pas du marché, l'hôtel Tellier dresse sa bâtisse imposante. Dès le vestibule, le décor fastueux de stucs, de dorures, de glaces, de lustres et de lampes impressionne le voyageur.
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Tuer un homme n'est pas dans ses habitudes. Giovanni, assis sur une pierre, laisse son regard dériver au loin sur le trait bleu de la mer qui, biffant l'horizon, marque les limites de sa contrée natale. Dans son dos, la Rocca di Sala, la vieille citadelle des Lombards réduite à l'épure de ses remparts et, plus haut encore, la denture de marbre des montagnes.
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Le soleil levant lustre de rose l'envers des ailes des goélands. (page 26)
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-Livia, galopine, tu me fatigues. Je suis fâchée. Livia! Cette fois, c'est décidé, j'appelle la Galipotte!
Galipotte! Galipotte!

- Livia, birbachjola, mi dai fastidiu. So ammusciata. O Li! Sta volta, hè decisa, chjamu a Zampugnotta.
Zampugnotta! Zampugnotta!

Mais tu ris, petit monstre!
Tu n'as donc peur de rien!

Ma ti ne ridi, mustrusella!
Un ai po paura di nunda!
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- Livia! Où es-tu?
-Livia! o Li, induve si?

Maman appelle sa petite fille en bas dans l'escalier, en haut dans le grenier. Livia n'est pas dans sa chambre ; elle n'est pas dans le salon.
Mamma chjama a so zitellucia disottu pè e scale, disopra in granaghju. Livia in càmera ùn ci hè, nemmancu in salottu.

- Livia réponds-moi!
- Livia rispondimi!
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Il est allé deux fois à Rome. Quand fut décrété dans toute la chrétienté le Saint Jubilé. C'était son premier voyage hors de l'île. Il s'en souvient d'autant plus qu'il y avait eu un drame. Des pèlerins qui avaient embarqué en Casinca pour obtenir le pardon de leurs péchés s'étaient noyés pendant la traversée. La date du second séjour, il ne pouvait l'oublier non plus. En effet, il était sur place quand arriva la funeste nouvelle de la prise de Constantinople. La tristesse devant les solitudes de Rome, l'admiration pour ces restes remarquables, ces arcs, ces temples, ces thermes corrodés, les aqueducs, les théâtres, les tombeaux, les obélisques, l'étonnement de se trouver dans une ville si majestueuse, tous ces sentiments confus il ne les a pas oubliés non plus. Aujourd'hui toutefois, il n'est pas question de cité antique ni de cité papale. Il ne franchira aucune porte.
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Morte sa femme et mort l'enfant. Mort aussi Gobbetto qui repose dans le petit cimetière de San Salvatore au-delà de la mer. Il sent la camarde qui le poursuit et l'attrape aux chausses.
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Le lendemain, après un bon gîte, les chevaux marchent de nouveau gaiement et il ne leur faut guère que six heures pour arriver en vue de la Bastia. Elevée sur une solide avancée rocheuse en contrebas du village de Cardo, protégée côté montagne par son fossé, la tour sur laquelle flotte l'étendard de Saint Georges est flanquée sur le ravin de deux édifices, dont l'un plus imposant que l'autre, et d'un moulin. Le Cortinco n'a pas oublié que son père y fut enfermé quelque temps lors de la révolte des caporaux. Il s'avance impérieusement et hèle le soldat de garde.
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Le linge blanc humecté d'eau vinaigrée glisse sur la peau aussi tendue que celle d'un tambour. Il ascensionne le ventre montueux, dévale la pente vers la combe ombreuse entre les seins, caresse le cou de taureau, glace d'une mince pellicule les bras énormes, revient sur le bas-ventre et parcourt les cuisses en troncs d'arbres. Puis la main menue trempe de nouveau le linge dans la bassine et s'attaque aux pieds, polissant chaque orteil avec minutie. L'énorme masse placide ne siffle ni ne souffle. Pas un frissonnement, pas une ride sur la surface de cette chair étale. Et c'est le tour du chiffon sec qui revient essuyer toute trace d'humidité sur la grande chose laiteuse.
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Pom, j'abandonne, dit Madame Petitmiaulis excédée.
Non mais, regarde-toi,
Encore des bonbons collés à ton pantalon,
De la confiture plein la figure,
Du cacao sur ton tricot!
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Réfugiée sur un prie-Dieu, Maria Coronata rêvait. A cette heure, l'oratoire Saint-Roch était presque désert. Elle goûtait là une solitude qui lui causait tant de plaisir que s'en était un péché. Le palazzo Castarola bruissait des allées et venues de trop de gens, la famille, les domestiques, les fournisseurs, les locataires, les visiteurs... Et Paolina insatiable qui la suivait partout, voulant sans cesse qu'on joue avec elle, qu'on lui raconte une histoire, qu'on réponde à ses questions... Les enfants sont une engeance bien fatigante! Mieux vaut la compagnie d'un chien. Ce n'est pas le gentil saint qui la contredira, lui qui pestiféré et abandonné fut nourri chaque jour d'un petit pain que son chien lui portait dans un petit panier. Il n'y a pas à dire, saint Roch était plus avisé que sant' Antonio del Porco dans le choix de son acolyte. Mais à tout prendre, mieux vaut peut-être la compagnie d'un homme?
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C'était en fin d'après-midi; Gabriel s'était étrillé, bouchonné, il empestait l'eau de senteur à plein nez. Il avait à grand renfort de pommade tenté de discipliner sa chevelure, mais sans résultat. Sa hure de loup, ainsi l'avait baptisée obligeamment son père - se révélait rebelle aux soins les plus obstinés. Il marchait à grands pas, se retenant pour ne pas bondir, se laisser aller à quelque entrechat ou autre extravagance. Le coeur ne lui battait plus dans la poitrine mais dans la gorge, et il lui semblait devoir étouffer d'excitation. Mazette! Quéquette, alouette je te plumerai, et la tête et le bec... elle était à lui, la petite caille. Elle lui tombait toute rôtie... dans la gueule. Comme on l'envierait...
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De retour à Bastia, dans l'attente d'une autre mission, Gabriel retrouva ses joyeux camarades. Gercourt, Fontanel, Tiffet de la Mothe, son cher Denis et d'Arcy, qui était décidément un drôle de corps. Il ne parlait que de femmes, mais c'était la croix et la bannière pour l'entraîner dans quelques parties fines. Pourtant, avec son visage de séraphin, il avait tout du bourreau des coeurs. Fallait-il que ce soit lui, Gabriel au masque de gargouille, qui pousse ce gandin à la débauche? Le monde était mal fait.
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S'il était en Europe un Etat où les nobles tenaient encore le haut du pavé, c'était le royaume de France. Personne ne connaissait la liste exacte de ceux qui pouvaient prétendre figurer à bon droit dans cet ordre privilégié qu'on appelait la noblesse. Les voies pour y pénétrer et s'y faufiler étaient nombreuses. Dans les salons, des théoriciens improvisés cherchaient à établir l'origine de cette catégorie privilégiée de sujets du roi. Descendaient-ils des guerriers francs? Un de leurs ancêtres s'était-il un jour croisé? Sans réclamer, comme la soeur du baron de Thunder-ten-tronckh, plus de soixante et onze quartiers, sauraient-ils exciper au moins de quatre du côté paternel et maternel? A L'opposé, dans l'île de Corse, les titres de noblesse étaient rares. Ceux qui les portaient avaient été récompensés sur le continent et les descendants des seigneurs du Sud, trop nombreux pour se distinguer des autres habitants, se souvenaient surtout de l'hostilité qu'avait toujours manifestée la puissance souveraine génoise à l'égard de leurs ancêtres. Le transfert de souveraineté de Gênes à la France changeait la donne.
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Un mari trompé, c'est injuste, fait toujours piètre figure. M. Chardon, malgré ses efforts, ne pouvait s'empêcher de témoigner à sa femme le profond mécontentement qu'il ressentait.
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En ce mois de décembre 1768, tout semblait tranquille, les montagnes sommeillaient sous leurs manteaux de neige, les Corses sous leurs manteaux de laine et les Français sous la protection des citadelles génoises même si, dans leurs cantonnements, les soldats du roi grelottaient la nuit faute de couvertures que certains fournisseurs juifs des Carrières de Carpentras n'avaient pas livrées.
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Gjacumu, versez-moi un autre café. Puis, si vous le voulez, nous irons faire un tour en ville. Nous éviterons "diplomatiquement" pour l'instant la librairie de mon ami Sacripanti. J'ai envie de revoir Bastia, les rues, même si aujourd'hui elles sont boueuses, et les gens. Histoire de ravauder le temps, comme ma chère Anghju rapiéçait ses torchons de cuisine.
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