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Citation de ninamarijo


Jetant autour de lui des regards affolés, le directeur financier recula vers la fenêtre qui donnait sur le jardin et qu’inondait la clarté de la lune. Mais en se retournant il vit, collé contre la vitre, le visage d’une jeune fille nue et son bras nu qui, passé par le vasistas, essayait d’ouvrir l’espagnolette inférieure. Celle du haut était déjà ouverte.
Rimski eut l’impression que la lampe du bureau s’éteignait soudain et que le bureau lui-même se mettait à tanguer. Une vague glacée le submergea, mais – heureusement pour lui – il parvint à se dominer, et ne tomba pas. Il rassembla ce qui lui restait de forces pour crier, mais ce ne fut qu’un murmure :
– Au secours…
Devant la porte qu’il gardait, Varienoukha sautait d’un pied sur l’autre, et à chaque saut il demeurait un moment suspendu en l’air, animé d’un léger balancement. Les bras tendus vers Rimski, il agitait ses doigts crochus, sifflait et clappait, tout en lançant des clins d’œil à la jeune fille de la fenêtre.
Aussitôt celle-ci, pour aller plus vite, passa sa tête rousse par le vasistas et tendit le bras autant qu’elle le put ; ses ongles griffèrent la crémone inférieure, et elle essaya d’ébranler le châssis. À ce moment, son bras se mit à s’allonger, comme s’il était en caoutchouc, en prenant une teinte verdâtre, cadavérique. Enfin, les doigts verts de la morte se refermèrent sur la poignée de l’espagnolette ; celle-ci tourna, et la croisée s’ouvrit, Rimski poussa un faible cri et se colla contre le mur en tenant sa serviette devant lui comme un bouclier. Il se rendait compte que sa dernière heure était venue.
La croisée s’ouvrit largement, laissant entrer non la fraîcheur de la nuit et le parfum des tilleuls, mais une funèbre odeur de caveau. La morte franchit l’appui de la fenêtre, et Rimski vit distinctement, sur sa poitrine, les taches hideuses de la décomposition.
À ce moment précis – de la construction basse située au cœur du jardin, derrière le stand de tir, où logeaient les oiseaux qui participaient à certains programmes –, juste à ce moment monta le cri joyeux d’un coq. Un coq braillard et bien dressé qui annonçait ainsi aux habitants de Moscou, en claironnant, que là-bas, à l’Orient, naissait l’aurore.
Une fureur sauvage tordit les traits de la jeune fille qui jeta, d’une voix rauque, une bordée de jurons. Devant la porte, Varienoukha, qui flottait en l’air, poussa une plainte aiguë et tomba lourdement sur le plancher.
Au second cri du coq, la jeune fille claqua des dents, et ses cheveux roux se dressèrent sur sa tête. Au troisième cri, elle tourna le dos et s’envola par la fenêtre. À sa suite, Varienoukha, d’une détente de ses jambes, se lança en l’air, prit une position horizontale et, semblable à Cupidon volant, passa lentement au-dessus du bureau, franchit la croisée et s’enfonça dans la nuit. Un vieillard aux cheveux blancs comme la neige, sans un seul fil noir – un vieillard qui, l’instant d’avant, était encore Rimski –, se rua vers la porte, tourna la clef, ouvrit le battant et s’élança dans une course éperdue le long du couloir obscur. Parvenu au coin où s’amorçait la descente de l’escalier, il trouva à tâtons, en gémissant de terreur, le bouton électrique, et l’escalier s’éclaira. Mais le tremblant vieillard, secoué de frissons, manqua une marche et tomba : il avait cru voir, là-haut, Varienoukha plonger sur lui d’un vol lourd et indolent.
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