Citations de Michèle Teysseyre (17)
Juin arrive, tu retiens ton souffle. Et soudain, c'est une cascade, un déferlement d'or. Les genêts cousent aux talus des épaulettes de lumière, brodent les pentes, couronnent la crête des collines, ourlent de miel les ravins.
Tu aspires le parfum entêtant de ce jaune partout épandu.
Il faudrait bannir "hier" et "demain" du vocabulaire. Ils ne servent qu'à gâter le présent.
C'est alors que j'ai vu cette chose immense ! Devant moi, un troupeau de chevaux emballés déferlait en crachant son écume. Le bruit des vagues était assourdissant. Je suis resté là, à regarder. La Mer, c'était comme attendre une réponse qui ne viendrait jamais.
J'ai levé les yeux. Très haut dans le ciel, des nuages s'étiraient. Des formes apparaissaient, des poissons, des monstres, des cavales, pour disparaître aussitôt. Je me suis demandé : "Et si Dieu c'était ça, une image que chacun arrange à sa façon ?"
En amour, il n'y a que les commencements qui soient charmants. La suite n'est que triste répétition.
Dans nos contrées, beaucoup de familles sont huguenotes. Comme dans la Province de mon père, bien que lui n'en soit pas. Il dit que "toutes ces histoires, ça ne fait qu'embrouiller les esprits", que "les gens se battent pour pas grand chose", parce qu'après tout, "qui sait quelle tête a vraiment le Bon Dieu ?"
J’ignorais alors qu'il n'y avait d'autre but au voyage que de jouir de chacun de ses instants.
Le temps et l’humidité de Venise qui attaque aussi bien les poumons. Là-bas, tout le monde tousse. Des gondoliers aux putains, pas un qui n'y aille de sa petite cantate.
Jour après jour, tu tisses ta longe, tu prends racine, tu fais ton pré carré
Si l'on veut parler de toi, des lieux où tu as vécu, des paysages que tu as parcourus, il faut les connaître. Là-bas, les proportions sont différentes. Le ciel est partout, il occupe les deux tiers de l'espace, il vous fait tout petit. Et puis, il y a la lumière. On se sent un peu extra-terrestre dans cette lumière-là. C'est Dieu qui vous saute à la figure.
Venise est un théâtre où jour et nuit se confondent.
Antonio Vivaldi
Puis elle tendra un peu l'aile. Et moi je la suivrai.
Rosalba Carriera
Venise voyez-vous, est bien plus qu'une ville. Comment dire? Une espèce de songe sur l'eau
Giacomo Casanova.
Ce monde que nous avons connu vit ses derniers moments. Laissez-en le témoignage. Il ne fut pas le meilleur, mais ce fut le nôtre.
Nous voici arrivés au bout du chemin. Nos routes se séparent, notre compagnonnage est terminé. Si vous allez sur les lieux, ne rêvez pas. Vous n'y trouverez pas la même lumière. Pas plus que celle de Van Gogh à Arles, de Gauguin aux Marquises, de Monet à Honfleur. Vous ne verrez jamais les mêmes choses, car c'est votre oeil qui les verra. Vous êtes d'un siècle qui a oublié l'odeur de la paille.
L'avion s'est posé en douceur sur le tarmac mouillé. Aéroport de Genève, il fait nuit. Le train a pris le relais. Du paysage qui défile derrière la vitre, je ne verrai rien. Ni les prairies, ni les vignes en terrasses, ni le lac qui inverse sa courbe passé Montreux.
Lausanne sous la pluie est noire et grise. Les abords de la gare sont un vaste chantier. Je ne connais pas la ville. Cette fois, je renoncerai au métro. Taxi pakistanais, réceptionniste éthiopienne, restaurant italo-vaudois. Babel est en Suisse et Achille au bout du chemin. Ce sera notre dernière rencontre. Ensuite, chacun repartira de son côté.
- Venise, voyez-vous, est bien plus qu'une ville. Comment dire ? Une espèce de songe posé sur l'eau. Un songe fait de pieux, de pierres, de briques.
Mon premier opéra au Sant'Angelo a été un triomphe. Désormais, je ne me déplace qu'en gondole : le métier d'impresario s'accorde mal avec la lenteur. [...] Venise est un théâtre où jour et nuit se confondent. Partout du bruit, des fêtes, de la musique. Les ridotti ne désemplissent pas. Même les messes sont des spectacles. Ici, tout se vend, tout s'achète. Il n'est de loi que le profit.
Au petit jour, lorsque s'éteignent un à un les flambeaux, chacun poursuit son errance. C'est l'heure où apparaissent les fantômes, où les morts remontent à la surface de l'eau. L'heure où je rejoins mon Annina.