En août 1993, arrivant des États-Unis, Dzogchèn Peunlop Rimpoché, Bardor Tulkou Rimpoché, Tènzin Cheunyi et quelques disciples firent un long séjour à Tsourpou afin de passer quelque temps auprès du Karmapa. Un jour, tous trois partirent à pied ; ils remontèrent très loin, longeant la rivière de la vallée, bien au-delà du mur de pierres gravées de manis, jusqu’à l’endroit des funérailles célestes, où ils récitèrent les priè-res traditionnelles pour les morts. Sur le chemin du retour, près du Parc Supérieur, ils remarquèrent que de délicieux champignons avaient poussé dans les prés. Ils en cueillirent quelques-uns pour les offrir au Karmapa, et Tènzin-la les rapporta dans le creux de ses mains. Plus tard, comme ils partageaient un repas avec le Karmapa, Bardor Rimpoché dit :
– Hier, nous avons ramassé ces champignons en pensant que vous les aimeriez.
– J’ai vu cela, répondit le Karmapa. Vous êtes allés tous les trois jusqu’au champ funéraire et, sur le chemin du retour, Tènzin-la tenait une poignée de champignons. Pourtant, à aucun moment je ne vous ai observés. Je lisais un texte, assis comme cela – il fit le moudra de la méditation avec ses mains et redressa son dos – et j’ai tout vu.
Dans la tradition tibétaine, il est dit que les grands maîtres voient clairement le passé, le présent et l’avenir, tout comme s’ils regardaient dans la paume de leur main. Cette ouverture sur le temps est développée par la pratique de la méditation. Pour un maître comme le Karmapa, il semble que ce soit quelque chose de simple, de naturel, une donnée de son vécu.
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